Intervention de Denis Badré

Réunion du 17 février 2011 à 9h00
Coordination des politiques économiques au sein de l'union européenne — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Je révère Colbert, dont la statue se trouve juste derrière moi, mais il faut le révérer avec lucidité et réalisme !

Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, le développement de notre consommation enrichit aussi la Chine, et pas seulement à la marge. Cela présente certains avantages, mais aussi des inconvénients. En même temps, notre penchant keynésien a permis de lisser les effets de la crise, quand les économies purement libérales étaient à la dérive. Il faut le dire !

Exportatrice, l’économie allemande est également décentralisée, caractéristique si étrangère à notre culture que, lorsque nous nous « appliquons » à décentraliser, nous le faisons toujours de manière centralisée – il nous est impossible de faire autrement – et uniforme, depuis Paris ! Le principe de subsidiarité reste peu lisible, voire incompréhensible, en France. Selon ce principe, les interventions se font au plus près du « terrain », et l’on accepte de fédérer ses efforts, ses difficultés et ses ambitions, à partir du moment où l’on est sûr de ne pas pouvoir être plus efficace autrement. Cela appelle un effort constant de notre part. Il est dommage que ce principe soit peu lisible en France, car il constitue une belle école de responsabilité pour les citoyens comme pour les dirigeants d’entreprise.

Avec ses atouts, l’Allemagne tire le parti maximum de la croissance des pays émergents, même si elle a subi plus fortement l’arrêt brutal de la demande internationale. On ne peut pas tout avoir !

En outre, les relations sociales en Allemagne sont consensuelles, d’autant plus naturellement qu’elles sont, elles aussi, décentralisées. Dans un État fédéral, la décentralisation est en effet la base de toute chose. Les négociations, enfin, sont globales, puisqu’elles portent à la fois sur le temps de travail, les salaires et l’emploi.

Un point est plus encourageant, tout de même, s’agissant des comparaisons entre nos économies : les deux pays partagent une même approche socio-libérale de l’économie. Cette profonde communauté de sensibilités permet déjà de se comprendre, ce qui est précieux. Sans ignorer les différences, il nous faut rechercher puis valoriser toutes les possibilités de convergence !

Des marges de progrès existent vraiment. C’est dans ce domaine que les propositions du pacte de compétitivité franco-allemand sont évidemment les plus intéressantes. Elles peuvent paraître peu ambitieuses. Il nous reste à miser pragmatiquement, « à l’allemande », sur elles, et à avancer. Elles traduisent surtout une volonté politique commune dont l’affirmation même est déjà essentielle et déjà porteuse d’avenir.

La Cour des comptes va rendre publiques ses conclusions sur les problèmes posés en matière de convergence des fiscalités française et allemande. Ces comparaisons vont nourrir le débat, lancé pour ce semestre, sur l’évolution de notre propre fiscalité. J’ai par ailleurs noté que le Président de la République portait une grande attention à la réalité allemande et à tout ce qui pouvait resserrer cette convergence. Tant mieux !

Nous connaissons donc une conjoncture plutôt favorable pour opérer, au moins à l’échelle franco-allemande, une coordination fiscale, premier pas vers une coordination de nos politiques économiques.

Peut-être une telle initiative entraînera-t-elle d’autres économies de la zone euro à appliquer les « bonnes pratiques », telles que le plafonnement de la dette ou le rapprochement des taux d’impôt sur les sociétés, pour ne citer que ces deux exemples.

À terme – il faut l’espérer et y croire –, cette démarche intergouvernementale pourra être consacrée à l’échelon communautaire. C’est bien la méthode Schuman ! Elle se fait pas à pas, par des avancées concrètes. C’est ainsi que nous pourrons le plus solidement et irréversiblement réduire les tentations de dumping fiscal qui subsistent dans l’Union européenne. La solidarité y gagnera et, avec elle, la croissance et l’emploi de tous, au sein du grand marché européen.

La France doit l’accepter, l’environnement mondial a évolué. Que l’on en pense du bien ou du mal, c’est une réalité incontournable. C’est dans ce contexte, d’abord à l’échelle de l’Eurogroupe, puis de l’Union européenne, que de nouvelles voies doivent être ouvertes.

Parce qu’ils se situent dans cette perspective européenne, les membres du groupe de l’Union centriste ne partagent pas le scepticisme qui nourrit la proposition de résolution qui nous est soumise. Du scepticisme au pessimisme, il n’y a qu’un pas. Nous ne voudrions pas nous retrouver entraînés à le franchir, alors que, pour reprendre une formule connue, « le pessimiste se condamne à être spectateur ». Dans la compétition mondiale qui est engagée, nous entendons bien rester acteurs, avec la France et dans l’Union européenne !

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