Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 20 juillet 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis, après des heures de débat dans cet hémicycle, pour discuter de ce projet de loi, dont l’objet affiché était, paraît-il, de conforter les principes de la République.

Pourtant, lorsque l’on examine son contenu, on est bien loin du discours du Président de la République tenu aux Mureaux en octobre dernier, que certains ont déjà évoqué.

La République, pour la gauche, c’est avant tout une promesse. Une promesse de cohésion autour de valeurs communes. Une promesse d’émancipation pour chacun, indépendamment des conditions de départ dans la vie. Une promesse de justice sociale et de solidarité.

La République, c’est le ciment de notre société, autour des trois mots qui la célèbrent : liberté, égalité, fraternité.

En octobre, Emmanuel Macron soutenait que « la République c’est à la fois un ordre et une promesse ». S’il y a bien des mesures d’ordre dans le présent projet de loi, où est passée la promesse ?

Plus d’un tiers des articles instaurent des procédures de contrôle, plus d’un quart définissent des peines d’emprisonnement.

Plus grave, certaines dispositions sont dangereuses, pour nos libertés et celles de nos concitoyens. C’est le cas, bien sûr, de l’article 18, mais aussi de l’ouverture d’une possibilité de recours à la comparution immédiate pour les contentieux des abus de la liberté d’expression.

Fidèle à sa tradition, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’acceptera jamais de rogner sur nos libertés pour une chimère de sécurité.

L’ordre donc. Mais où est la promesse ?

Pas un mot sur la mixité sociale, la lutte contre les discriminations, l’éducation populaire, l’accès aux services publics.

Comment défendre les principes de la République, si l’on ne s’attache pas à en faire respecter les valeurs ?

Comment défendre la République, si l’on ne s’assure pas que ses promesses sont les mêmes pour tous sur notre territoire, que ce soit en matière de logement, d’éducation ou de santé ?

Les élus – ceux que nous sommes comme les élus locaux – savent pertinemment que, sans traitement de ces sujets, le texte est infirme.

Notre groupe ne s’est pas opposé à toutes les mesures du projet de loi. Nous sommes toujours favorables au renforcement de la protection des agents du service public et, bien évidemment, à toutes les dispositions visant à lutter contre les pratiques portant atteinte à la dignité des femmes.

Nous n’éludons pas la nécessité de combattre l’islamisme radical et la radicalisation. Nous l’avons fait à plusieurs reprises sans faillir. Nous ne sommes pas aveugles aux difficultés, mais nous considérons que cette lutte ne saurait passer par une stigmatisation à outrance de citoyens français en raison de leur religion.

Ce texte restera avant tout un texte de défiance : envers les croyants, envers les bénévoles des associations, envers l’école et, au fond, envers tous les citoyens.

Après l’échec de la commission mixte paritaire, nous ne pouvons qu’être satisfaits de la suppression par l’Assemblée nationale des dispositions iniques votées par la majorité du Sénat. Je pense, bien évidemment, à l’interdiction d’accompagnement des sorties scolaires pour les mères voilées, à l’interdiction des drapeaux dans les cérémonies de mariage, à la suppression des allocations familiales en cas d’absences d’un élève ou encore aux mesures sur l’instruction en famille.

Ainsi, la droite sénatoriale a réussi le tour de force de permettre au Gouvernement d’apparaître comme modéré sur ce sujet. C’est un comble !

Notre groupe avait voté contre ce texte insatisfaisant et reste opposé à la plupart des mesures que celui-ci propose. Nous souhaitons néanmoins poursuivre ce débat.

Nos collègues de la commission des lois, cela a été dit, ont fait le choix de présenter une motion tendant à opposer la question préalable. Nous nous y opposerons, non pour soutenir ce texte, mais, au contraire, pour avoir une opportunité de l’améliorer.

Ne pas débattre aujourd’hui n’est pas acceptable ; le Sénat doit prendre sa place dans la discussion.

Nos propositions existent toujours. Nous sommes prêts à les défendre à nouveau dans cet hémicycle, car nous considérons que le texte revenu de l’Assemblée nationale n’est toujours pas à la hauteur.

Nous regrettons ainsi que nos collègues députés aient supprimé les dispositions visant à faire respecter la laïcité, par exemple sur le matériel électoral. Nous proposons de les réintroduire.

La protection de la liberté d’association, un des fondements de la République, est au cœur des valeurs de gauche. Les dispositions de l’article 6, conditionnant l’octroi de subvention à la signature d’un contrat d’engagement républicain, sont non seulement inutiles, mais dangereuses. Elles placeront les associations dans une insécurité et instaurent un climat de suspicion, alors que de nombreuses associations pallient les déficiences de l’État sur des pans entiers de notre territoire national. Nous en proposons donc la suppression.

Parce que la défense des droits des femmes est essentielle à nos yeux, nous présentons plusieurs amendements visant à la renforcer, notamment s’agissant des certificats de virginité.

Notre groupe a également à cœur de défendre la liberté de la presse. C’est l’objectif de l’amendement que nous avons déposé pour modifier l’article 18, et ce afin de garantir que ses dispositions ne nuisent ni à la liberté d’expression ni à celle d’informer.

D’autres amendements, enfin, concernent les dispositions relatives aux associations cultuelles. Nous n’oublions pas que c’est la République qui assure la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui garantit la liberté de manifester son appartenance religieuse, comme son absence. C’est le cœur de la loi de 1905 : par la séparation des Églises et de l’État, celle-ci garantit la liberté de chacun, en offrant un cadre commun à tous. Les nouvelles contraintes imposées aux associations cultuelles sont, à cet égard, inquiétantes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes prêts à débattre, car nous considérons ne pas pouvoir nous satisfaire du texte qui nous est présenté aujourd’hui. Nous vous invitons à faire de même, c’est-à-dire à voter contre la motion qui sera présentée dans quelques instants, afin de nous permettre de poursuivre collectivement ce débat et, ainsi, de faire avancer la démocratie.

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