Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 septembre 2021 à 9h30
Projet de loi organique et projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire — Examen du rapport et des textes proposés par la commission

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur :

Pour ce qui concerne l'amendement COM-90, il convient d'être très clair. S'agissant du régime de la prise illégale d'intérêts, notre assemblée a mené différents travaux préparatoires, en considérant que la définition de la prise illégale d'intérêts appliquée aux élus locaux souffrait de son caractère formel.

Pour le législateur, il s'agit de sanctionner toutes les atteintes à la probité. L'évolution de la jurisprudence a conduit à ce que des infractions strictement formelles soient aujourd'hui susceptibles d'entraîner une sanction pénale.

Lors de l'examen du projet de loi 4D, nos collègues avaient envisagé de porter cet amendement. Toutefois, le champ d'application de l'article 45 de la Constitution ne l'a pas permis. Sur le sujet de l'article 45, j'ai rappelé tout à l'heure que le statut des magistrats et la prise illégale d'intérêts faisaient l'objet de notre débat et du champ que nous avons à examiner.

Le monde politique est sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui est présidée par Didier Migaud. Ce dernier a constaté que le texte sur la prise illégale d'intérêts ne remplissait pas son rôle, puisqu'il permettait de sanctionner des comportements ne relevant pas d'atteinte à la probité.

Il a alors rédigé la proposition n° 2 de son rapport établi au mois de mai dernier, selon laquelle est sanctionnée non pas la prise d'un intérêt quelconque, mais la prise d'un intérêt « de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de la personne ».

Mi-juillet, le garde des sceaux est mis en examen. Volontairement, en toute responsabilité, nous vous présentons cet amendement, qui nous permettra d'avoir un débat sur ce que nous voulons vraiment : préserver les élus locaux de condamnations pour des éléments ne relevant pas de manquements à la probité.

Ainsi, à Plougastel-Daoulas, voilà quelques mois, une course cycliste a été organisée par l'association de cyclisme local, dont fait partie le maire, ainsi que deux autres élus du conseil municipal. Ils ont été condamnés pour ne pas s'être retirés du conseil municipal au moment où une subvention a été accordée à cette association, alors qu'ils n'avaient pas pris part au vote.

Autre exemple, un conseil municipal a attribué une opération d'aménagement, un éco-quartier, à M. X, qui est un ami du maire. Bien que ce dernier n'en ait tiré aucun avantage personnel, la Cour de cassation a considéré que le fait d'avoir un lien amical suffit à constituer l'infraction, même s'il n'y a aucune atteinte à la probité.

Dernier exemple, un maire adjoint, voulant rendre service, a fourni à la maison de retraite locale, qui est municipale, son vin à prix coûtant. Il a été condamné.

Par extensions successives, des dispositions pénales sanctionnent nos élus locaux, lesquels « n'ont rien fait de mal ».

Cet état de fait a conduit nos collègues à envisager la modification portée par cet amendement. Nous pensons, en conscience, qu'elle sera bénéfique pour notre pays. On risque de nous alerter sur le fait que le garde des sceaux a été mis en examen. Je prends l'entière responsabilité de cet amendement, que je porte avec Agnès Canayer. Le garde des sceaux n'y a été associé ni de près ni de loin.

Plusieurs solutions s'offrent à nous : maintenir cet amendement ; le retirer purement et simplement en n'assumant pas nos responsabilités vis-à-vis des personnes qui s'engagent dans des mandats communaux ou départementaux, qui pourront être sanctionnés ; ou bien réécrire le texte, en y laissant les termes que j'ai cités précédemment et qui s'appliquent d'ores et déjà pour les magistrats, en prévoyant que la modification ne concernerait ni les ministres ni les hauts fonctionnaires. Ce faisant, la loi perd son caractère général. En arriver, pour des motifs médiatiques, à ne pas donner un caractère général à la loi, nous interroge.

Il nous a paru nécessaire d'ouvrir les termes de la discussion, en vous demandant, mes chers collègues, si vous êtes d'accord pour adopter cette disposition visant simplement à éviter des anomalies concernant les élus locaux. Si vous estimez qu'à notre époque il convient de ne laisser aucune place au soupçon, nous présenterons un amendement visant uniquement les élus locaux, ce qui ferait perdre à la loi son caractère général. Reste la solution de supprimer purement et simplement ces dispositions : le droit classique s'appliquera à l'ensemble des ministres, hauts fonctionnaires et élus locaux et les dispositions « Migaud » ne s'appliqueront qu'aux magistrats.

Sur ce sujet, nous avons un devoir de vérité et de responsabilité.

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