Ce projet de loi clôt budgétairement une année 2020 exceptionnelle à bien des égards, compte tenu bien évidemment de l’épidémie de covid-19 et de ses conséquences sur notre économie et sur l’économie mondiale. L’économie française a ainsi subi un choc historique, avec une récession de 7, 8 % du PIB, plus forte que dans la zone euro et surtout beaucoup plus élevée que notre voisin et partenaire, l’Allemagne.
Par ailleurs, cette année d’exécution exceptionnelle s’accompagne d’une dégradation d’une ampleur inédite de nos comptes publics, avec un déficit budgétaire de l’État d’un niveau tout aussi inédit de plus de 178 milliards d’euros.
Chacun le sait, cette crise a rendu urgente et vitale la mise en œuvre de mesures de soutien tant aux entreprises qu’aux ménages. Ainsi, plus de 40 milliards d’euros ont été dépensés sur la seule mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », qui n’existait bien évidemment pas en loi de finances initiale.
Le Sénat a voté ces mesures de soutien, qu’il s’agisse du fonds de solidarité, de l’activité partielle ou des PGE. Les effets de la crise ont ainsi été absorbés à plus de 80 % par les administrations publiques, ce qui a permis de protéger le revenu des ménages. Cependant, ces résultats auraient pu être meilleurs : plus de 20 % des pertes de revenus des entreprises sont restées à leur charge. Les administrations françaises n’ont pas été en mesure de les absorber dans des proportions équivalentes à l’Allemagne ou à l’ensemble de la zone euro. Pour quelles raisons ?
La principale raison, à mon sens, correspond évidemment au manque de marges de manœuvre budgétaires dont disposait le Gouvernement. Il a ainsi été contraint à moins intervenir sur fonds publics, en recourant, par exemple, davantage aux prêts garantis par l’État qu’à des subventions directes.
Il est regrettable de subir ainsi le choix du Gouvernement de reporter systématiquement le redressement des comptes publics au cours des dernières années, alors que l’on bénéficiait à la fois d’une croissance supérieure à son potentiel et d’un fort dynamisme des prélèvements obligatoires. Cette situation nous a indéniablement fragilisés lorsque la crise est survenue : nous payons maintenant les conséquences des choix pris par le Gouvernement, qui n’a pas su – ou voulu – créer les conditions qui nous auraient permis de disposer de marges de manœuvre budgétaires supplémentaires, qui nous auraient été bien utiles.
Nonobstant ce regret, nous avons voté les quatre projets de loi de finances rectificative pour 2020, obtenant au passage d’importantes évolutions et enrichissant les textes d’apports parfois significatifs. Nous avons en particulier adopté les mesures de soutien qui étaient essentielles pour maintenir les entreprises à flot et protéger les ménages.
Toutefois, nous ne partagions pas tous les choix du Gouvernement ayant guidé la construction de la loi de finances initiale pour 2020. Outre les critiques déjà énoncées sur la politique budgétaire globale, à savoir l’absence d’assainissement des finances publiques et de maîtrise de la dépense publique avant la crise, nous nous étions aussi opposés à certaines mesures et avions regretté de n’avoir pas été entendus sur le schéma de financement pour les collectivités territoriales au titre de la suppression de la taxe d’habitation.
Par ailleurs, l’objectif du Gouvernement de réduction de 50 000 emplois au sein de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat apparaît totalement abandonné et désormais inatteignable.
Enfin, du point de vue du respect de l’autorisation parlementaire, si l’exécution des crédits sur l’année 2020 ne pose pas de difficulté particulière, les opérations de reports massifs en fin d’année vers 2021 me poussent à exprimer ma contestation : 36 milliards d’euros ont ainsi été reportés, ce qui est tout à fait considérable. Par ailleurs, la destination initialement prévue n’a pas nécessairement été respectée. Je le redis, cette pratique nuit au contrôle parlementaire et constitue une entorse à la sincérité des lois de finances.
Le 15 juillet dernier, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord et a conclu à l’échec de ses travaux. Sans surprise, hier, l’Assemblée nationale a adopté le texte en nouvelle lecture dans des termes identiques à ses travaux de première lecture. Par cohérence avec le vote du Sénat en première lecture, la commission propose à notre assemblée de ne pas adopter le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2020 et de n’adopter, en conséquence, aucun des articles du projet de loi.