Intervention de Guy Fischer

Réunion du 17 février 2011 à 15h00
Réforme de l'hôpital — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

… mais d’assurer la satisfaction des besoins en santé. C’est pourquoi nous considérons que cette exigence ne peut être facultative.

S’agissant des déserts médicaux, il y a fort à parier que, malgré l’adoption probable de cette proposition de loi, ils ne se résorberont pas. Bien que nous n’ayons pas voté en faveur des contrats santé solidarité, considérant qu’ils étaient difficiles à instaurer, nous avons tout de même été surpris d’apprendre par voie de presse que la ministre de la santé de l’époque, Mme Bachelot-Narquin, avait décidé seule – ce point a été confirmé –, à l’occasion d’un congrès des médecins généralistes réunis à Nice, de ne pas les mettre en œuvre.

Je veux réaffirmer ici notre opposition à ce type de procédé. Le Gouvernement ne peut pas décider seul de surseoir à l’exécution d’une mesure adoptée par le Parlement. Au moins cette proposition de loi a-t-elle le mérite de clarifier les choses, en envoyant – c’est ainsi que nous le comprenons – un signal fort en direction des médecins, qui sont de potentiels électeurs.

Car, à vrai dire, les articles concernant les soins de premier recours, que M. le rapporteur considère comme le cœur de cette proposition de loi, ne nous semblent pas suffisants. Le fait de permettre à une société civile, composée de médecins et d’auxiliaires médicaux, de bénéficier de financements de la part de l’assurance maladie ne constitue qu’une incitation marginale à l’exercice regroupé.

M. le rapporteur l’a très bien expliqué, ce mode d’exercice est aujourd’hui plébiscité. De plus en plus de jeunes médecins se déclarent intéressés, dans la mesure où il permet à la fois la complémentarité des pratiques et la rupture avec un certain isolement. Ces praticiens sont également de plus en plus nombreux à refuser de s’inscrire dans un schéma où ils seraient d’abord et avant tout des gestionnaires de structures ou des entrepreneurs.

Cela explique sans doute pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à accepter une pratique longtemps décriée, celle de l’exercice salarié. Les éléments chiffrés que vous avez donnés, monsieur Milon, parlent d’eux-mêmes. Peut-être cette nouvelle société de moyens donnera-t-elle envie à des médecins d’exercer de manière regroupée. Toutefois, la question que nous devons nous poser est en réalité la suivante : cela suffira-t-il à repeupler les déserts médicaux ? Nous répondons par la négative, car la création de ce nouveau cadre vise en réalité à empêcher toute remise en cause du dogme auquel les représentants des médecins libéraux sont très attachés, celui de la liberté d’installation.

Selon nous, il est temps que ce concept évolue. Il n’est en effet pas acceptable qu’en raison de ce principe, lié à un exercice libéral de la médecine, les pouvoirs publics ne disposent pas des outils leur permettant d’assurer un autre principe, bien plus important à nos yeux : celui de l’accès de tous à une médecine de proximité.

Les politiques incitatives que vous avez développées depuis des années présentent deux inconvénients : d’une part, celui de reposer exclusivement sur les financements des collectivités locales et territoriales, ce qui revient à appliquer à la médecine de proximité la fracture sociale liée aux richesses des territoires ; d’autre part, celui, majeur, de n’avoir aucun effet concret. Nous sommes aujourd’hui dans une situation paradoxale : alors qu’il n’y a jamais eu autant de médecins, les besoins non satisfaits n’ont jamais été aussi grands.

C’est pourquoi nous vous proposerons au cours de nos débats un certain nombre d’amendements tendant à limiter l’installation des médecins dans les zones sur-denses et à encadrer les conditions de leur installation. Je ne me fais aucune illusion sur leur adoption ! §

En effet, il n’y a plus lieu d’attendre. Selon les projections, tout porte à croire que le nombre de médecins de premier recours aura mécaniquement tendance à décroître. Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait effectivement diminuer de 10 % à l’horizon 2025. Si la densité médicale était de 275 généralistes pour 100 000 habitants en 1985 et de 340 praticiens en 2005, toutes les études prévoient, à l’horizon 2025, qu’elle tombera à 283 généralistes pour 100 000 habitants, soit un taux à peine supérieur à celui du milieu des années quatre-vingt, alors que les besoins ont considérablement augmenté, notamment en raison du vieillissement de la population. Refuser d’agir aujourd’hui, c’est prendre le risque que, demain, la situation ne s’aggrave une nouvelle fois.

Enfin, le dernier enjeu est celui de l’accès aux soins à des tarifs opposables. Cette question est primordiale, dans la mesure où l’explosion des dépassements d’honoraires fait courir le risque d’une médecine à double vitesse – je pense plus particulièrement aux spécialistes –, écartant des soins celles et ceux qui ne disposeraient pas des ressources financières à la hauteur de leur état de santé.

À l’occasion des débats sur le projet de loi HPST, nous avions proposé que l’accès à des tarifs opposables constitue un élément essentiel pour déterminer le schéma régional de l’organisation sanitaire. Vous vous y étiez opposés, laissant perdurer une situation inacceptable et envoyant un très mauvais signal aux professionnels de santé, qui restent libres de déterminer en leur âme et conscience si les dépassements qu’ils pratiquent sont conformes au tact et à la mesure.

Aujourd’hui, certains préconisent d’autoriser la modulation du prix de la consultation en fonction de l’importance de celle-ci. Nous y sommes opposés, considérant que cela reviendrait de fait à autoriser les médecins à pratiquer des tarifs discriminatoires ou, dans le meilleur des cas, à faire naître le doute chez le patient, qui, par définition, a besoin de faire confiance à son médecin.

De la même manière, nous ne considérons pas que le secteur optionnel soit de nature à résoudre ce que l’IGAS qualifiait dans son rapport de 2007 de « recul de la solidarité nationale contraire aux principes fondateurs de l’assurance maladie ». Pour nous, ce nouveau secteur vise à inciter les médecins pratiquant les tarifs conventionnels à imposer des dépassements d’honoraires légalement autorisés et dont le pendant est naturellement une prise en charge par les complémentaires santé.

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