Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail n’est pas un texte à destination exclusive des professionnels des ressources humaines. Il nous concerne tous, c’est un texte de société.
La santé au travail, dans sa dimension de réparation comme de prévention, est un enjeu essentiel ; confrontée à des défis majeurs, elle ne doit pas rester sous les radars.
La pénurie de professionnels de santé, la crise sanitaire inédite, le développement d’autres méthodes de travail, comme le télétravail, les reconversions professionnelles, mais aussi la très grande hétérogénéité du monde de l’entreprise et de l’offre des services de santé au travail ont amené les partenaires sociaux à travailler conjointement sur ces sujets.
Ils ont conclu, le 9 décembre dernier, un accord national interprofessionnel qui s’appuie sur de récents travaux parlementaires, en particulier ceux de nos collègues Pascale Gruny et Stéphane Artano.
Le texte législatif qui en a découlé a été adopté par l’Assemblée nationale le 17 février dernier, puis modifié par le Sénat le 6 juillet.
La difficulté, pour la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier, ne fut pas de trouver un consensus sur les trente-huit articles restant en discussion. La volonté conjointe d’aboutir était là, les sujets maîtrisés et approfondis, les apports des deux chambres furent pris en compte dans une synthèse heureusement conclusive.
Non, la difficulté, à mon sens, fut pour nous de garder constamment comme objectif de produire un texte utile, opérationnel, adapté, et de nous assurer que la culture de la prévention du risque puisse ainsi se diffuser, y compris au sein des très petites entreprises, sans être vécue comme punitive, alors que se profile dans certains secteurs une pénurie de main-d’œuvre.
La commission mixte paritaire a donc validé, à la majorité parfois, à l’unanimité souvent, trente-deux propositions.
Celles-ci conduisent à considérer les faits subis par la victime en matière de harcèlement sexuel au travail, indépendamment de l’intention de l’agresseur ; elles permettent aux entreprises de moins de cinquante salariés de définir une liste d’actions de prévention des risques et de protection dans leur document unique d’évaluation des risques professionnels, sans formalisme supplémentaire ; elles prévoient le déploiement d’un portail numérique d’archivage des DUERP selon des modalités et délais à définir.
Ces mesures permettent également la mise en place d’un suivi post-exposition pour les travailleurs ayant fait l’objet d’une exposition à des risques particuliers ; elles limitent la complexité des procédures d’agrément des services de prévention et de santé au travail et organisent l’accès réciproque et circonscrit à des données contenues dans le dossier médical partagé et dans le dossier médical en santé au travail, en veillant toujours au strict respect du secret médical et au recueil du consentement libre et éclairé du salarié.
Elles accordent au médecin du travail la possibilité de déléguer l’animation et la coordination de la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle à un membre de l’équipe pluridisciplinaire qui agit sous sa responsabilité ; elles clarifient la terminologie employée dans le cadre du suivi individuel du travailleur, avec l’emploi des expressions « consultation » et « entretien à distance » plutôt que « téléconsultation », laquelle relève de la télémédecine qui est définie dans le code de la santé publique.
Ce texte instaure également une visite médicale de mi-carrière et précise les complémentarités entre suivis de santé en ville et au travail. Ces deux spécialités médicales connaissant la même situation de pénurie, le médecin d’aptitude reste bien le médecin du travail, un spécialiste irremplaçable. Le compromis adopté confirme qu’une formation spécifique doit être dispensée avant 2023 aux futurs infirmiers de santé au travail, qui occupent un rôle de plus en plus central au sein des services de santé au travail.
Il accorde, enfin, aux médecins du travail la possibilité de déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire, laquelle reste toutefois toujours sous leur responsabilité.
Mes chers collègues, en conclusion de ces travaux, je souhaite également souligner l’intérêt qui a été porté, au-delà des salariés, aux chefs d’entreprise qui, notamment dans les TPE et dans les PME, sont exposés aux risques professionnels dans des conditions souvent très proches de celles de leurs salariés. Leur reconnaître la possibilité d’accéder à un même suivi en santé au travail est donc une belle avancée, même si ce n’est pas à titre gratuit. Le Sénat leur a ouvert cette voie.
Je souhaite enfin redire combien fut difficile l’organisation de la montée en puissance de la prévention en santé au travail partout et pour tous, sans alourdir la charge de travail de ces professionnels de santé, de plus en plus rares.
Nous avons refusé d’acter le déclin d’une spécialité médicale à part entière, préférant placer nos espoirs dans des mesures qui la rendraient plus attractive.
Souhaitons que le but soit atteint et que, en particulier, les patrons de TPE-PME ne se perdent pas dans tous ces acronymes barbares – ANI, DUERP, CNPST, SPSTI, SPST, CPOM, DMP, DMSP, etc.