Je vous remercie de votre invitation et suis flatté de l'intérêt que vous portez à l'expérience australienne. C'est un honneur pour moi que de vous répondre dans le cadre de vos travaux.
Vous l'avez dit dans vos propos introductifs, le Parlement australien enquête sur les interférences étrangères dans les universités et les établissements d'enseignement supérieur. L'enquête fait suite à plusieurs incidents qui ont conduit le gouvernement australien à se préoccuper de cette question.
Je vais citer un certain nombre d'exemples pour étayer mon propos.
Tout d'abord, j'évoquerai la situation de l'Australian National University de Canberra, qui a subi toute une série de cyberattaques ces dernières années. Nous avons découvert que les assaillants ciblaient non pas des données scientifiques, mais les dossiers personnels des étudiants. Or la plupart de ces futurs diplômés travailleront bientôt pour le gouvernement fédéral. Ces données peuvent donc avoir une très grande valeur pour une puissance étrangère.
Ensuite, j'aborderai le cas de ces jeunes étudiants de l'université du Queensland, qui ont lancé une action en faveur du mouvement pro-démocratie à Hong-Kong et qui ont été, de ce fait, molestés par des étudiants chinois nationalistes. Bizarrement, l'université du Queensland n'a ni réagi ni protesté.
En réalité, l'influence des instituts Confucius est directement en cause dans cette affaire. Nous avons en effet appris que l'université du Queensland avait permis au gouvernement chinois de financer directement un certain nombre de cours du premier cycle, notamment un cours sur la question des droits de l'homme en Chine. Nous avons également découvert en enquêtant que certains éléments de la rémunération du vice-chancelier de l'université dépendaient d'un indicateur basé sur le nombre d'étudiants chinois accueillis par l'établissement : plus ce nombre était élevé, plus son salaire augmentait... Pour nous, il est tout à fait clair que l'action des instituts Confucius ne doit en aucun cas conduire à la remise en cause de l'autonomie de nos universités ni de nos libertés académiques.
Enfin, dernier exemple, celui d'un chercheur d'université, également directeur de l'association Human Rights Watch (HRW), qui s'est vu censuré par l'université qui l'emploie pour un article très critique sur l'action de la Chine à Hong-Kong.
On le voit, les universités australiennes pratiquent volontiers l'autocensure, cédant ainsi à l'influence des étudiants chinois présents sur le territoire australien.
Nos travaux ont également montré que beaucoup d'universitaires, y compris des chercheurs de l'Australian Research Council, avaient été ouvertement ciblés par le programme chinois de recrutement « 1 000 talents ».
En matière de lutte contre les influences étrangères, l'Australie a heureusement accompli des progrès significatifs en cinq ans. D'abord, chacun reconnaît aujourd'hui que cette question est stratégique et plus personne ne minimise les incidents qui surviennent. Certaines universités ont développé des actions pour lutter contre ce type de menaces, notamment pour protéger les données sensibles qu'elles détiennent. Elles ont aussi mis en place des procédures d'approbation plus rigoureuses pour l'accueil des étudiants étrangers, notamment pour faire face au programme « 1 000 talents ».
J'ajoute qu'un groupe de travail conjoint entre les universités et le gouvernement australien a été créé pour promouvoir des standards censés protéger les universités. Il s'agit d'une avancée réellement positive. Le gouvernement a également voté l'an dernier l'Australia's Foreign Relations Act, qui autorise le ministre des affaires étrangères à annuler un accord si l'autonomie institutionnelle d'une université est en cause ou si cet accord n'est pas dans l'intérêt du pays.
Notre commission devrait publier son rapport final d'ici à la fin de l'année. Il comportera toute une série de recommandations pour l'université que je ne peux évidemment pour l'heure dévoiler.
Dans le contexte australien, même si d'autres pays nous préoccupent, l'influence la plus menaçante provient évidemment de Chine. C'est pourquoi nous sommes très intéressés par l'expérience française et la manière dont votre gouvernement entend également contrer la menace russe.