Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 21 juillet 2021 à 21h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Marlène Schiappa :

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, en responsabilité, maintient la ligne qui n’a cessé d’être la sienne depuis 2017 : garantir l’équilibre entre efficacité de l’action antiterroriste et préservation des libertés individuelles. Fort de cette constance, il revient aujourd’hui devant vous, en nouvelle lecture, déterminé à défendre des positions – mûrement réfléchies, travaillées, pensées – visant à soutenir un texte essentiel pour renforcer l’arsenal législatif en matière de lutte antiterroriste, s’agissant singulièrement du suivi des sortants de prison condamnés pour terrorisme.

Ce sont des considérations d’efficacité opérationnelle, de pragmatisme, de respect de l’équilibre initial et de recherche du plus large consensus qui continuent à nous animer collectivement. Je souhaite, à cet égard, remercier particulièrement, au nom du Gouvernement, les membres de la commission des lois du Sénat, mais aussi ceux de la délégation parlementaire au renseignement (DPR) et de la mission d’information sur l’évaluation de la loi Renseignement, ainsi que les rapporteurs, pour la qualité du travail commun mené depuis plusieurs mois avec le Gouvernement, en dépit, parfois, de certaines divergences. Je souhaite que ce travail commun se poursuive, tant il est important que nous agissions ensemble et avec responsabilité sur ces questions.

Je voudrais également saluer nos services de renseignement, nos policiers, nos gendarmes, qui, chaque jour, font un travail exceptionnel pour identifier les menaces, suivre les individus dangereux et mettre en péril leurs projets meurtriers.

Nous sommes en nouvelle lecture donc, après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP). Alors même qu’un consensus, dont nous devons tous nous féliciter, s’est dégagé sur la majorité des dispositions de ce texte relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, une divergence de vues sur le dispositif de suivi des sortants de prison condamnés pour terrorisme a conduit à cet échec, que nous assumons.

Vous le savez, 188 condamnés terroristes islamistes sortiront de détention d’ici à 2025, dont beaucoup demeurent ancrés dans une idéologie radicale. Ces individus, qui constituent le « haut du spectre » des objectifs suivis par les services de renseignement, présentent des enjeux sécuritaires multiples à la sortie de la détention : prosélytisme, menace à court terme, représentée par certains profils impulsifs, menace à moyen et long terme relative à des projets d’attentats ou encore tentatives de redéploiement vers des zones de djihad à l’étranger.

L’expérience acquise au cours des dernières années nous permet aujourd’hui d’affirmer que le placement sous Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) constitue, pour ces profils, un outil particulièrement utile et adapté : il permet de faciliter la surveillance d’individus sortant de prison, d’observer leurs relations habituelles, leur pratique, leur activité sur les réseaux sociaux, leurs efforts de réinsertion, etc., quand la mise en place d’une surveillance physique ou technique à temps plein se révélerait difficile, en raison des ressources humaines qu’elle nécessiterait de mobiliser. Pour ces profils présentant une dangerosité élevée, la limite de douze mois se révèle toutefois inadaptée.

D’ores et déjà, un certain nombre de Micas – dix-neuf depuis 2017 – sont arrivées à échéance, alors même que les services sont en mesure de justifier de la persistance de la menace constituée par le comportement des individus concernés. C’est pourquoi le projet du Gouvernement, voté par l’Assemblée nationale, prévoit, dans des conditions strictement encadrées, un allongement de ces Micas à une durée de deux ans.

Je rappelle que cet allongement est accompagné de garanties fortes, qui permettent de sécuriser la mesure sur le plan constitutionnel. Ainsi, la Micas ne pourra être prolongée jusqu’à vingt-quatre mois qu’à l’encontre d’individus condamnés pour des faits de terrorisme à au moins cinq ans de détention, ou trois ans en cas de récidive. En outre, au-delà de douze mois, le renouvellement de la mesure sera soumis à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires.

En 2018, le Conseil constitutionnel a, il est vrai, fait de la limitation à douze mois l’un des éléments du bilan de la constitutionnalité des Micas. Il s’est cependant prononcé sur une population différente et bien plus large que celle qui est visée par l’amendement du Gouvernement : étaient ainsi concernées, de manière générale, les personnes présentant des signes avérés de radicalisation, y compris celles qui ne sont pas passées à l’acte et qui n’ont donc pas pu faire l’objet d’une judiciarisation. Il s’agit donc de cas différents.

En revanche, le juge constitutionnel n’a pas été saisi du cas spécifique des individus ayant fait l’objet d’une condamnation pour des faits de terrorisme, qui présentent une différence objective de situation pouvant justifier des mesures plus contraignantes. Le Conseil constitutionnel a indiqué que la Micas ne pouvait se prolonger indéfiniment, aussi longtemps que dure cette menace, mais il n’a pas interdit au législateur d’allonger sa durée pour les profils les plus dangereux, dès lors que celle-ci continue à être bornée dans le temps.

Tels sont les éléments que je souhaitais une nouvelle fois, au nom du Gouvernement, porter dans cet hémicycle.

La mobilisation du Gouvernement pour lutter contre le terrorisme depuis 2017 ne serait pas possible sans le soutien constant du Parlement : renforcement des moyens humains, budgétaires et aussi – surtout, oserais-je dire ici – juridiques, au profit de l’ensemble des services de renseignement, des forces de sécurité, des magistrats et de l’ensemble des services de l’État qui mènent ce difficile combat sans relâche.

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