Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 23 juillet 2021 à 21h30
Gestion de la crise sanitaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

En tant que parlementaires de l’opposition, il serait difficile de nous opposer systématiquement au Gouvernement sans jamais rien proposer. Pour ma part, je m’efforce de faire des propositions, de comprendre les remontées du terrain ; nous sommes tous, ici, de droite comme de gauche, des élus de terrain.

J’en viens maintenant au fond du texte. Je veux préciser notre état d’esprit et exposer les positions que nous défendrons aux côtés de nos deux rapporteurs.

Depuis le début de cette crise, nous sommes sur une ligne de crête difficile, pour les raisons que j’ai citées. Il y a un équilibre à trouver entre la responsabilité et l’exigence. La responsabilité, c’est faire en sorte de ne pas sombrer dans la démagogie et que nous puissions donner au Gouvernement les moyens d’agir et de gouverner pour protéger les Français.

C’est dans cet état d’esprit que, dès le 2 décembre dernier, j’ai présenté notre position aux présidents de groupe conviés au déjeuner qu’avait organisé à l’Élysée le président Macron. J’avais indiqué à ce dernier être favorable à l’obligation vaccinale pour les personnels soignants et les personnels en contact avec des personnes fragiles.

Nous allons accompagner le Gouvernement sur les mesures d’isolement, en les assortissant des précautions votées en commission que les rapporteurs vous ont exposées.

Quant à l’exigence, nous la devons à tous les Français, non pas seulement à ceux qui comprennent la nécessité de la vaccination, mais aussi à ceux qui peuvent avoir des réticences. Nous devons relayer leurs interrogations car, même si nous ne les comprenons pas toujours, elles peuvent être légitimes. En tout cas, nous devons leur répondre autrement que par des injures ou par des invectives.

Pour respecter cet équilibre, nous avions voté le passe sanitaire dans sa première formule. Mais c’est aussi au nom de cet équilibre que nous allons vous demander d’accepter les modifications que nous souhaitons apporter au travers des amendements votés en commission.

Évidemment, la pandémie revient. Quel choix avons-nous ? La première solution serait de recourir aux mesures qui ont déjà été mises en œuvre, les confinements, les mesures généralisées, les couvre-feux. C’est la pire de toutes les solutions, car ces mesures sont très attentatoires aux libertés et nocives pour la santé psychique des Français, notamment des plus jeunes. Nous connaissons le taux de suicides et le mal-être qu’ont exprimé les plus jeunes de nos compatriotes ; gardons cela à l’esprit.

Cela vaut aussi si l’on veut que l’économie redémarre. L’économie, ce n’est pas seulement des aspects matériels ; c’est aussi, lorsqu’elle ne fonctionne pas bien, des souffrances sociales.

La pire des solutions, c’est le confinement ! La moins mauvaise, c’est sans doute le passe sanitaire.

Mes chers collègues, je sais que certains d’entre vous soutiennent la vaccination obligatoire. Pour ma part, je n’y crois pas. Premièrement parce que nous n’avons pas les doses suffisantes. Deuxièmement parce que, quand on pose une obligation, on ne peut pas ignorer les sanctions et l’application qu’on en fait. Sinon, c’est la norme, c’est l’autorité qu’on affaiblit.

Enfin, je pense que nous sommes dans un pays si fracturé qu’une telle obligation nous ferait prendre de grands risques. Encore une fois, nous soutiendrons le Gouvernement sur le passe sanitaire, même si cela signifie que nous devrons l’accompagner sur un chemin étroit et difficile.

Nous avons néanmoins quelques conditions : ce passe doit lui aussi être équilibré, juste et proportionné. Comme je l’ai affirmé il y a quelques jours dans une formule un peu lapidaire : « Oui à un passe sanitaire, non à un passe arbitraire ! »

Pourquoi allons-nous vous accompagner dans cette décision difficile ? Parce que nous croyons qu’une société ne peut tenir debout que si un équilibre s’établit entre les devoirs et les droits : nos droits sont le reflet de nos devoirs. Chaque Français, chaque citoyen a un devoir ; vous aussi, madame la ministre, en tant que gouvernant, vous avez un devoir, celui de ne pas blesser nos droits, les droits des citoyens.

Les garanties que nous vous demandons sont importantes. Tout à l’heure, quelqu’un citait la devise républicaine : au regard de cette question de la liberté, mon collègue Hervé Marseille et moi-même avons été les premiers, voilà une dizaine de jours, à annoncer que nous saisirions le Conseil constitutionnel, non pas pour dresser un nouvel obstacle sur le chemin de ce texte, mais tout simplement pour indiquer aux Français que nous allions prendre toutes les précautions, toutes les garanties pour préserver leur liberté.

De même, j’ai entendu ce qu’a répondu le ministre à la proposition du rapporteur Philippe Bas de rétablir l’état d’urgence sanitaire. La question n’est pas de savoir si nous avons plaisir à nous voir, s’il aime venir ou non au Sénat ; la question est que nos institutions et notre vie démocratique requièrent des procédures. Et ce qui permet d’encadrer l’action du Gouvernement, c’est le vote d’un texte. C’est la raison pour laquelle notre collègue – j’espère interpréter correctement sa pensée – propose de fixer une date butoir au 31 octobre. Garantir nos libertés, c’est fondamental.

De même, il est probable que des restaurateurs et des bistrotiers enregistrent des pertes de chiffre d’affaires. Aussi, en relation avec votre collègue chargé de l’économie, il faudra veiller à prévoir des mécanismes d’aide pour ces chefs d’entreprise, de nouveau victimes de la situation.

À ce sujet, il est heureux que l’on passe d’un régime de sanctions pénales – ce fameux régime ! – à un régime de sanctions administratives. Pour moi, ce n’est pas seulement une question d’efficacité ; c’est une question de principe. Ces restaurateurs sont des victimes. Ne faisons pas d’eux des délinquants ou des coupables, en plaçant au-dessus de leur tête cette épée de Damoclès pénale !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion