Intervention de Anne-Catherine Loisier

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 septembre 2021 à 9h30
Proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier, rapporteure :

Cet article représente le deuxième étage de la fusée, puisqu'il traite des contrats en aval, entre l'industriel - également appelé : le « fournisseur » - et le distributeur.

Son objectif principal est de sanctuariser les matières premières agricoles lors des négociations commerciales, pour que l'industriel n'ait plus à exercer une pression toujours plus forte sur l'agriculteur, puisque lui-même n'aura normalement pas été contraint d'être déficitaire sur cette partie.

En réalité, l'édifice est bien plus fragile qu'il y paraît, nous aurons l'occasion d'en débattre.

Pour que la part des matières premières agricoles dans un produit soit non négociable, il faut connaître cette part. Cet article 2 offre trois options au fournisseur pour afficher cette part dans les conditions générales de vente (CGV) qu'il envoie chaque année.

La première option, qui est la règle générale, consiste à indiquer, chaque fois qu'une matière première agricole représente plus de 25 % du volume du produit alimentaire, sa part dans le volume, mais également, et surtout, sa part dans le tarif du fournisseur. Par exemple, pour un yaourt à la fraise, il devra écrire : le lait représente 60 % du volume du produit, et 35 % du tarif proposé. Si le distributeur veut vérifier l'exactitude des informations, il peut mandater un tiers indépendant, c'est-à-dire souvent un commissaire aux comptes.

La deuxième option, qui est dérogatoire, consiste à n'afficher que la part agrégée des matières premières agricoles dans les CGV. Dans ce cas, le fournisseur doit la faire attester par un tiers indépendant.

La troisième option, également dérogatoire, consiste à ne rien afficher dans les CGV. Dans ce cas, après la négociation, un tiers indépendant doit attester que la négociation n'a pas porté sur la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur.

Cet article 2 consacre par ailleurs un principe de non-négociabilité de la matière première agricole.

Cet article demande également aux industriels et distributeurs de retracer dans une convention, à l'issue de la négociation, l'ensemble des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés, comme le prix, les délais de paiement, les services commerciaux. Surtout, cette convention devra comporter une clause de révision automatique des prix. Il s'agit du lien avec l'article 1er. Si le contrat en amont est révisé à la hausse, logiquement le contrat en aval devrait aussi être révisé à la hausse.

Voilà les principaux traits du mécanisme. Il est très complexe, sans parler du fait que cet article réduit la durée des négociations commerciales de trois à deux mois... Un dispositif aussi complexe sera, à coup sûr, à l'origine de nombreux contentieux.

Un exemple de cette complexité : puisque l'obligation de transparence s'applique seulement aux matières premières agricoles représentant plus de 25 % du volume du produit, la soupe aux 3 légumes sera incluse, mais la soupe aux 9 légumes ne le sera pas, puisque ses légumes n'atteindront pas le seuil de 25 %... On imagine le casse-tête des CGV et des négociations, d'autant que ce seuil de 25 % sert aussi de base pour l'article 2 bis D qui protège le tarif du fournisseur.

L'autre écueil de cet article, c'est qu'il permet à la grande distribution d'avoir un accès aux marges des industriels, ce qui revient à lui dire les segments sur lesquels elle pourra se « rattraper » en négociant plus durement.

Il est donc urgent de simplifier ce mécanisme et de rééquilibrer le rapport de force dans la négociation commerciale. Car dans les faits, plus l'intermédiaire est contraint par la distribution, plus il se retourne contre l'agriculteur...

C'est pourquoi, avec l'amendement COM-136, je vous propose une nouvelle rédaction de cet article, avec l'objectif de simplifier les choses et de rééquilibrer la négociation commerciale.

La simplification, d'abord. Je vous propose de conserver deux options seulement et de les mettre sur le même plan : soit l'industriel affiche la part agrégée des matières premières agricoles, soit, s'il le souhaite et lorsqu'il demande une évolution de tarif par rapport à l'année précédente, il fait certifier la part de cette évolution qui est due à la variation des matières premières agricoles. Nous conservons bien sûr la non-négociabilité des matières premières agricoles, mais nous évitons que le distributeur ne dévoile trop ses marges, car nous savons que cette information déséquilibre la négociation commerciale.

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