La seule façon de l’éviter, ce sont des plans d’austérité budgétaire qui frappent tout particulièrement les ménages européens, salariés, retraités, malades ou chômeurs.
Les rentiers ou les spéculateurs n’ont aucune inquiétude à avoir : la concurrence fiscale en Europe préservera leurs revenus garantis par la Banque centrale. Au fond, rien n’a changé dans la finance européenne. Faute de volonté politique, mais aussi de coopération entre la Banque centrale européenne et les gouvernements, la prédation financière se poursuit sous d’autres formes, mais avec le même résultat : la montée des périls macroéconomiques, l’austérité pour la quasi-totalité des populations d’Europe et le déclin des États et de leur capacité à assurer leurs si nécessaires fonctions.
Alors que la combinaison des politiques économiques devrait s’attacher à mettre en place une coopération entre une politique monétaire accommodante et une politique budgétaire de rétablissement à petits pas des finances publiques sur fond de contribution du capital privé, afin d’en revenir à un sentier de croissance durable, tous les éléments de cet équilibre sont sens dessus dessous.
La BCE assure l’effet boule de neige de la dette qui alourdit les ajustements rendus nécessaires par l’état des finances publiques, délabrées par la crise. Alors que nous sommes en plein choc de demande, nous adoptons des plans d’austérité budgétaire qui pèseront sans doute sur la demande. Déjà, le Royaume-Uni s’enfonce de nouveau dans la récession, et les perspectives de croissance du Portugal, de la Grèce, de l’Irlande mais aussi des autres pays européens se dégradent. Et en France, il n’y a pas plus de relance qu’il n’y eut de baisse du chômage en 2010 !
N’en doutez pas, mes chers collègues, l’austérité budgétaire qui pèse sur la croissance d’aujourd’hui et de demain affectera à long terme la dynamique de l’Europe et détruira encore un peu plus la confiance de nos concitoyens.
Pendant ce temps, aux États-Unis, en Asie – des zones économiques auxquelles, je le note incidemment, les contribuables européens versent de confortables revenus financiers –, on profite qui d’une politique monétaire autrement moins conventionnelle et absurde, qui, sous forme d’investissements directs, des transferts financiers réalisés par les entreprises européennes dans le cadre de la nouvelle division internationale du travail.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous poser une question simple : pourquoi, quand la FED, la Réserve fédérale américaine, rachète directement la dette publique des États-Unis en maintenant des taux d’intérêt très bas, nous offrons-nous le luxe de payer des commissions élevées aux banques commerciales en Europe pour une intermédiation totalement inutile ?
Ne me répondez pas que c’est pour éviter l’inflation, car, si un risque inflationniste existe en Europe, c’est du fait des spéculations financières sur les matières premières ou de la restriction du crédit aux entreprises, certainement pas par la monétisation de dettes publiques qui plus est souvent portées par des capitaux étrangers. Ne me dites pas non plus que nous y risquerions notre réputation, car ce qui compte pour les créanciers, c’est d’être remboursés tout en trouvant une rémunération acceptable. Toutefois, celle-ci doit l’être aussi pour les débiteurs, et pour cela elle doit être compatible avec la survie de ces derniers. Or, en l’état, tel n’est pas le cas, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État.
L’Europe des ordo-libéraux manque décidément de la capacité de vouloir sans laquelle il n’est pas de capacité de concevoir. Point de vision ni de stratégie, sinon sur le papier jauni de Conseils européens prompts à avaler la doxa d’une commission européenne convertie aux rêveries de l’école de Chicago.
Ne nous y trompons pas : au lieu de sortir de la crise, nous sommes en train de nous y enliser ! Ce qui est en cause, au-delà de notre capacité, tragiquement inexistante aujourd’hui, à sortir de la crise dramatique que la France et la plupart des Français traversent, c’est le projet européen lui-même, donc l’avenir de l’Europe.
La crise en Europe, c’est surtout cela. Nous pouvons bien écrire sur le papier toutes les stratégies que nous voulons, ces documents ne pèsent rien en pratique, tant ils négligent les conditions d’accomplissement des ambitions qu’ils affichent. Pis encore, ils jettent les bases de leur propre vanité.
L’Europe se construit sur des fictions : celles de la concurrence pure et parfaite et de l’efficience des marchés. Or, si ces paradigmes ne doivent pas être négligés, une telle pensée est porteuse des graves désillusions qu’enfantent à tout coup les utopies mystificatrices.
L’Europe est victime d’un idéologisme qui lui fait prendre des vessies pour des lanternes, pour le plus grand bénéfice des monopoles dominant les marchés. N’est-il pas temps qu’elle redevienne l’Europe de la pensée pratique et des progrès, modestes mais tangibles ?
Nous n’avons qu’un ennemi ici, ce sont les faux-semblants. Est-il acceptable que les États-nations d’Europe se réclament d’une volonté de coopération et se livrent une guerre économique ? Pouvons-nous nous satisfaire du fait qu’ils affichent une priorité de croissance pour tous et qu’ils jettent les bases d’une domination de la rente patrimoniale, malthusienne et prédatrice ?