Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 23 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Alors que la France est en retard par rapport à ses voisins en matière de vaccination, alors que les doses manquent encore pour vacciner les quelque 20 millions de Françaises et de Français qui ne le sont pas, alors que le Gouvernement fait, mois après mois, la démonstration de son manque d’anticipation, le Président de la République continue de décider seul de mesures qui menacent gravement les libertés publiques.

Madame la ministre, nous sommes fatigués de cette morgue, de ce paternalisme, de cette arrogance. En vous adressant aux Français comme à des enfants, en n’admettant jamais vos nombreuses erreurs, en multipliant les propos à l’emporte-pièce sur les masques, les vaccins, le passe sanitaire, vous dépréciez – hélas ! – méthodiquement la valeur de la parole publique.

La défiance qui s’accroît depuis les premiers jours du quinquennat atteint un niveau invraisemblable. Comment convaincre des citoyens chauffés à blanc de la nécessité de se faire vacciner ? Ils sont tellement exaspérés qu’ils tombent dans les bras des populistes et des complotistes les plus abjects, qui usent de comparaisons à vomir et accentuent les fractures de la société.

Ce cercle vicieux, vous n’avez malheureusement pas fait grand-chose pour le rompre, loin de là. Votre passe sanitaire, inapplicable, montera les gens les uns contre les autres.

En réécoutant la fin lunaire de l’intervention présidentielle, on pourrait presque penser qu’il s’agit d’un rideau de fumée volontairement répandu pour poursuivre votre entreprise de casse sociale : je pense notamment à la réforme des retraites ou à celle de l’assurance chômage.

Loin de moi l’idée de vous prêter de si funestes intentions. Pourtant les résultats sont là : la population est fracturée dans des proportions alarmantes. Or l’immunité collective ne pourra être conquise que si les Français adhèrent collectivement aux objectifs de la campagne vaccinale. Je le dis et le redis au nom de l’immense majorité des écologistes : il est impératif de convaincre toute la population de la nécessité de se faire vacciner. Comme le ministre l’a dit tout à l’heure, il n’y a qu’une seule voie possible.

Pour ce faire, quand allez-vous enfin confier à l’assurance maladie la mission de mener une campagne massive de sensibilisation pour rappeler l’importance de la vaccination, souligner la sécurité des vaccins et préciser les modalités pratiques du processus ? Que prévoyez-vous pour rapprocher les plus jeunes de la vaccination ? Et surtout, quelles mesures allez-vous prendre pour enfin déployer la vaccination dans les quartiers populaires ?

Les inégalités sociales face au vaccin sont criantes. C’est l’ignorance autant que la défiance qu’il faut combattre. Laissez-nous vous le dire, sans que nous en comprenions bien les raisons, vous n’avez pas encore « fourni votre effort », comme l’on dit dans le jargon cycliste.

Dans ces conditions, étendre le passe sanitaire dans de pareilles proportions et à une telle vitesse est inacceptable. Vous ne laissez même pas la possibilité à celles et ceux qui le souhaitent de se faire vacciner à temps. Vous instaurez le contrôle de tous par tout le monde, selon un dispositif juridiquement bancal, et ce malgré les alertes du Conseil d’État et de la Défenseure des droits.

Vous imposez des amendes délirantes, équivalentes à celles qui sont applicables en cas d’usurpation d’identité, par exemple. Dans le même temps, faisant fi des recommandations sanitaires, vous autorisez l’abandon du masque dans les lieux soumis au passe sanitaire. Au passage, vous écornez encore le droit du travail. Tout cela pour ne pas rendre obligatoire la vaccination ! Ce n’est pourtant pas notre position, mais force est de constater que l’obligation vaccinale aurait été une mesure plus simple et moins liberticide.

Comme d’habitude, vous n’écoutez rien ni personne : vous avez fait passer toutes les mesures que vous pouviez par décret, en urgence, et vous ne nous soumettez le reste que par obligation, en nous imposant des conditions d’examen déplorables que l’urgence ne saurait justifier, même si l’on peut comprendre la difficulté de la situation.

Vous n’écoutez aucun représentant des oppositions, alors même que celles-ci sont toutes d’accord contre vous. Vous ne consultez pas ou vous faites semblant ; vous n’associez que très peu les collectivités locales. Contrairement à ce que vous semblez croire, tout cela ne nous fait pas gagner en efficacité, très loin de là, hélas !

Bien des régimes parlementaires, à commencer par l’Allemagne, enregistrent de meilleurs résultats que nous dans la gestion de l’épidémie §sans s’asseoir pour autant sur la délibération démocratique.

Alors, madame la ministre, j’espère que vous retiendrez au moins les apports de bon sens du Sénat. Je pense en particulier aux mesures d’isolement.

Pour les écologistes, en l’état, cela reste insuffisant. Le texte permettrait trop d’atteintes aux libertés publiques. Il découle de trop de promesses bafouées et créerait trop de divisions. Nous appelons le Gouvernement à « mettre le paquet » sur la stratégie vaccinale plutôt que de contraindre trop brutalement et de diviser.

Nous appelons enfin à lever les brevets sur les vaccins et à favoriser leur diffusion mondiale. Tous les efforts que nous faisons, toutes les restrictions que nous nous imposons devront se poursuivre tant que nous permettrons au virus de circuler largement dans le monde, tant qu’il mutera et que des variants apparus aux quatre coins du monde, résistant à nos vaccins, reviendront frapper à notre porte.

L’égoïsme vaccinal des pays occidentaux, les gestions nationales de l’épidémie de covid-19 sont des impasses sanitaires. Il est grand temps de sortir du cadre national pour enrayer, enfin, la pandémie. Nous espérons qu’au-delà du soutien à nos sportifs le président Macron profitera de son déplacement à Tokyo pour œuvrer en ce sens.

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