De quoi devons-nous être étonnés ? Mais de rien ! Nous savons tout cela depuis 1951, depuis 1957, depuis les arrêts Van Gend en Loos de 1963, Costa contre ENEL de 1964, et surtout Internationale Handelsgesellschaft de 1970, selon lequel « l'invocation d'atteintes portées soit aux droits fondamentaux tels qu'ils sont formulés par la Constitution d'un État membre soit aux principes d'une structure constitutionnelle nationale ne saurait affecter la validité d'un acte de la Communauté ou son effet sur le territoire de cet État ». On ne peut donc pas être étonné ! Simplement, jusqu'à présent, on a adopté une politique d'évitement ; sagement, les juridictions ne sont pas allées au contact avec la CJUE. Aujourd'hui, la France n'est pas la seule à réagir, puisque la cour constitutionnelle allemande, qui n'est pas la moins prestigieuse, sait très bien ce qu'elle fait.
Par ailleurs, on a signé les traités, dont l'article 267 du TFUE, qui fait de la CJUE l'interprète unique des traités et du droit dérivé. Dès lors que l'on a confié cette fonction à la Cour, il ne faut pas s'étonner qu'elle l'utilise à fond. C'est d'ailleurs parce que la Commission pense que la cour constitutionnelle allemande a fait une interprétation allant au-delà de ses compétences vis-à-vis de la CJUE qu'elle a engagé cette procédure. On ne peut reprocher à la CJUE d'exercer pleinement sa compétence.
D'où l'idée que les États fassent prévaloir des réserves de constitutionnalité préalables, dès l'ouverture des discussions sur une directive ; pour cela, le Gouvernement doit s'appuyer sur le Parlement, qui peut se saisir de ces questions.