Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui deux semaines de travaux parlementaires particulièrement intenses sur ce projet de loi consacré à la différenciation, à la décentralisation, à la déconcentration. Autant dire que le sujet était vaste !
Pourtant, l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des travaux du Sénat n’était pas une évidence compte tenu de l’agenda particulièrement chargé de notre assemblée. Je tiens donc, en préambule, à saluer votre ferme résolution, madame la ministre, car vous êtes parvenue à faire valoir, aux yeux du Gouvernement, l’importance et la primauté de ces sujets, malgré les impératifs calendaires. Je m’adresse donc à vous avec beaucoup de respect, et je me réjouis de votre force de conviction, compte tenu du cadre contraint qui vous a été fixé par le Premier ministre et le Président de la République.
Néanmoins, force est de constater que le texte initial n’était pas du tout à la hauteur de nos attentes, alors même qu’il nous avait été présenté comme le troisième acte majeur de la décentralisation. Quelle était sa véritable ligne directrice, si ce n’est la fin du jacobinisme excessif de ces quarante dernières années, lequel ne cesse de prospérer à travers notamment la multiplication des normes, l’organisation de la dépendance financière des collectivités et l’éloignement des principaux centres de décision des territoires ?
Alors, oui, ce texte fut une réelle déception pour notre famille politique, car il manquait d’ambition à bien des égards, car il privilégiait généralement les mesures paramétriques, sous prétexte de simplification, tout en évitant de s’aventurer sur d’autres terrains essentiels, car il abordait de multiples sujets trop variés, qui auraient mérité à eux seuls un projet de loi. De surcroît, ce qui a d’autant plus limité la portée du texte est bien évidemment l’absence d’un volet financier robuste, indispensable à une véritable décentralisation et à une différenciation.
Pour autant, le Sénat ne s’est pas résigné. C’est avec une ferme intention de redonner corps à ce projet de loi que la Haute Assemblée a commencé ses travaux. Je voudrais saluer nos rapporteurs, qui se sont efforcés d’insuffler un surcroît d’ambition et d’envergure au texte. Je pense principalement à Françoise Gatel et à Mathieu Darnaud pour la commission des lois, mais également à Dominique Estrosi Sassone pour la commission des affaires économiques, à Alain Milon pour la commission des affaires sociales ou encore à Daniel Gueret pour la commission du développement durable.
Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les réflexions antérieures de la Haute Chambre. Je pense notamment aux fameuses 50 propositions du Sénat, qui ont été formulées sous la direction du président Larcher et remises au mois de juillet 2020 au Président de la République et au Gouvernement et qui sont malheureusement restées lettre morte. Plus récemment, nos collègues Estrosi Sassone et Létard ont rédigé un rapport d’information consacré à la loi SRU.
Ainsi, le texte des commissions présentait déjà un certain nombre d’avancées. Je ne vais pas faire l’inventaire exhaustif de l’ensemble des apports du Sénat. Je souhaite néanmoins m’arrêter sur quelques mesures phares, notamment celles visant à garantir la possibilité d’un exercice différencié des compétences au sein du bloc communal par le biais du transfert « à la carte » de compétences, la suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau » et « assainissement » et de la gestion des eaux pluviales urbaines ou encore la consécration du principe selon lequel toute décision prise à l’échelon territorial relève prioritairement du préfet de département. Ces dispositions viennent parfaire le volet différenciation et déconcentration du projet de loi.
Sur le sujet ô combien sensible du logement, le Sénat a adopté des mesures visant à permettre une meilleure conciliation entre l’action des collectivités et la réalisation des objectifs de la loi dite SRU, avec la prolongation du dispositif sans date butoir et en rattrapage glissant, la mise en place d’un rattrapage différencié et contractualisé via un contrat de mixité sociale dont le maire et le préfet seraient la cheville ouvrière, ouvrant ainsi une démarche partenariale permettant de sortir du climat de défiance qui s’était installé depuis plusieurs années entre l’État et les communes carencées ou déficitaires, ou encore la suppression de sanctions inefficaces et contre-productives pour initier un système de fléchage des éventuelles pénalités de carence vers de la construction de logements.
Sur le volet sanitaire et social, j’évoquerai la réforme de la gouvernance des ARS, qui se veut plus équilibrée à l’égard des élus locaux, laissant notamment la place à une coprésidence du préfet de région et du président du conseil régional.
En tant que sénateur des Bouches-du-Rhône, je souhaite souligner particulièrement le consensus auquel nous avons abouti hier soir au sujet de la fameuse métropole Aix-Marseille-Provence, dont l’action et l’efficacité sont mises à mal depuis cinq ans du fait principalement d’une mauvaise répartition des compétences entre les différents échelons. J’insiste sur un point : le fait de revenir à l’esprit originel de l’intercommunalité constitue, je le pense, un véritable tournant historique, qui va permettre de rendre la parole aux élus locaux, afin de définir ce nouveau cadre institutionnel. Je voudrais saluer une nouvelle fois la qualité du dialogue que nous avons eu avec Mme la ministre sur ce sujet aussi essentiel pour le quotidien de 1, 8 million d’habitants.
Enfin, outre tous ces apports en commission, de très nombreuses dispositions comportant différentes améliorations et des éléments de précision du texte des commissions ont été adoptées en séance durant ces derniers jours. Nous espérons dès lors que l’Assemblée nationale saura se saisir de cette loi 3DS revigorée et nous accompagner dans une démarche de décentralisation qui se veut ambitieuse, en vue d’aboutir à une réelle consolidation des libertés locales.
Au regard des améliorations substantielles qui ont été apportées au projet de loi, notre groupe votera en faveur de ce texte.