Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier le président de la commission des lois de nous avoir accompagnés, soutenus, encouragés durant l’examen de ce texte, de saluer mes collègues rapporteurs et d’exprimer ma gratitude au secrétariat de la commission des lois, qui a fourni un travail considérable dans des délais serrés.
Madame la ministre, vous connaissez sûrement Iris, la messagère des dieux grecs, qui était adorée de tous, parce qu’elle n’apportait que de bonnes nouvelles. Vous êtes aujourd’hui, d’une certaine manière, l’Iris du Sénat, car vous allez apporter au Gouvernement et à l’Assemblée nationale de très bonnes nouvelles concernant ce projet de loi. Grâce à vous, nous avons pu travailler sur ce texte en entretenant un dialogue très positif et constructif. Soyez-en remerciée.
Notre objectif, c’est l’efficacité de l’action publique jusqu’au dernier kilomètre, jusqu’au plus éloigné de nos concitoyens. Quel était donc l’objectif de ce texte, dont il a parfois été dit – nous l’avons dit nous-mêmes – qu’il était barbare, un peu techno, faible, d’une timidité excessive ?
Deux crises fortes, l’une sociale – les « gilets jaunes » – et l’autre sanitaire, psychologique et économique, ont bouleversé et épuisé notre pays, mais elles ont aussi montré sa capacité à tenir par gros temps grâce à l’engagement inlassable et responsable des élus locaux, quand l’État était à leurs côtés. Tirons donc les leçons de ces crises et tirons-les vite, car nous sentons que notre pays est un peu comme le temps : orageux et impétueux.
Certains d’entre nous ont rêvé d’un grand soir de l’organisation territoriale, mais, les grands soirs étant parfois suivis de petits matins blêmes, nous avons pensé que ce n’était peut-être pas la voie à suivre. Nous avons choisi une autre ligne de conduite, sans toutefois manquer d’audace, je crois, ni d’ambition. À un nouveau big-bang territorial un peu hasardeux, comme nous en avons connu, nous avons préféré une révolution des esprits, ce qui n’est pas rien : nous avons choisi l’agilité, la souplesse, la confiance dans les élus locaux et dans un État à la fois régalien et très présent dans les territoires, facilitateur de l’action des élus.
Pour nos travaux, nous nous sommes appuyés sur les 50 propositions du Sénat et sur l’adhésion des 300 200 élus qui ont répondu à notre consultation. Nous sommes tout simplement partis des besoins des élus, et, sans obéir à l’esprit français et cartésien de la norme, nous avons proposé un champ des possibles aux élus et des solutions selon un principe de subsidiarité : il faut que ce soit celui qui est le mieux placé qui fasse les choses.
Ainsi, nous avons adoré la décentralisation, et nous avons un peu poussé les feux à cet égard. Comment pouvons-nous assurer la protection des enfants si ceux qui détectent leurs problèmes à l’école – les médecins et les infirmières scolaires – ne parlent pas à ceux qui en ont la responsabilité et qui détiennent les solutions : les départements ? Il en va de même pour les cantines des lycées.
Madame la ministre, je vous avoue avoir été subjuguée par la folle extravagance de votre proposition. Vous proposez que les gestionnaires des collèges et des lycées expérimentent une potentielle convention avec les présidents du département et de la région, qui permettrait, si les directeurs d’établissement le veulent bien, aux présidents des collectivités, s’ils le veulent bien, de parler aux gestionnaires de la cantine et des établissements. Or ces conventions ont été inventées en 2004 au moment du transfert des TOS. Nous proposer, vingt ans plus tard, une timide expérimentation, c’est un peu extravagant ! Je ne doute pas que, encouragée par nos soins, vous irez un peu plus loin sur le sujet.
Enfin, nous avons beaucoup aimé la différenciation. Le Conseil d’État a qualifié de « faible » l’article 1er, ce qui n’est pas rien. En tant que fidèles serviteurs de l’action publique et au service de son intérêt, nous avons donc enrichi ce texte un peu faible. Nous pensons que la différenciation, c’est non pas la déstructuration de la République, mais au contraire la prise en compte du réel afin de mieux servir nos concitoyens et garantir l’égalité des droits.
Nous avons enrichi le texte, et je sais que vous avez adoré cela, madame la ministre ! Nous avons introduit la territorialisation des compétences, les délégations de compétences entre collectivités et reparlé de l’intérêt communautaire. J’attends toujours en effet que quelqu’un parvienne à nous convaincre de l’importance du nid-de-poule pour le rayonnement métropolitain !
Au fond, vous n’êtes pas si loin de penser comme nous. Avec l’amendement que vous avez déposé sur la métropole Aix-Marseille-Provence, vous faites en effet de l’intérêt communautaire comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Je sais que vous n’êtes pas d’accord avec moi, mais je maintiens que, sur ce sujet, je n’ai pas tort !
Je pense très sincèrement qu’il faut, grâce à la souplesse et à l’agilité, que nous avons préférées à la norme, replacer l’État déconcentré au cœur de la gestion des problèmes, en proximité, tout comme les élus locaux, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Le binôme État-collectivité est essentiel, on l’a vu pendant la crise.
Madame la ministre, vous avez choisi la procédure accélérée, ce qui signifie sans doute que vous êtes convaincue de la nécessité d’aller vite. En tout cas, nous comptons sur vous pour être notre messagère à l’Assemblée nationale et y faire prospérer ce texte, même si nous en doutons un peu. Notre vœu est de réussir, car il est urgent d’agir. Ce projet de loi n’est pas un texte de technos : il s’agit de servir nos concitoyens et de retrouver leur confiance !