Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout en partageant les objectifs du texte, le Sénat a cherché à trouver un équilibre entre la défense des principes de la République et la liberté religieuse, qui s’exerce notamment par le libre exercice du culte et par la possibilité de créer des associations cultuelles.
Il ne fait aucun doute que la loi doit être la même pour tous et que l’on ne peut distinguer entre les cultes qui seraient intégrés à la République et ceux qui devraient encore faire la preuve de leur intégration.
La volonté de faire prévaloir une idéologie sur les lois de la République au nom de la religion n’est pas propre à un seul courant spirituel, mais la protection des libertés implique que les contraintes administratives soient proportionnées aux réalités historiques et à la dimension humaine des associations et organisations que l’on souhaite contrôler.
Nous avions fait plusieurs propositions en ce sens, madame la ministre, et l’on ne peut que regretter qu’aucune n’ait été retenue, que ce soit pour protéger l’activité d’associations d’inspiration religieuse, mais n’organisant pas un culte – je pense aux scouts –, ou pour mettre en place des obligations comptables proportionnées aux sommes reçues.
Les contraintes pesant sur les associations relevant de la loi de 1905 comme sur celles qui relèvent de la loi de 1901 seront nombreuses et difficiles à mettre en œuvre. Je doute que la mesure temporaire de défiscalisation à 75 % des dons introduite par le Gouvernement dans la loi de finances rectificative pour 2021 permette de rééquilibrer la situation.
Une spécificité de notre droit aurait également mérité une prise en compte plus attentive – je pense au droit local alsacien-mosellan. §Le Sénat avait souhaité préserver les spécificités de ce droit local. En effet, si le droit local doit évoluer comme celui du reste de la France, ses spécificités demeurent, puisqu’il n’est pas envisagé de revenir sur le régime concordataire ni sur le statut des établissements publics du culte. Ici encore, nos propositions n’ont pas été retenues et l’alignement du droit local sur le droit national bouleversera sans nécessité des pratiques ancrées et profondément républicaines.
Nous reconnaissons néanmoins que certains points ont pu faire l’objet d’un consensus. Je pense à l’article 18 et aux articles relatifs à la haine en ligne, sur lesquels nous avons pu mener avec l’Assemblée nationale un travail constructif qui a abouti à des mesures protectrices et efficaces. Je relèverai simplement qu’il s’agit de dispositions qui, discutées à l’occasion de l’examen de textes antérieurs, ont pu être enrichies de ces travaux et ajustées au regard des décisions rendues par le Conseil constitutionnel.
Finalement, madame la ministre, ce qui nous a le plus manqué pour parvenir à un accord, c’est le temps. Nous partageons le constat du défi auquel nous faisons face : l’essor d’un discours se prévalant de la religion pour tenter d’imposer des pratiques séparant de la République une partie des citoyens.
Mais les solutions proposées dans ce texte, qui imposent de toucher à des libertés constitutionnellement protégées comme la liberté d’association et la liberté de culte, méritaient que le Parlement puisse débattre pleinement, sinon sereinement, des dispositifs envisagés, au travers de deux lectures. La procédure accélérée demandée sur ce texte, que rien ne justifiait, n’a fait qu’accentuer les divergences.
L’Assemblée nationale, tout aussi soucieuse de ne pas aborder certains sujets que de ne pas se faire rattraper par une actualité qui prouve la difficulté de déterminer le périmètre et les modalités d’application de la laïcité, n’a pas souhaité s’engager sur la voie d’une solution de compromis.
C’est donc à regret, face au constat de l’absence de volonté d’un vrai travail commun, que nous proposerons au Sénat d’adopter la motion tendant à opposer à ce projet de loi la question préalable.