Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires l’a affirmé clairement et à de nombreuses reprises : la menace terroriste existe et nul ne peut prétendre s’en désintéresser ou ne pas vouloir doter les pouvoirs publics des moyens nécessaires pour y faire face. Mais à quel prix ?
Au prix de l’affaiblissement des droits et libertés garantis par notre Constitution ? Au prix d’atteintes à la liberté d’aller et venir, au secret des correspondances, au secret professionnel ou encore au droit au respect de la vie privée et familiale ? Au prix de l’instauration d’une surveillance généralisée de nos concitoyens au moyen d’IMSI catcher, de captage des données de communication satellitaires et de recueil des URL ? Au prix d’un dessaisissement du juge dans sa mission de protection des libertés individuelles par la pérennisation, dans notre droit commun, du recours intensif à des procédures administratives relevant du cadre de l’état d’urgence ? À quel prix, donc ?
Par ailleurs, nous avions posé la question lors de l’examen de la proposition de loi Justice de proximité et réponse pénale : de quels moyens parlons-nous quand la justice pâtit d’un manque de ressources humaines et matérielles importantes, qui l’empêchent de mener à bien sa mission ?
Nous ne cesserons de le marteler, madame la ministre, le maigre budget global de la justice, couplé au manque de personnel, est au cœur des difficultés de notre système judiciaire. Et si la seule réponse que souhaite apporter ce gouvernement à la menace djihadiste est d’ordre sécuritaire, il signe dès aujourd’hui l’échec de la politique de prévention des actes terroristes en France.
Un tel projet de loi est disproportionné au regard des besoins des services de renseignement et, plus encore, si on l’envisage sous l’angle de son efficacité en matière de lutte contre le risque terroriste.
Le Gouvernement, dont le texte avait pour objectif initial de renforcer notre arsenal pénal, a perdu de vue cet objectif et tombe dans le piège de toutes les précédentes lois attentatoires aux libertés individuelles.
Le projet de loi traite par ailleurs de la question des archives : il prévoit de restreindre l’accès à celles-ci – notre collègue Leconte vient d’en parler –, ce qui contrevient à un autre droit consacré au niveau constitutionnel en vertu de l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le but recherché nous échappe et nombre de chercheurs, d’historiens, d’archivistes, mais aussi de responsables politiques se sont opposés à cette disposition.
Aucune réponse de fond n’a encore été apportée au problème réel que constitue la radicalisation, particulièrement en détention. À la place, le choix est arbitrairement fait de s’attaquer aux archives et d’inscrire dans notre droit des procédures exorbitantes du droit commun, qui viennent affaiblir peu à peu notre État de droit.
Comme nombre de défenseurs des libertés publiques, nous tirons la sonnette d’alarme : pouvons-nous réellement concevoir une société vivant dans un état d’urgence permanent ? L’accumulation et la pérennisation des lois d’exception – il s’agit là du huitième texte de cette nature depuis 2015 – ne sont jamais de bon augure.
Je regrette de surcroît l’absence totale de concertation préalable, tout comme je dénonce le recours à la procédure accélérée dont le Gouvernement a pris l’habitude : tous deux privent le Parlement d’un véritable débat.
S’agit-il réellement d’une manœuvre politicienne consistant à cranter les thématiques régaliennes dans le débat public à l’approche de l’élection présidentielle ? Chacun se fera son opinion sur la question.
En ce qui concerne le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous ne saurions l’accepter. Comme en première lecture, nous voterons contre ce texte.