Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes invités à étudier une nouvelle fois ce texte, qui avait, en première lecture, motivé un vote contre du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Les rapporteures de la commission des lois ont fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi, estimant que la majorité La République En Marche à l’Assemblée nationale n’entendait pas « trouver avec le Sénat le moyen de progresser sur les sujets graves que sont la neutralité de l’État, la laïcité et le vivre ensemble, sur lesquels le Sénat avait fait des propositions concrètes en première lecture ».
Je le rappelle, notre groupe avait estimé que ni le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale ni le texte issu des débats au Sénat n’étaient satisfaisants. L’un comme l’autre ne constituent en rien une protection des droits et libertés des Français face aux montées de l’islam radical ; au contraire, ils font courir de nombreux risques d’atteintes à diverses libertés individuelles et fondamentales, telles que la liberté de culte, la liberté de conscience ou la liberté d’association.
Nous voterons également contre la motion déposée par la commission, mais nous tenons à réaffirmer notre opposition au présent texte, qui n’est que la conséquence de l’échec des politiques d’intégration, d’égalité et de cohésion sociale menées par les gouvernements successifs depuis des années.
L’inégalité sociale dans notre pays est l’un des véritables séparatismes majeurs. Selon l’Observatoire des inégalités, tous les indicateurs montrent une progression des inégalités en France. Pour exemple, 30 % des élèves de l’École polytechnique sont issus de seulement deux lycées parisiens. Pendant ce temps, les élèves des banlieues ou des territoires ruraux sont les principaux décrocheurs du système scolaire.
Une vraie réforme de fond sur les facteurs de clivages sociaux aurait ainsi mieux permis de redonner l’envie de faire société.
Face aux faux débats qui appauvrissent la pensée, nous nous devons de rappeler notre profond attachement à la laïcité et à la liberté de conscience, telles qu’elles sont inscrites à l’article 1er de la loi de 1905. Celle-ci donne le droit de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion ; elle donne finalement le droit à l’indifférence bienveillante de notre République. La laïcité ne peut en aucun cas être utilisée pour stigmatiser et exclure une partie de nos concitoyens de la communauté nationale.
Ce projet de loi, assorti de contrôles, de répressions et d’interdictions visant les associations cultuelles, constitue un empiétement du politique sur le religieux. Quand le religieux devient politique, il y a danger pour la démocratie, mais inversement le politique ne doit pas se mêler de religieux. Le renforcement du pouvoir de contrôle de l’autorité administrative, aux dépens de l’autorité judiciaire, déstabilisera à court terme l’équilibre de la séparation entre églises et État.
En outre, l’État dispose d’ores et déjà de moyens juridiques pour lutter contre les dérives sectaires et l’apologie de la violence, même s’il peine à faire appliquer la loi. Plutôt qu’une production pavlovienne de mesures réactionnaires, il aurait été opportun d’octroyer les moyens nécessaires à cette lutte, là où sévissent ces dérives.
À l’aune des crises qui s’enchaînent et s’entremêlent, monopoliser notre temps législatif avec une succession de textes toujours plus sécuritaires, toujours plus liberticides et ne se penchant jamais sur les réelles causes des vrais séparatismes qu’ils entendent traiter est regrettable.
Ce projet de loi en est l’illustration et le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne saurait le cautionner.