Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 17 février 2011 à 9h00
Coordination des politiques économiques au sein de l'union européenne — Rejet d'une proposition de résolution

Pierre Lellouche, secrétaire d'État :

Un mois après, messieurs Collin et Chevènement, vous vous absteniez cette fois de voter le Fonds européen de stabilité financière. Toutefois, monsieur Collin, je note que vous affirmez soutenir ce plan, dont vous avez évoqué la possibilité dès 2009, et que vous en souhaitez aujourd'hui la pérennisation.

Par ailleurs, et c’est bien normal, vous avez auditionné Mme Lagarde voilà quelques semaines sur le plan d’assistance à l’Irlande. Nous sommes donc très loin de la « “pensée unique” imposée par des conclaves fermés à toute critique », comme je l’ai lu dans l’exposé des motifs de votre proposition de résolution ! Une fois encore, je trouve que la réalité est quelque peu différente de ce que vous en faites.

Certes, on peut considérer que de tels mécanismes sont insuffisants, mais tout ce qui concernait la mise à disposition de financements sur la base de la solidarité financière en Europe a été décidé sur la base du vote souverain des parlements nationaux, en particulier du nôtre, ce qui, d’ailleurs, est tout à fait normal. Ces mécanismes seront maintenus.

Troisièmement, vous appelez à poursuivre les travaux en cours sur le mécanisme permanent de résolution de crise. Là encore, c’est précisément ce que nous faisons.

La crise nous a offert une leçon : la nécessité pressante de doter l’Union européenne d’un mécanisme permanent qui permette d’intervenir en cas de difficultés d’un État membre de la zone euro.

Rappelez-vous : en mai 2010, les rendements exigés par les marchés avaient quasiment fermé aux États périphériques l’accès au marché obligataire et les menaçaient littéralement d’étranglement. Or, à l’époque, le traité interdisait à un État membre de venir au secours d’un État menacé à l’intérieur de la zone euro. Qu’a-t-il été fait, sur l’initiative, là encore, du Président de la République et de la France, en liaison avec l’Allemagne ? Un mécanisme de soutien a été littéralement inventé, un mécanisme exigeant et qui met en avant le principe de la solidarité. Là aussi, il me semble que la critique est un peu sévère, car ces mécanismes ont été inventés en réaction à la crise la plus grave qui ait eu lieu depuis les années 1920, ainsi que le rappelait M. Bel.

C’est dans ces conditions que Christine Lagarde et ses homologues ministres des finances de la zone euro ont alors décidé de mettre en place, pour une durée de trois ans – le traité interdisait en effet à ce stade un système pérenne – un Fonds européen de stabilité financière destiné à refinancer des États membres de la zone euro en difficulté, en leur apportant jusqu’à 440 milliards d'euros de financements sous forme de prêts ou de lignes de crédits.

Même si je sais qu’elle est critiquée, je voudrais également souligner le rôle positif qu’a joué la Banque centrale européenne, la BCE, sous l’autorité de son président, M. Trichet, dans la résolution de la crise.

En toute indépendance, la BCE a fait preuve d’un pragmatisme et d’une réactivité exemplaire, notamment en élargissant les actifs financiers éligibles à son refinancement, en maintenant ses guichets de liquidité exceptionnels et en intervenant sur le marché secondaire des titres d’État, ce qui était radicalement nouveau par rapport à ses positions précédentes. Son action a été déterminante dans la résistance de la zone euro aux coups de boutoir des marchés financiers. Telle est la réalité.

Toutefois, une telle action de la BCE ne pouvait être pérenne ni menée de façon isolée : il était nécessaire que l’Union européenne mette en place un mécanisme permanent pour crédibiliser aux yeux des marchés la volonté des États membres de sauvegarder la monnaie unique européenne.

C’est pourquoi les chefs d’État et de gouvernement ont décidé d’instituer un mécanisme européen de stabilité pour les États membres de la zone euro, qui se substituera à compter de la mi-2013 au dispositif mis en place en mai 2010 ; je note d’ailleurs – avec plaisir – que le président du groupe socialiste soutient cette initiative.

Les ministres des finances de la zone euro ont donc reçu comme mandat très clair du Conseil européen du 4 février 2011 de préciser les caractéristiques de ce futur mécanisme d’ici au mois de mars 2011, c’est-à-dire avant le prochain Conseil évoqué voilà quelques instants par Jean-Pierre Chevènement.

Sachez cependant qu’il est d’ores et déjà acquis que l’assistance devra s’inscrire dans un programme d’ajustement rigoureux, établi et suivi par le FMI et la Commission européenne en lien avec la BCE, et que la participation du secteur privé se fera au cas par cas, sans automaticité, en cohérence avec les procédures d’implication du secteur privé définies par le FMI.

Quatrièmement, nous partageons bien entendu votre souci d’une meilleure régulation des institutions responsables de la crise. Le défi aujourd’hui consiste à rétablir la confiance des ménages et des entreprises dans notre système financier. Pour cela, nous devons créer un cadre de supervision et de régulation solide.

Notre première priorité est de faire en sorte que les nouvelles autorités européennes de supervision financière et le nouveau Comité européen du risque systémique, en place depuis le 1er janvier 2011, soient dotés des moyens d’accomplir leur mission. Je signale d’ailleurs que ces institutions ont bien souvent été remodelées à l’initiative de la France, en liaison avec l’Allemagne. Elles ont désormais commencé leur travail.

Je souligne que les candidats à la présidence des autorités européennes de supervision ont été auditionnés par le Parlement européen, qui n’a pas manqué de demander et d’obtenir des assurances sur la parité et l’indépendance des dirigeants.

Notre seconde priorité consiste à fortifier les banques en renforçant notamment la qualité et la quantité de leurs fonds propres, tout en veillant à ne pas les pénaliser sur le plan de la compétitivité.

En tant que ministre du commerce extérieur, permettez-moi de faire une petite parenthèse : nous devons prendre garde à ne pas être les seuls à imposer des règles extrêmement drastiques, car cela nous pénaliserait pour le financement de nos exportations par rapport à d’autres pôles de puissance ; à mon sens, c’est un point important.

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