Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 21 juillet 2021 à 21h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l’heure où nous évaluons la dangerosité du logiciel Pegasus sur notre sécurité nationale, nous abordons l’ultime lecture de ce projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, après l’échec de la commission mixte paritaire du 9 juillet. Cet échec est fort regrettable tant l’accord était atteignable, suite aux discussions constructives entre les rapporteurs de l’Assemblée nationale et nos deux rapporteurs, spécialistes de ces sujets – Agnès Canayer, membre de la délégation parlementaire au renseignement, et Marc-Philippe Daubresse, qui assure le suivi et l’évaluation depuis trois ans de la loi SILT.

Comment expliquer cet échec, alors que nous partageons, avec nos collègues députés et le Gouvernement, le constat selon lequel nous ne disposons pas d’outils techniques et juridiques suffisants pour lutter contre le terrorisme ? Ce projet de loi avait vocation à combler ces carences.

Je tiens à saluer la position de la commission des lois du Sénat, qui a choisi, non pas de présenter une motion tendant à opposer une question préalable, mais de poursuivre la discussion du texte. En effet, un certain nombre de modifications apportées par le Sénat ont été retenues par la CMP, notamment sur le volet renseignement.

Notre collègue rapporteur Agnès Canayer et son homologue à l’Assemblée nationale, Loïc Kervran, étaient parvenus à un accord sur un grand nombre d’articles, afin de donner aux services de renseignement les moyens de lutter contre les nouvelles menaces.

Pour cette dernière lecture, notre rapporteur a également accepté les ajustements opérés par l’Assemblée nationale à l’article 7 en matière de communication d’informations aux services de renseignement par les autorités administratives, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel. Elle a cependant tenu à réintroduire l’expérimentation du traitement des URL par l’algorithme, et nous la suivons dans cette voie de prudence.

Les rapporteurs ont tenté de trouver un accord, en proposant des solutions acceptables. Il s’avère que leur volonté d’aboutir à un compromis s’est heurtée à l’intransigeance du Gouvernement. Celui-ci ne semble pas apprécier à sa juste valeur l’expertise de la Haute Assemblée et, surtout, sa détermination à apporter de vraies réponses, robustes, efficaces, pour faire face aux menaces qui gangrènent la sécurité de nos concitoyens.

Quels sont les principaux sujets qui cristallisent les désaccords entre nos deux assemblées ? Nous les relevons dans le volet relatif à la prévention du terrorisme, domaine ô combien préoccupant.

À l’article 2, nous considérons que la formulation retenue par les députés pour définir les lieux annexes aux lieux de culte est insuffisamment précise et comporte un risque constitutionnel qui fragilise le dispositif. En effet, les députés prévoient que ces lieux soient définis comme des locaux dépendants du lieu de culte, alors que nous tenons à préciser qu’il s’agit des locaux gérés, exploités ou financés directement ou indirectement par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte. Nous considérons que la fermeture de ces locaux annexes permettrait de lutter contre le phénomène de déport de certains prédicateurs, qui utilisent ces lieux pour échapper aux mesures de police administrative, ce que soulignait notre rapporteur Marc-Philippe Daubresse dans son rapport d’information sur le suivi de la loi SILT en février 2020.

Notre divergence majeure, à l’origine de l’échec de la CMP, porte sur les articles 3 et 5. Nous l’avions déjà bien perçu lors de la première lecture, madame la ministre, puisque vous aviez déposé des amendements pour rétablir le texte de l’Assemblée nationale.

Nous ne sommes pas favorables à l’allongement de la durée des Micas. Faut-il rappeler une fois de plus la décision du Conseil constitutionnel, qui a considéré que, compte tenu de leur rigueur, les Micas ne sauraient excéder, de manière continue ou non, une durée totale de douze mois ? J’ai du mal à comprendre pourquoi les députés et le Gouvernement ne comprennent pas cet arbitrage et s’entêtent à vouloir passer cette durée à vingt-quatre mois, et ce malgré les arguments, madame la ministre, que vous avez développés lors de votre intervention en début de séance.

Nous soutenons nos rapporteurs, qui ont réintroduit, à l’article 5, la proposition de loi du président Buffet que le Sénat avait adoptée en mai dernier, créant une mesure judiciaire de suivi et de surveillance. Cette dernière semble constituer une voie juridiquement plus adaptée que la proposition initiale du Gouvernement, reprise en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. Elle offre des possibilités de surveillance plus longue, plus contraignante et permet d’associer aux obligations de surveillance des mesures sociales de réinsertion.

Cette mesure reprend le principe du dispositif adopté par le Parlement en juillet 2020, instaurant un régime de sûreté à l’encontre des sortants de prison condamnés pour terrorisme, tout en y apportant les aménagements nécessaires pour répondre aux objections du Conseil constitutionnel. Elle constitue, selon nous, la voie à suivre pour répondre à cette problématique d’une importance toute particulière.

Ces dispositions nous paraissent être les plus efficaces et les plus respectueuses des libertés.

Tout au long de l’examen de ce projet de loi, nos rapporteurs ont veillé à assurer un équilibre entre les mesures de sécurité et le respect des libertés constitutionnelles. L’enjeu de ce texte est majeur. Il faut renforcer notre arsenal législatif pour assurer la protection de nos concitoyens, qui aspirent à vivre dans un État de droit en toute sécurité.

Nous pensons que le texte de l’Assemblée nationale ne répond pas complètement à ces enjeux. C’est pourquoi nous sommes satisfaits que le Sénat imprime sa marque et réaffirme sa volonté de fermeté et d’efficacité, mais aussi d’humanité. Les membres du groupe Les Républicains voteront le texte proposé par nos rapporteurs.

Après l’échec, hier, d’un accord sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, les divergences fondamentales d’aujourd’hui constituent un nouvel acte manqué pour lutter contre le séparatisme et le terrorisme islamiste, et nous pouvons le regretter.

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