Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme du parcours de ce projet de loi, dont les conditions d’examen, qu’il s’agisse du calendrier de son inscription à l’ordre du jour de nos travaux ou des délais d’examen en commission, puis en séance publique – alors même que le nombre d’articles avait pratiquement doublé –, n’ont pas été satisfaisantes. Nous regrettons que ce travail un peu poussif se poursuive jusqu’aux derniers jours de cette session extraordinaire.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, ce texte, qui doit répondre aux attentes des collectivités territoriales, manque de souffle. Or, scrutin après scrutin, l’abstention galopante nous rappelle qu’il y a une urgence démocratique. Plus largement, nous le voyons aujourd’hui dans les débats de société, il existe une défiance des citoyens vis-à-vis des élus qui les représentent. Le pacte de confiance politique se délite jour après jour. Il faut donc redonner du sens à l’action des élus locaux et renforcer leurs moyens afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins de leurs populations.
Je ne reviendrai pas sur tout ce que nous avons déjà dit au cours de nos heures de débat ; je rappellerai simplement que, selon nous, le rétablissement de la clause générale de compétence pour toutes les collectivités territoriales demeure aujourd’hui la seule garantie d’une réelle simplification démocratique, d’une simplification qui assure la fameuse organisation décentralisée de la République prévue à l’article 1er de la Constitution.
Au lieu d’une véritable décentralisation, madame la ministre, vous nous avez proposé la différenciation. Nous pensons, à l’issue de l’examen du texte, que ce concept sera très certainement source d’une plus grande complexité et qu’il conduira dans les années à venir à une remise en cause de certains équilibres entre le pouvoir régalien et le pouvoir local. Surtout, il renforcera ce qu’on appelle parfois les grandes collectivités, lesquelles en tirent d’ailleurs satisfaction, et aura inévitablement pour effet d’accroître la concurrence entre collectivités. Nous aurions au contraire besoin, et ce n’est pas simple, de garantir et de renforcer l’égalité entre toutes les collectivités territoriales.
La déconcentration, alors que la place de l’État demeure indispensable, reste très superficielle. Certes, les travaux du Sénat ont permis de renforcer la présence départementale de l’État au détriment parfois du pouvoir régional. Cependant, la déconcentration ne peut se résumer à un accroissement du pouvoir des préfets. Une véritable déconcentration, susceptible de garantir une décentralisation, suppose inévitablement une présence renforcée, multipliée, des agents de l’État dans leurs différents métiers afin de soutenir et d’appuyer les élus locaux. Il s’agit de permettre à ces derniers de satisfaire aux exigences de leur mandat et de répondre aux besoins des populations.
Ce projet de loi nous a conduits à aborder de nombreux sujets. Nous avons ainsi évoqué les grands enjeux de la décentralisation et de la différenciation, de la politique du logement à la question de l’alignement des arbres. Ce texte a permis d’apporter des réponses – je le dis sans ironie ni mépris – à des problématiques plus ou moins locales, en tout cas à des soucis du quotidien. Nous en prenons acte. Bien évidemment, nous serons très vigilants sur la suite et sur un certain nombre d’évolutions.
Madame la ministre, le cousu main, pour utiliser une expression très à la mode aujourd’hui, ne peut pas toujours suffire pour faire la loi de la République. Nous sommes plusieurs ici à penser que l’urgence est de répondre aux aspirations des populations et des élus locaux, tout en respectant, bien évidemment, les différences des uns et des autres. Ces différences, je le redis, sont avant tout des richesses. En les respectant, elles nous permettront de faire République et d’envisager un avenir commun plus apaisé que celui qui se présente aujourd’hui.
Je soulignerai maintenant un certain nombre d’avancées positives : la possibilité pour les présidents des deux Chambres de saisir le Conseil national d’évaluation des normes, la prise en compte de l’évaluation des charges liées au transfert de nouvelles compétences et la possibilité pour les communes, conformément à la volonté réaffirmée au Sénat, de conserver la compétence « eau et assainissement ». Il s’agit non pas de faire du misérabilisme ou du communalisme, mais bien, au contraire, de maintenir à un échelon de proximité, autant que faire se peut, tout ce qui peut être géré – et qui est plutôt bien géré – par les communes afin de répondre aux besoins des populations.
Pour conclure, je dirai que, malgré nos débats, la différenciation n’a pas abouti à l’indispensable décentralisation démocratique. La décentralisation doit garantir les libertés locales, tout en assurant l’égalité républicaine. Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que nous voterons contre ce texte.