La qualifiant d’abord de « fausse bonne idée » et n’en démordant pas, les députés de la majorité gouvernementale finirent par concéder une expérimentation du prêt à taux zéro pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2023, et cela, je cite le rapporteur Cazeneuve, « afin de vérifier l’utilité d’un dispositif de ce type »…
C’est ainsi que l’une des seules mesures de justice sociale contenue dans le texte fut rescapée d’une discussion de coin de table ; nous nous en félicitons. Nous n’avons pas eu le même succès, en revanche, sur le taux de TVA à 5, 5 % pour les billets de train, qui ne figure plus dans le texte final. Comment pouvons-nous favoriser le report modal de nos déplacements si nous ne rendons pas attractifs les trajets ferroviaires ?
Nous sommes donc en présence d’un texte qui consacre le plus petit dénominateur commun entre l’Assemblée nationale et le Sénat ; ainsi pouvons-nous précisément évaluer l’ambition écologique de cette loi, qu’il faut mettre en regard de nos objectifs climatiques et des propositions initiales de la Convention citoyenne pour le climat.
Au risque de faire figure de trouble-fête des majorités sénatoriale et gouvernementale, j’affirme que cette loi n’atteint pas les objectifs que nous nous étions assignés. De l’aveu même de Pascal Canfin, une nouvelle loi devra être proposée dès 2022. Nous ne sommes donc pas dans les clous de la trajectoire bas-carbone fixée par l’accord de Paris.
Nous n’avons pas le temps de revenir point par point sur chaque titre pour mesurer l’étendue de nos déceptions quant à cette loi souvent plus bavarde que véritablement opérante. Quelques exemples, néanmoins, pour vous en convaincre, mes chers collègues.
Tout d’abord, à l’article 1er, le Sénat et l’Assemblée nationale ont réussi l’exploit de créer un affichage environnemental invisible, puisqu’il sera seulement accessible sur internet. Quel décalage avec notre réalité climatique, devenue, elle, bien visible !
De surcroît, tous nos efforts pour intégrer des critères sociaux ont été balayés. L’expérimentation est élargie à cinq ans au lieu de dix-huit mois. Seul le textile sera finalement concerné par une obligation d’affichage. Nous sommes là bien en retrait de la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, ou AGEC, que nous avions unanimement votée sur ces travées.
La mise en place d’un Éco-score ou d’un « score carbone », dont vous vous targuez, madame la ministre, est réduite à une coquille vide pour laquelle aucun cadre précis n’est établi et qui ne permettra qu’à la marge d’améliorer l’information du consommateur. Le travail de sape dirigé contre la proposition de la Convention citoyenne a fait son œuvre.
Il eût été envisageable de conserver la mention du niveau de rémunération des agriculteurs dans l’affichage environnemental. Mais non ! Le Gouvernement préfère créer, dans la loi Égalim 2, un « Rémunéra-score »… On empile les labels, les scores, au lieu de proposer un affichage unique, clair et utile aux Français.
Cette réécriture illustre bien la volonté qui anime ce gouvernement en matière d’écologie : le greenwashing permanent.
Ensuite, concernant la publicité, si l’interdiction s’appliquant aux véhicules les plus polluants est bien conservée, nous regrettons l’instauration à l’article 5 d’un droit mou pour les acteurs publicitaires, qui pourront continuer à prendre des engagements, sur la base du volontariat, sans être tenus de les respecter.
De la même façon, la disparition à l’article 4 d’un dispositif d’information relatif à la dispersion des fibres microplastiques, cher à notre collègue Angèle Préville, est une perte notoire, antithétique au discours gouvernemental.
Enfin, nous avons assisté à la suppression de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles de notre collègue Nicole Bonnefoy, que nous avions eu la sagesse d’intégrer au présent projet de loi.
Selon le rapporteur Cazeneuve, il faut se garder de préempter l’examen de la proposition de loi copiée-collée par un député de La République En Marche ! Les inondations cataclysmiques qui frappent nos voisins belges et allemands nous invitent en effet à attendre plutôt qu’à anticiper… Idem pour ce qui est des mesures tendant à lutter contre la pollution des sols, mesures promues par notre collègue Gisèle Jourda.
Comparé à l’ambition initiale de la Convention citoyenne pour le climat, ce texte de loi peine à traduire le message d’urgence écologique que les 150 nous ont transmis.
Certes, bien sûr, nous pouvons saluer les mesures du texte relatives à la rénovation énergétique des bâtiments, à la lutte contre l’artificialisation des terres ou aux paiements pour services environnementaux. Mais celles-ci arrivent malheureusement en bout de course d’un quinquennat manqué pour la transition écologique et solidaire : rien sur l’écoresponsabilité des entreprises, rien sur la résilience de notre modèle économique face au changement climatique, trop peu sur l’accompagnement social ou sur le développement du fret ferroviaire, ce dernier étant pourtant indispensable à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre ; quant à l’écocide, il est travesti en délit…
Nous avions besoin d’une loi-cadre ; vous nous proposez un catalogue de mesures disparates dont nous devrons attendre les décrets d’application. À constater votre célérité à publier les décrets de la loi AGEC, la loi anti-gaspillage et pour une économie circulaire, nous pouvons légitimement nous inquiéter quant à l’effectivité des mesures contenues dans ce texte…
J’aurais aimé déclarer avec vous, madame la ministre, sur Twitter : « Nous allons faire entrer l’écologie dans nos vies ». Mais nous en sommes trop loin, et le paquet européen adopté mercredi dernier nous le rappelle puissamment.
Ainsi voterons-nous contre ce texte.