Intervention de Jean-François Humbert

Réunion du 17 février 2011 à 9h00
Coordination des politiques économiques au sein de l'union européenne — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exposé des motifs de la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui me laisse songeur, surtout lorsque je lis que les « projets de “refondation économique” en cours amplifient globalement les incohérences de la coopération économique entre États ».

Je suis chargé, au sein de la commission des affaires européennes, de suivre les problématiques liées à la crise de la dette souveraine. Je me suis ainsi rendu, ces dernières semaines, à Dublin et à Lisbonne. J’irai, dans les prochains mois, à Madrid et à Athènes. Si les raisons de la crise divergent d’un pays à l’autre, j’ai partout observé une réelle attente des gouvernements, mais aussi des opinions publiques, à l’égard de l’Union européenne afin que, justement, elle mette en œuvre les projets que la proposition de résolution paraît dénoncer.

N’en doutons pas, mes chers collègues, les dispositifs d’aide et de surveillance dont les gouvernements veulent doter la zone euro sont de nature à aider les États concernés à répondre aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer, notamment sur les marchés financiers. Ils viennent pallier l’absence existant jusqu’alors de réelle coopération entre les États membres de la zone euro. L’aide accordée par le Fonds européen de stabilité financière à la Grèce et à l’Irlande leur a ainsi permis de consolider leurs budgets sans avoir à lever des fonds à des taux exorbitants. Le filet de sécurité que représente ce fonds permet aujourd’hui au Portugal et à l’Espagne de bénéficier d’une relative détente des taux sur le marché obligataire.

Je vous invite, à cet égard, à observer l’effet sur les marchés des récentes annonces concernant une redéfinition du périmètre de ce fonds. Lisbonne a pu emprunter, le 12 janvier, à un taux inférieur aux prévisions, les places financières étant pour partie rassurées par la consolidation annoncée du mécanisme de soutien européen qui pourrait, le cas échéant, aider le Portugal.

Ce fonds n’a-t-il pas, dès lors, rempli sa mission ? La révision prévue de son mode de fonctionnement en vue de renforcer sa capacité d’intervention, comme sa pérennisation à l’horizon 2013 me semblent aller dans le bon sens. Je ne comprends donc pas les réserves exprimées à ce sujet par les auteurs de la présente proposition de résolution.

Les mécanismes critiqués dans la proposition de résolution n’apparaissent pas « insusceptibles d’efficacité », pour reprendre la formule tout aussi technocratique que celle des fameux « conclaves fermés » cités dans l’exposé des motifs. Au contraire, ces dispositifs participent plutôt d’une réflexion jusqu’alors inédite sur une véritable gouvernance politique de la zone euro.

Jusqu’à présent, l’Union économique et monétaire ne marchait que sur une jambe, pour reprendre la formule de Jacques Delors. Cette situation instable a permis la poursuite, par certains pays, de stratégies en solitaire, à rebours des impératifs de solidarité qu’impose une zone monétaire unique.

La réponse de l’Union européenne à la crise de la dette souveraine constitue, de fait, une opportunité indéniable pour permettre à la zone euro de fonctionner convenablement, en corrigeant notamment ce que je serais tenté d’appeler « les excès de souverainisme économique ». Celui-ci a revêtu plusieurs formes, de part et d’autre de l’Union européenne, qu’il s’agisse de la dérégulation et de la défiscalisation en Irlande, du mensonge budgétaire grec, de l’absence assumée de réforme de son économie par le Portugal ou de l’investissement, qualifié d’ « insensé » par certains, de l’Espagne dans l’immobilier. Ces aventures économiques ont abouti à des impasses, dont souffrent en premier lieu les peuples concernés, soumis à des politiques d’ajustement drastiques.

Soyons précis, mes chers collègues : ce n’est pas l’Union européenne qui impose l’austérité, mais bien les situations économiques nationales. Dans le cas irlandais, on observera que l’appel à l’aide européenne n’est intervenu qu’après la présentation d’un plan d’austérité. En ce qui concerne le Portugal, comme l’Espagne d’ailleurs, les mesures de rigueur sont accompagnées d’une communication gouvernementale axée sur le refus de l’intervention conjointe de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.

Comme l’a dit Pierre Bernard-Reymond, notre groupe ne peut, en conséquence, voter en faveur de cette proposition de résolution, qui semble condamner la plupart des solutions innovantes aujourd’hui sur la table, notamment celles soutenues par le couple franco-allemand.

Certes, les auteurs de ce texte appellent de leurs vœux une meilleure coordination des politiques économiques au sein de l’Union, mais ils se gardent bien d’en préciser les contours ! Cette déclaration de bonnes intentions ne peut masquer des réflexes, pour ne pas dire des crispations, souverainistes, qui empêchent ces mêmes auteurs de déterminer les responsabilités de certains États dans la crise actuelle et les poussent à dénoncer, de façon quasi-pavlovienne, toute initiative de l’Union européenne, fût-elle intergouvernementale.

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