Ce texte destiné à favoriser la confiance de nos concitoyens dans la justice ne nous semble pas atteindre cet objectif : il ne concerne pas la juridiction du quotidien ni l'exécution des peines. D'une certaine manière, il survient à contretemps. Paradoxalement, il utilise les marges de manoeuvre budgétaires obtenues par le garde des sceaux en 2021 et en 2022 pour apporter de la complexité.
Ce texte ne comprend pas de dispositions en matière de simplification - c'est plutôt l'inverse. Nous aurions pu, avec Agnès Canayer, faire des propositions, mais nous nous sommes abstenus en raison de l'effet domino d'un tel exercice. Quoi qu'il en soit, je ne vous cache pas que la demande adressée par le Président de la République à la Chancellerie d'engager une réforme de la procédure pénale en trois mois me paraît relever des travaux d'Hercule !
Par ailleurs, nous n'étions pas opposés à un recours plus large aux amendes forfaitaires délictuelles. Or le ministre de l'intérieur et le Président de la République hier ont annoncé que cette disposition figurerait dans le texte sur la responsabilité pénale, qui change de nature. Il faut être raisonnable et ne pas croiser les textes.
Les deux principaux sujets que j'aborderai sont la question des enquêtes préliminaires et celle du secret professionnel des avocats.
Les enquêtes préliminaires ne peuvent pas être éternelles dans notre pays. Il n'est pas convenable que certaines d'entre elles durent plus de cinq ans. Par ailleurs, quid de la personne mise en cause, qui dispose de peu d'informations ? Ce texte prévoit donc l'ouverture de modalités dites du contradictoire dans un certain nombre de cas. Enfin, l'Assemblée nationale a voulu donner un caractère intégral et absolu au secret professionnel des avocats. Ce secret professionnel, qui est défini dans une loi de 1971, a été conçu comme lié au secret de la défense et non pas comme lié à la liberté de conseiller. Après un mouvement assez fort du Conseil national des Barreaux, qui s'est inquiété d'un arrêt de la Cour de cassation dans une affaire de concurrence, l'Assemblée nationale a décidé d'opter pour un secret professionnel extrêmement large.
Nous sommes tous d'accord pour réduire le délai des enquêtes. Certaines durent depuis des années pour des raisons diverses, qui vont des délais nécessaires pour obtenir des actes réalisés à l'étranger au manque d'enquêteurs judiciaires. Le ministre de l'intérieur a annoncé l'été dernier qu'il manquait 5 000 officiers de police judiciaire (OPJ). Or, pour former plus rapidement des OPJ, le ministère veut simplifier le concours et supprimer l'oral. Nous sommes dubitatifs...
Bref, le manque d'OPJ associé à la volonté de réduire la durée des enquêtes peut conduire à des difficultés allant de la renonciation aux poursuites à la présentation de dossiers mal ficelés, en passant par des ouvertures systématiques d'instruction.
Par ailleurs, deux dérogations sont prévues dans le texte : le terrorisme et la criminalité et la délinquance organisées. Dans la pratique, les enquêtes les plus longues sont celles qui concernent l'économique et le financier. Il serait dangereux, l'objectif étant la défense du contrat social et républicain, de réduire les délais d'enquête en matière de fraude fiscale, de blanchiment de capitaux et de corruption, surtout à un moment où notre pays ne cesse de dire qu'il est dans l'attente d'une régulation internationale plus importante.
Dans le débat sur les amendements, nous insisterons sur un certain nombre de points. Pour simplifier la procédure d'enquête, il ne faut pas retenir la présence de l'avocat lors des perquisitions. Par ailleurs, il convient de tirer les conséquences des travaux menés par le Sénat sur la définition de la prise illégale d'intérêts - impartialité, objectivité, indépendance - pour sortir d'un système où les élus locaux peuvent être incriminés pour des motifs purement formels. Notre proposition est claire et argumentée. Il nous paraît normal d'ouvrir le débat.
Pour en revenir à l'ouverture au contradictoire lors de l'enquête préliminaire, le texte prévoit que dès lors que l'affaire concernant M. Untel a fait l'objet d'une fuite dans la presse, il a accès au dossier pour pouvoir se défendre. Nous sommes face à deux approches : soit, puissant de ce monde, vous organisez une fuite et obtenez le contradictoire, soit la procédure dure des années et, mis en cause, vous n'en connaissez ni les tenants ni les aboutissants et il vous est impossible de vous défendre médiatiquement. Avec Agnès Canayer, nous nous sommes interrogés et avons renoncé à vous présenter un amendement. Nous restons ouverts à la discussion sur ce point.
Concernant les remises de peine, la Chancellerie propose de revenir au système antérieur à la loi Perben II de 2004 : les remises de peine devront tenir compte des mérites du détenu et non plus être, au moins partiellement, automatiques. Il n'est pas certain que l'administration pénitentiaire ait toujours la capacité d'évaluer ces mérites. Cependant, cette proposition a l'avantage d'être claire dans l'esprit de nos concitoyens.
Enfin, le texte comporte un volet important sur la déontologie : toutes les professions juridiques réglementées seront, à terme, dotées d'un code de déontologie et d'un collège chargé de le faire respecter. Une première phase de conciliation serait organisée avant une procédure devant une juridiction disciplinaire dont le président, un magistrat, filtrerait les recours anormaux et où les professionnels seraient majoritaires. Cela nous paraît très honorablement rédigé. Après concertation, toutes les professions, sauf celle d'avocat, sont d'accord.