Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela n’a pas fait la une des journaux, mais c’est un fait notable : pour la première fois depuis 2017, le Sénat a rejeté en première lecture le projet de loi de règlement, car la gauche l’a unanimement rejeté, et la droite, pour l’essentiel, s’est abstenue.
Pour notre part, nous avons clairement exprimé la semaine dernière, par la voix de notre collègue Thierry Cozic, notre opposition à ce texte. Elle est due, bien sûr, à la politique budgétaire du Gouvernement, mais elle vient principalement des 36 milliards d’euros de crédits non consommés en 2020. Je veux rappeler à M. le ministre, qui, parfois, mélange le PLF pour 2021 et le PLFR 4 pour 2020, que cette somme était prévue non pas pour 2021, mais pour 2020.
La CMP ayant été non conclusive, le texte qui nous revient est identique à celui que nous avons examiné en première lecture. Je ne vais donc pas répéter ce que nous avons dit la semaine dernière. En revanche, je veux rappeler les mesures que le Gouvernement aurait pu mettre en place grâce à ces crédits. Ce sont celles, notamment, que nous avions portées avec les sénateurs et sénatrices du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain dans le cadre de notre contre-budget.
Ainsi, nous avions proposé la création de nouvelles solidarités, avec la hausse du RSA, un plan pour l’hôpital et l’autonomie, l’augmentation de l’aide alimentaire, un plan en faveur des outre-mer, la prise en charge du chômage partiel à 100 %, un plan de soutien à la vie associative et un renforcement du plan de soutien au secteur culturel.
Nous avions également proposé des moyens pour que notre jeunesse ne soit pas une génération sacrifiée au sortir de cette crise : création d’une dotation d’autonomie jeunesse ; prise en charge élargie des frais de scolarité ; financement de projets associatifs ou professionnels pour les jeunes.
Nous souhaitions enfin que l’écologie et le développement durable soient davantage au cœur de la réponse à la crise, avec l’accélération de la conversion des transports polluants, le lancement d’un grand plan pour la ruralité, un financement supplémentaire pour l’isolation sonore des bâtiments et un fonds pour la transition écologique des TPE et PME.
Le coût total de ces mesures était de 21, 3 milliards d’euros. Il serait donc resté plus de 16 milliards d’euros de crédits non consommés.
Que vous n’écoutiez pas les socialistes, c’est une chose, mais même l’Institut Montaigne préconisait, dès décembre dernier, de verser 30 milliards d’euros d’aides aux ménages les plus en difficulté, tant pour des raisons sociales que pour le soutien de la demande dans des circonstances exceptionnelles. C’est, grosso modo, le montant des crédits reportés.
Je constate finalement que ces reports de l’année 2020 rendent très crédible le contre-budget que nous avions proposé à l’automne. Et je ne parle pas de ce qui aurait pu être fait pour mettre davantage à contribution ceux qui le peuvent, en particulier les bénéficiaires de revenus du capital !
Pour notre part, nous considérons que l’approche du Gouvernement est insuffisante sur les questions environnementales et sociales, sur la solidarité et la préparation de l’avenir. Nous ne partageons pas cette idée de prudence, tant vantée par le Gouvernement, alors que les inégalités explosent. Or nous constatons cette prudence non seulement dans les projets de loi de finances rectificative eux-mêmes, mais encore davantage dans leur mise en œuvre. C’est un constat que nous pouvons aussi faire avec ce projet de loi de règlement.
M. le ministre a parlé lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement de constance et de persévérance. Vincent Delahaye y a d’ailleurs fait allusion. Je pense que la constance et la persévérance, c’est bien, mais quand il y a une erreur de réglage, une erreur d’anticipation, cela conduit à des paris ratés. C’est vrai non seulement en matière sanitaire, mais également en matière économique et sociale. C’est pourquoi nous voterons de nouveau contre le projet de loi de règlement.