Intervention de Guy Fischer

Réunion du 17 février 2011 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Il aura fallu attendre l’adoption de la dernière loi de financement de la sécurité sociale pour qu’il soit enfin précisé que la convergence public-privé ne devait s’appliquer qu’en faveur des prix les plus bas, et non pas automatiquement en appliquant au secteur public les tarifs du secteur privé. Cette évolution souhaitable constitue la démonstration que votre priorité résidait moins dans la réalisation de quelques économies que dans votre volonté toute dogmatique d’assimiler en tout point le privé au public.

À cet effet, je tiens d’ailleurs à rappeler que votre gouvernement s’est toujours opposé à l’intégration des tarifs des professionnels de santé aux tarifs des établissements privés lucratifs. Cette distinction artificielle permet de faire croire que les actes réalisés dans le privé coûtent moins cher, mais c’est oublier que les prix pratiqués dans le public s’entendent « tout compris », c’est-à-dire qu’ils intègrent les honoraires des médecins. Si vous tenez tant à comparer les tarifs du public et du privé, vous ne devez pas craindre de faire une comparaison intégrale !

Le second exemple porte sur la T2A. Ce mode de financement qui repose sur l’activité réalisée au sein des établissements n’est pas adapté à certaines activités hospitalières. Je pense particulièrement aux soins palliatifs, pour revenir à un débat que nous avons eu récemment.

Selon M. Gérard de Pouvourville, professeur au département Management de la Santé, ce système « pousse à l’efficience [mais avec] un risque de sous-prise en charge des patients » et une incitation à « fractionner les séjours », ce qui est naturellement impossible dès lors qu’il s’agit de soins palliatifs.

La Cour des comptes le reconnaît elle-même dans l’un de ses rapports : « Le système pourrait déboucher sur une éventuelle dégradation de la qualité des soins prodigués ou sur une sélection des patients, pour éviter de prendre en charge les cas les plus lourds. ». C’est ce que nous observons bien souvent.

Par ailleurs, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, la T2A a des effets pervers sur les comptes sociaux. Un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances a déjà souligné qu’elle pouvait entraîner une inflation des soins.

Chaque maladie traitée rapportant une somme déterminée à l’hôpital, la T2A favorise, par exemple, l’augmentation artificielle des durées d’hospitalisation pour les pathologies rémunérées à la journée, encourage à tirer le diagnostic vers l’affection la plus lucrative ou à fragmenter la prise en charge pour multiplier les factures, ou encore à réaliser des actes qui ne sont pas indispensables.

En somme, il s’agit d’inciter les établissements à faire du chiffre, et cela d’autant plus que, depuis l’adoption de la loi HPST, le directeur général de l’agence régionale de santé peut décider de placer les établissements rencontrant des difficultés financières sous tutelle administrative.

D’une manière générale, la T2A organise une concurrence entre les cliniques commerciales et les hôpitaux publics. Une concurrence déloyale puisque ces derniers sont obligés de prendre en charge toute l’année, sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les patients qui se présentent, alors que le secteur à but lucratif peut choisir les patients les plus rentables. Autrement dit, comme le souligne M. Gérard de Pouvourville, docteur en économie et administration des entreprises, les hôpitaux publics sont « pénalisés » par le fait de ne pouvoir choisir leurs patients.

On le voit bien, ces deux éléments que sont la convergence des tarifs et la rémunération à l’activité et qui constituent l’ossature de votre politique sanitaire jouent contre l’hôpital public, c’est-à-dire contre les seules structures capables d’assurer l’égalité entre nos concitoyens en matière d’accès aux soins. Je tenais à le réaffirmer en prélude à notre discussion.

À cet égard, la proposition de loi présentée par notre collègue Jean-Pierre Fourcade n’apporte aucune solution. Elle entérine ce modèle économique que nous ne pouvons que contester.

Par ailleurs, mes chers collègues, si nous avons, un temps, cru ou tout du moins espéré que cette proposition de loi allait apporter des réponses concrètes aux difficultés que rencontrent nos concitoyens pour accéder aux soins, aujourd’hui nous sommes déçus.

Il s’agit pourtant d’un enjeu capital, puisque l’accès aux soins se dégrade encore malgré la loi HPST, malgré les règles incitatives que vous n’avez de cesse de développer.

Lors de l’examen du projet de loi HPST, la majorité sénatoriale avait supprimé les peu nombreuses avancées obtenues à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, par cette proposition de loi, elle entend supprimer les quelques mesures, certes symboliques, qui avaient résisté à son examen, en supprimant les sanctions en cas de non-respect des contrats solidaires. Nous y sommes ! Il s’agit avant tout de donner au secteur libéral tous les gages nécessaires.

Mes chers collègues, tout cela donne l’impression que vous refusez, malgré les rapports Hubert et Vallancien, de prendre à bras-le-corps l’important dossier de la médecine libérale.

Le système actuel est à bout de souffle et ne permet pas de répondre aux besoins de nos concitoyens, qui sont pourtant clairement définis et limités à trois questions fondamentales : la permanence des soins, la persistance et l’extension des zones sous-médicalisées, ainsi que l’explosion des dépassements d’honoraires. Vous refusez pourtant d’en parler !

Pour nous, la permanence des soins doit continuer à être considérée comme une mission de service public. Il s’agit d’une exigence de qualité et d’égalité entre nos concitoyens, seule capable de rendre opposable une telle notion. Il s’agit pour nous non pas de contraindre les médecins, …

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