Monsieur le ministre, cet après-midi, lors des questions d’actualité au Gouvernement, vous avez mis en avant la constance et la persévérance. Sachez que je partage entièrement ces deux qualités. Je suis moi-même constant et persévérant dans mes efforts de pédagogie pour développer une gestion rigoureuse de l’argent public. Je pense que cette culture de la rigueur manque beaucoup dans notre pays et dans notre administration.
La commission mixte paritaire n’a pas été conclusive, comme on pouvait s’y attendre. Les comptes de l’année 2020 sont extrêmement dégradés, avec un déficit de 178 milliards d’euros – un record historique. Ce déficit est bien évidemment lié – en grande partie, mais pas seulement – à la gestion de la crise sanitaire. Si je n’ai pas partagé toutes les options de gestion de la crise sanitaire, je comprends et partage la réactivité dont a fait preuve le Gouvernement pour venir en aide à ceux qui en avaient besoin : aides d’urgence, mesures de soutien, dispositifs de relance.
J’aurais aimé que l’on fasse preuve de davantage de rigueur dans les mesures de soutien. Les aides destinées à compenser les pertes de chiffre d’affaires, par exemple, n’ont pas été considérées comme imposables, alors que le chiffre d’affaires est imposable. Un certain nombre d’activités ont ainsi bénéficié, grâce à l’argent public, d’un effet d’aubaine que l’on aurait pu éviter. Je le regrette.
Je regrette également que vous ayez intégré au plan de relance des dépenses récurrentes au lieu, comme je le pensais initialement, des seules dépenses exceptionnelles : cela concerne tout de même 16 milliards sur les 100 milliards d’euros.
Je souhaite aussi appeler votre attention sur les prêts garantis par l’État. Sur les 140 milliards d’euros que vous avez évoqués, vous chiffrez le nombre de défaillances à 5 %, soit 7 milliards d’euros qu’il faudra un jour penser à intégrer.
Le rapporteur général l’a rappelé, au cours de l’année 2020, il y a eu quatre PLFR. Dans sa grande majorité, le groupe Union Centriste les a approuvés. Par cohérence – j’aime bien la constance et la persévérance, mais j’apprécie aussi la cohérence –, mon groupe devrait voter le projet de loi de règlement. Pourtant, il va s’abstenir dans sa grande majorité, et je vais revenir sur les raisons de cette abstention.
Pour ma part, je n’ai pas voté tous les PLFR, puisqu’il n’y avait pas que des dépenses d’urgence, de soutien ou de relance. Il y avait aussi un laisser-aller. Ainsi, en 2020, environ vingt missions sur trente ont vu leurs crédits augmenter. Le Gouvernement a tiré argument de la crise sanitaire pour relâcher largement les quelques petits efforts qu’il avait faits depuis le début du quinquennat. Je le regrette fortement. Par cohérence, donc, je ne voterai pas ce projet de loi de règlement.
J’y reviens, le groupe Union Centriste, dans sa grande majorité, va s’abstenir, car certains de mes collègues ont un doute très fort sur la sincérité avec laquelle vous gérez les comptes de l’État. Le rapporteur général a rappelé que 36 milliards d’euros de dépenses vont être reportés d’une année sur l’autre. Cela veut dire que le Parlement n’aura pas son mot à dire sur l’affectation de ces fonds. Le Gouvernement pourra donc en faire ce qu’il veut, sans l’autorisation du Parlement. Personnellement, je trouve ce dessaisissement inacceptable. Sur les dix dernières années, la moyenne des dépenses reportées d’une année sur l’autre a été de 1, 4 milliard d’euros. C’est un véritable changement de proportion !
Pour l’expliquer, vous nous parlez – après la persévérance et la constance… – de prudence et de prévoyance. Je ne partage pas ce point de vue. Le PLF pour 2021 a été voté ; il vous était donc possible, dès le 1er janvier, de tirer sur les crédits de 2021 tout ce dont nous avions besoin pour faire face aux dépenses d’urgence, de soutien ou de relance. En cas de nécessité, vous aviez la possibilité, au premier semestre de l’année 2021, de présenter un PLFR. Je ne vois pas pourquoi cela vous aurait été impossible, sachant que vous en aviez fait quatre en 2020. Le Parlement aurait alors eu son mot à dire, même si le Sénat n’est pas toujours entendu comme il devrait l’être.
C’est à cause de ce report de 36 milliards d’euros que le groupe Union Centriste, dans sa grande majorité, s’abstiendra sur ce projet de loi de règlement. En ce qui me concerne, comme je l’ai dit, je voterai contre.