« Chaque révolution s’évapore en laissant seulement derrière elle le dépôt d’une nouvelle bureaucratie », écrivait Kafka. Depuis plusieurs semaines, vous expliquez, madame la ministre, que ce texte n’est pas une révolution. C’est effectivement ce que nous constatons. Je ne sais si vous prendrez ce jugement comme un éloge ou comme une critique. Il y a, pour tout dire, un peu des deux. En tout cas, on peut approuver le fait que vous ayez évité à nos élus locaux et à nos concitoyens un nouveau bouleversement ; il n’aurait pas manqué d’apporter avec lui son lot de complexités administratives, dont les collectivités territoriales souffrent déjà trop.
Je tiens à souligner la qualité de nos débats et à saluer nos collègues rapporteurs. Malgré un contexte délicat et un temps d’examen réduit, notre chambre a substantiellement enrichi le texte.
Nous avons ainsi eu l’occasion de voter plusieurs dispositions visant à accroître la liberté des collectivités territoriales.
Le rétablissement de l’expérimentation de la recentralisation du RSA, proposé notamment par notre groupe, a été adopté par le Sénat. Pour de nombreux départements, et pas seulement celui de la Seine-Saint-Denis, le RSA est une charge majeure qui pèse considérablement sur les budgets.
Nous saluons également le renforcement du rôle du département en matière d’aide sociale et du poids des élus locaux au sein des conseils d’administration des ARS, ce qui permettra aux collectivités d’avoir une meilleure maîtrise de ces politiques. Nous soutenons à cet égard des élargissements du pouvoir réglementaire local portés par le texte, même s’ils sont modestes.
Le texte comporte aussi un volet important sur le logement, qui aurait d’ailleurs pu faire l’objet d’un véhicule législatif à part entière. C’est l’un des sujets les plus importants pour les élus locaux, confrontés en permanence aux complexités de la loi SRU, à ses obligations, à ses seuils et à ses dérogations.
Les contrats de mixité sociale apporteront des solutions adaptées aux réalités locales. Les communes qui ne respectent pas les obligations en matière de logements sociaux ne sont pas toujours des ennemis de la mixité sociale. Même si certains maires le sont, la plupart font de leur mieux pour composer avec les règles très rigides de la loi SRU.
Ce projet de loi tel qu’amendé par le Sénat apportera davantage de souplesse et de liberté aux maires pour adapter le parc de logements aux objectifs fixés à l’échelle nationale.
Partageant cette volonté de donner plus de souplesse et de liberté aux acteurs du terrain, notre collègue Emmanuel Capus a déposé un amendement tendant à modifier la loi SRU en rendant plus progressive l’entrée dans le régime d’obligation concernant les seuils de logements sociaux. Notre chambre a compris tout l’intérêt de ce dispositif pour les communes, et elle l’a adopté.
Le texte apporte aussi de la souplesse aux opérations de revitalisation des territoires. Je veux notamment mentionner l’accélération de la procédure d’acquisition de biens sans maître, qui était attendue par les maires de petites communes rurales.
Au fil de l’examen, les prérogatives des organismes fonciers solidaires ont été renforcées par le texte. C’est un point important pour l’aménagement de nos territoires. Grâce à l’adoption d’un amendement déposé par notre collègue Daniel Chasseing, les communes touristiques membres d’une communauté d’agglomération qui le souhaiteraient pourront désormais retrouver l’exercice de la compétence de promotion du tourisme.
Pour faciliter la transition écologique dans nos territoires, il était nécessaire de clarifier les compétences des régions et des départements en la matière. Le maire se voit quant à lui confier la possibilité de réglementer l’accès aux espaces naturels protégés qui seraient menacés par une hyperfréquentation, ainsi que le souhaitait notre ancien collègue Jérôme Bignon.
Nous saluons également la réforme de la gouvernance de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) opérée par le texte. Le poids des territoires y sera renforcé.
Ces territoires, le Sénat a tâché de les libérer de leurs entraves. Il est cependant arrivé qu’il s’entrave lui-même. Nous regrettons ainsi qu’un grand nombre d’amendements n’aient pas pu être examinés en raison d’une interprétation extensive de l’article 40 de la Constitution. Au motif que les transferts de compétences entre collectivités territoriales créeraient ou aggraveraient une charge publique, ils ont été déclarés irrecevables. Il y a plus de trente-cinq ans, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui laisse effectivement penser que l’article 40 s’y opposerait.
L’idée que la représentation nationale ne pourrait pas proposer par voie d’amendement un transfert de compétences entre collectivités territoriales est pour le moins étonnante. Or les parlementaires tiennent à leur liberté d’amendement.