Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rejet d’un projet de loi de règlement n’est jamais anodin. Si le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires fait ce choix, c’est pour deux raisons.
La première est que nous ressentons une inquiétude, largement partagée ici, sur la sincérité des choix budgétaires passés. Je ne reviens pas sur ceux, contestables, qui ont été faits par le Gouvernement pendant cette crise. Ils ont conduit à une réponse à la fois injuste et inefficace, ainsi qu’à la montée conjointe de la grande pauvreté et d’indécentes fortunes.
Avec 36 milliards d’euros de reports, l’opportunité des ouvertures de crédits prévues par la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 pose question. Beaucoup ont fait part de leurs interrogations sur l’ampleur de ces reports et l’opacité de leur destination. Je note également que les va-et-vient de flux financiers entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale ne laissent pas d’interroger. Il devient de plus en plus compliqué d’avoir une vision claire du financement de notre protection sociale, et je ne parle même pas de son autonomie ou de sa gestion avec les organisations du monde du travail.
Je rappelle aussi les annonces, aides ou primes, qui ont été promises par le Gouvernement ou par le Président de la République, sans que l’on en voie encore la traduction budgétaire. Doit-on s’attendre pour le budget pour 2022 à une tonalité très électorale, voire électoraliste ?
La seconde raison qui nous pousse à rejeter ce texte est une inquiétude plus vaste sur l’état des finances publiques. Il ne s’agit pas, comme sur certaines travées de cet hémicycle, d’être nostalgique du passé, de déplorer des taux d’endettement extraordinaires dans un monde qui n’a plus rien à voir avec celui des années 1970. Il ne s’agit pas non plus d’appeler à couper encore davantage dans nos services publics, ni à diminuer ce que vous appelez pudiquement les « dépenses de fonctionnement », et encore moins à affaiblir toujours davantage les outils et les moyens d’action de l’État. La problématique est tout autre : elle se fonde non pas sur des lubies idéologiques, mais sur une réalité tragique.
Le changement climatique, ce n’est pas demain, ce n’est pas dans dix ans : c’était la semaine dernière, avec les canicules au Canada ou en Inde ; c’était ces derniers jours, avec les inondations en Allemagne, à Liège, en Chine ou dans le nord-est de la France. Notre responsabilité collective, c’est de tout faire, tout d’abord, pour atténuer ce changement climatique, car, s’il est bien trop tard pour l’empêcher, il s’agit d’en limiter l’ampleur et, ensuite, pour adapter nos sociétés à une augmentation inquiétante à plus de 2 degrés.
Il y a là une autre forme d’insincérité que nous dénonçons. Nous savons parfaitement bien ce qui nous attend. Il vous suffit d’ouvrir les journaux de ce week-end, de lire les rapports qui vous sont destinés, à savoir ceux du GIEC et du Haut Conseil pour le climat. Il y a des faits : à ce jour, nous émettons 42 gigatonnes de CO2 par an. S’il est maintenu, ce chiffre nous fera dépasser inexorablement le seuil de 1, 5 degré de réchauffement climatique dès 2031.
Il nous faut donc impérativement réduire drastiquement ces émissions, et cela ne coûte pas si cher. D’après l’Institut de l’économie pour le climat, le coût serait de l’ordre de 1 % à 2, 5 % du PIB par an. Vous ne pouvez pas l’ignorer.
Cela suppose de renforcer les moyens d’action de l’État, des collectivités, au lieu de les sous-estimer, voire de les délaisser, et de payer à prix d’or des expertises externalisées à des cabinets privés.
Il est essentiel d’avoir des informations sur la qualité de la dépense publique au regard de cet objectif écologique. Pour cela, il est impératif de disposer d’une véritable comptabilité écologique et, bien sûr, de subordonner les aides publiques au respect de critères écologiques et sociaux stricts. Cessons ce gaspillage de dépenses inutiles !
Nous en sommes conscients, et, pourtant, nous ne réagissons pas. N’est-ce pas la définition même d’une insincérité ?