Intervention de Éric Kerrouche

Réunion du 21 juillet 2021 à 15h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification — Vote sur l'ensemble

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

… un puzzle ou, si j’étais plus sévère, les échecs.

Or voilà : 84, 158, 217 ! Il s’agit là non pas d’une suite mathématique, mais du nombre d’articles auquel a abouti le texte 3DS au terme d’un examen long, fastidieux et décousu, au cours duquel rien ne nous aura été épargné, tant sur la forme – réserves intempestives d’articles, mitage de l’examen jusqu’à une seconde délibération assez incongrue hier soir – que sur le fond.

Le texte initial est le péché originel. Vous êtes pourtant connue, madame la ministre, pour être experte de notre système local et pour l’avoir fait progresser par de multiples initiatives. Quel contraste avec le texte que vous nous avez proposé ! Alors qu’il était porteur d’une grande ambition, qu’il devait être la traduction des grandes annonces qui avaient été faites après la crise des « gilets jaunes », il a été examiné dans des conditions baroques, lesquelles tiennent à la nature originelle du projet de loi ; il a été d’autant plus facilement tordu par la majorité sénatoriale qu’il n’avait pas de colonne vertébrale. Ce texte mal né, ce texte « nid-de-poule », a été achevé par la droite sénatoriale.

Après deux ans de concertation, ce projet de loi est une liste de mesures. Il ne répond pas aux attentes des élus locaux, qui, quand ils ne sont pas déçus, y sont indifférents. On n’a pas tiré dans ce texte d’enseignements de la crise sanitaire, démocratique et sociale que nous traversons.

Au-delà des correctifs mineurs, pour certains utiles, ce projet de loi comportait pour nous six écueils : une différenciation qui rate sa cible ; une décentralisation trop résiduelle ; une déconcentration ressemblant plus à une recentralisation ; une simplification complexificatrice – c’est un comble ! – ; un traitement lacunaire de la question des ressources financières des collectivités ; en dessert, l’ignorance totale de la question démocratique alors qu’elle aurait dû être une composante majeure.

Bref, ce texte, qui comporte beaucoup de petites dispositions, n’apportait pas grand-chose sur l’essentiel. Il a juste constitué une déception eu égard aux attentes.

Le texte tel qu’il résulte des travaux du Sénat tient plus, lui, de la samba : un pas avant, deux pas en arrière !

Des petits pas ont été faits. L’examen par le Sénat a permis quelques avancées, que nous partageons avec les rapporteurs – tout arrive, chère Françoise Gatel, cher Mathieu Darnaud ! – et que nous avions également proposées : compétences des régions en matière d’emploi, d’apprentissage et de formation professionnelle ; transfert à la carte des compétences facultatives au sein des EPCI ; renforcement du pouvoir réglementaire des régions dans l’attribution de certaines subventions et aides, etc.

Après avoir évité les nombreuses irrecevabilités, une quinzaine de nos amendements ont été adoptés : obligation pour le Premier ministre de répondre aux propositions d’adaptations législatives des départements ou des régions – ce serait bien qu’il soit également obligé de répondre aux questions d’actualité au Gouvernement ! – ; accord des communes à la majorité qualifiée en cas de délégation d’une compétence de l’EPCI ; extension à l’ensemble des départements frontaliers des compétences d’ores et déjà reconnues à la Collectivité européenne d’Alsace ; rétablissement, auquel nous tenions, de l’expérimentation de la recentralisation du RSA ; expérimentation pour développer un système de transport sur d’anciennes voies ferrées.

De grands pas en arrière ont aussi été faits. La majorité sénatoriale a franchi des lignes rouges et a, selon nous, fait régresser le texte sur de nombreux points. La ligne éditoriale était connue de longue date, et elle tient de la posture : haro sur l’intercommunalité, culpabilisation et stigmatisation des plus précaires, mise à l’écart de la démocratie locale.

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