Intervention de Michel Foucher

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 juillet 2021 à 8h30
Institutions européennes — Audition de M. Thierry Chopin président de M. Michel Foucher M. Jean-François Jamet et Mme Dominique Schnapper membres du comité de réflexion et de propositions pour la présidence française du conseil de l'union européenne

Michel Foucher, membre du Comité de réflexion et de propositions pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne :

Vous avez mentionné à juste titre les contraintes inhérentes à l'agenda de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Lors de la précédente présidence, qui avait été bien préparée, la crise en Géorgie avait bousculé l'agenda prévu. Les dernières présidences britannique et allemande ont aussi été bouleversées, respectivement par des attentats à Londres ainsi que par la pandémie de covid-19. C'est pourquoi, l'hypothèse d'un événement imprévu ne pouvant être écartée, cette présidence raccourcie nous a incités à suggérer au secrétaire d'État, Clément Beaune, de distinguer un noyau dur de propositions à l'intérieur de nos propositions qui seront déjà restreintes.

Ce noyau sera constitué de cinq recommandations. L'une de ces recommandations concerne la terminologie puisque le terme « puissance » n'est pas le terme qu'il convient d'employer publiquement avec les autres Européens. L'expression « autonomie stratégique » ne convient pas non plus forcément car elle pourrait sous-entendre pour certains la sortie de la France de l'OTAN. En revanche, l'expression « souveraineté européenne » ferait plus consensus, particulièrement à Berlin : ayant émergé en 2017, cette expression façonne désormais le débat, d'autant que l'année écoulée a révélé les vulnérabilités européennes, tant à l'égard des États-Unis qu'en matière de santé. Celle-ci doit se décliner en termes juridiques, diplomatiques, technologiques, monétaires et normatifs.

Toutefois, l'un des principaux constats est que l'Union européenne n'est pas un État donc elle n'est pas prête à rivaliser dans le nouveau monde bipolaire qui se dessine actuellement autour des États-Unis et de la Chine. L'Allemagne, qui maintient une équidistance entre la sécurité américaine et le marché chinois, pense cependant que ces considérations ne sont pas fondamentales pour l'avenir de l'Europe. L'Allemagne applique la politique étrangère de son industrie exportatrice. Quant à la France, il me semble qu'elle occupe désormais le statut de puissance de second rang au même titre que la Russie, la Turquie et l'Iran, bien qu'elle détienne des attributs de puissance de premier rang à savoir la dissuasion nucléaire et un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Ces changements d'échelle sont en partie dus à l'affirmation de la puissance chinoise.

Il ne s'agit pas de s'aligner derrière la croisade américaine anti-chinoise, mais d'aller vers une « compétition stratégique maîtrisée », pour reprendre les termes du Premier ministre australien. De fait, Wall Street ne se prive pas d'investir en Chine, malgré la doctrine de la Maison blanche.

À l'échelle européenne et dans le contexte des élections fédérales allemandes en septembre prochain, nous constatons qu'il existe une attente de leadership français malgré la prégnance de l'euroscepticisme en France et l'organisation de l'élection présidentielle en 2022. Dans cette lignée, la dynamique franco-allemande ne suffit pas et il est, à mon sens, nécessaire de travailler davantage avec nos partenaires, Italiens notamment. Le traité du Quirinal est un cadre important où nous devons discuter stabilité au Maghreb, en Lybie... Je précise à cet égard que les questions migratoires ne se régleront pas sans une étroite concertation avec l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce et Malte.

Il convient que l'Union européenne s'ouvre tout en s'affirmant comme centre de pouvoir, car je rappelle qu'elle est le plus grand espace démocratique du monde.

Les propositions additionnelles porteront sur plusieurs sujets tels le style à adopter durant la présidence en s'inspirant du dialogue continu qu'avait établi Michel Barnier lors des négociations sur le « Brexit », et sur la manière de s'adresser à l'opinion publique qui doit être empreinte d'humilité coopérative sur tous les sujets : la technologie, la défense, l'approfondissement de l'autonomie stratégique, l'Europe de la santé et la politique de voisinage (terme que je préconise d'ailleurs d'éviter).

Il me semble aussi judicieux de travailler avec la Russie, la Turquie, l'Égypte et l'Algérie en leur laissant une marge de manoeuvre, que ce soit en Méditerranée ou au Moyen-Orient, où la France n'a pas la capacité d'agir seule. Aujourd'hui, la France est par exemple impuissante face à la situation en Syrie et n'aura aucun rôle à jouer dans la résolution de la crise. À l'aide de partenaires, la France peut en revanche continuer de se concentrer sur les terrains libyens et sahéliens par exemple. En conclusion, la France doit éviter le discours de la puissance et se recentrer sur ses objectifs stratégiques concrets tout en prenant en compte les différents impératifs budgétaires.

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