Je tiens tout d'abord à remercier nos collègues ultramarins - à commencer par Lana Tetuanui, ici présente - qui ont bien voulu m'éclairer sur la situation de leurs territoires et me décrire la réalité qu'ils vivent. J'ai adressé une demande informelle aux présidents des collectivités ultramarines. Plusieurs m'ont répondu, dont ceux de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Saint-Barthélemy.
Vous connaissez tous la situation dans laquelle se trouve une partie des outre-mer - une partie seulement, car nous devons à nos compatriotes ultramarins une prise en compte de la grande diversité de leurs territoires. Derrière les chiffres que je vais rappeler, il y a des réalités humaines : en Martinique, en Guadeloupe, en Polynésie française, des familles sont en deuil et le climat est très difficile. Je suis certain que demain, dans l'hémicycle, nous ferons résonner sur toutes les travées un message d'empathie et de solidarité. Dans certaines collectivités, nos compatriotes connaissent une épreuve que l'Hexagone n'a pas connue.
La semaine dernière, la Guadeloupe dénombrait plus de 1 000 nouveaux cas pour 100 000 habitants, contre près de 650 en Martinique. À Saint-Barthélemy, le taux d'incidence de l'épidémie s'établit à 141 - il est inférieur à la moyenne nationale, qui était de 179 - ; il est d'un peu plus de 500 à Saint-Martin ; de 456 en Guyane - ce chiffre ne prend en compte que les personnes ayant accès au système de santé. Le taux se situe à 185 à La Réunion, soit au même niveau que la moyenne hexagonale, mais celle-ci dissimule des différences importantes entre le pourtour méditerranéen, avec un taux de plus de 300 en Provence-Alpes-Côte d'Azur, et de plus de 150 en Occitanie, et le reste de l'Hexagone. À Mayotte, le taux est tellement bas - il est de 42,5 - qu'on le soupçonne de ne pas refléter la réalité, même si le faible nombre d'évacuations sanitaires vers La Réunion confirme l'absence de développement exponentiel de l'épidémie. À Wallis-et-Futuna, ce taux est également très bas. En Polynésie française cependant, l'épidémie, quoique récente puisqu'elle a flambé en août, est dévastatrice avec, en fin de semaine dernière, 1 127 cas pour 100 000 habitants ; à l'autre extrême, Saint-Pierre-et-Miquelon, dont 84 % des habitants adultes ont reçu deux injections, a un taux d'incidence négligeable - ce meilleur élève français pour la vaccination est aussi le plus épargné par la maladie.
La vaccination est inversement proportionnelle au taux d'incidence : là où ce dernier est le plus élevé, le taux de vaccination est aussi le plus faible. En Guadeloupe et en Martinique, près de 30 % de la population a reçu au moins une première dose de vaccin, contre 24 % en Guyane. En Polynésie française, 50 % de la population a reçu au moins une dose. À La Réunion, 50 % de la population est aujourd'hui entièrement vaccinée.
La situation économique et sociale, déjà très tendue, s'est encore dégradée ces dernières années, ce qui affaiblit encore la faculté de ces territoires à réagir à la pandémie.
Il convient de développer la vaccination selon des modalités différentes. Les élus de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique me l'ont dit : la communication n'a pas été appropriée. Si l'on veut convaincre, il faut passer par des personnes qui ont une légitimité pour le faire, dans la proximité. Comme dans l'Hexagone, cela se passe mieux quand c'est le médecin de famille qui vaccine ou quand les centres de vaccination sont proches des lieux de vie. Cette inflexion est en cours ; espérons qu'elle donne bientôt des résultats.
Quoi qu'il en soit, les autorités ont été amenées à prendre des mesures relevant de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à la diffusion de l'épidémie, et il nous appartient de les prolonger. En Polynésie française, elles ont pris la forme d'un décret qui arrive à échéance le 12 septembre ; la prolongation de l'état d'urgence sanitaire dans les autres collectivités a déjà fait l'objet d'une loi, mais ces mesures ne peuvent, sans une autre loi, être prolongées au-delà du 30 septembre. Il nous faut donc soutenir la proposition qui nous est faite de prolonger l'état d'urgence sanitaire dans ces territoires jusqu'au 15 novembre - date que nous avons aussi retenue en juillet dernier pour la validité du passe sanitaire. Nous aurons ainsi l'occasion d'établir un bilan sur ces deux dispositions.
En votant ce texte, nous ne disons pas qu'il faut maintenir l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 15 novembre : le Gouvernement aura le devoir, si la situation s'améliore, de libérer les territoires concernés. J'ai beaucoup hésité sur le cas de Saint-Barthélemy, qui présente des chiffres meilleurs que la moyenne nationale, mais dont la proximité avec la Guadeloupe en fait un territoire exposé. Je propose donc d'accepter de l'inclure dans le texte, mais je demanderai au Gouvernement de faire le point dès la semaine prochaine sur la pertinence des restrictions en cours. Le président de cette collectivité, Bruno Magras, m'a écrit en ce sens. Je choisis une position prudente : donner au Gouvernement des outils, mais en lui demandant de s'en servir avec circonspection.
Reste le cas des collectivités qui n'étaient pas déclarées en état d'urgence sanitaire jusqu'à présent. Le Gouvernement veut pouvoir y déclencher l'état d'urgence sanitaire sans avoir à recourir à un vote pour le renouveler avant le 15 novembre. Je suis prêt à l'accepter sous bénéfice d'inventaire : le texte initial incluait Saint-Pierre-et-Miquelon. Par égard pour des populations très épargnées et plus vaccinées que la moyenne nationale, je souhaite l'exclure.
J'étais prêt, jusqu'à dimanche dernier, à tenir le même raisonnement pour la Nouvelle-Calédonie. Mais les autorités calédoniennes ont été assez inquiétées par les premiers cas du variant Delta révélés ce jour-là pour décider à l'unanimité de rendre la vaccination obligatoire. Le fait que le virus ait pu franchir les frontières malgré la septaine imposée aux voyageurs appelle effectivement à la plus grande vigilance. Il y aurait actuellement une cinquantaine de cas et, lundi dernier, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, en accord avec le Haut-Commissaire, a déclaré l'urgence et décrété le confinement et le couvre-feu. L'Assemblée nationale a donc décidé de déclarer directement dans la loi l'état d'urgence sanitaire sur ce territoire, action nécessaire pour donner une base légale au confinement souhaité par les autorités locales. J'y souscris et vous proposerai de faire de même.
Dans les îles de Wallis et Futuna, la situation est saine, mais les liens avec la Nouvelle-Calédonie sont tellement forts qu'il est préférable de les laisser sur la liste, tout comme Mayotte, où la situation demeure fragile.
J'ai donc indiqué à nos homologues de la commission des lois de l'Assemblée nationale que, s'ils excluaient Saint-Pierre-et-Miquelon et réglaient un problème juridique pour la remontée de données médicales en Polynésie française - dont Lana Tetuanui vous parlera mieux que moi - je proposerais un vote conforme à notre commission. Ils l'ont fait et je me félicite de cette coopération entre les deux chambres. D'une certaine manière, nos amendements ont déjà été pris en compte.
C'est un texte court, mais très important, y compris pour montrer toute notre considération pour les habitants de ces territoires si divers.