Deux éléments de réponse me paraissent structurants. Le premier porte sur l'ambivalence du rapport des Français à l'Europe, tant des élites politiques et administratives que de l'opinion publique. Cette ambivalence découle de la position particulière adoptée par la France dans la construction européenne, tantôt motrice de cette dernière et tantôt à l'initiative d'importants coups d'arrêt comme en 1954. Comment s'explique cette ambivalence ? Il semblerait que la logique de projection précédemment évoquée constitue un élément de réponse puisque la France semble avoir cherché, à travers la construction européenne, la réincarnation alors que l'Allemagne cherchait la rédemption. Cette réincarnation peut se traduire par une projection du modèle hexagonal à l'échelle supérieure, en matière politique, économique et même diplomatique. Lorsque cette projection ne fonctionne pas, une frustration est générée pour la France et elle s'accompagne de défiance.
Afin de remédier à cette problématique d'ambivalence durant la présidence française, il apparaît structurellement nécessaire de clarifier les liens entre les Français et l'Europe. Politiquement, il faut également comprendre que l'Union européenne ne fonctionne pas de la même manière que le système politique français : il s'agit, à une échelle réunifiée, de se réapproprier l'Europe comme une polyarchie fonctionnant sur une logique de compromis et interroger la place qu'y tient le libéralisme. Concernant les crises actuelles, il semblerait que la première réponse à apporter concerne la crise économique et sociale actuelle, qui génère de nombreuses angoisses au sein de la population. Comme précisé par Jean-François Jamet, le rapport de notre Comité aura pour objectif de proposer des solutions face à la peur du déclassement et de la perte d'emploi. Il existe en outre des angoisses liées aux questions de sécurité individuelle mais aussi collective, comme indiqué par Michel Foucher. Les angoisses relatives aux questions de sécurité collective proviennent des doutes exprimés par la population sur les capacités de l'Union européenne à faire face à de nombreux défis actuels, à l'instar des crises migratoires. Enfin, comme évoqué par Dominique Schnapper, les enjeux d'appartenance créent également des angoisses de type identitaire et culturel dans plusieurs pays d'Europe, notamment la France et les Pays-Bas. Notre rapport traitera de fait l'ensemble de ces problématiques.