Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 14 constitue en réalité, sous une apparence plutôt positive, une violation caractérisée du principe de compensation intégrale.
Il prévoit en effet que, si l'on constate un écart positif entre le montant des impôts et taxes affectés et le montant des exonérations de charges consenties aux entreprises, la somme correspondante sera affectée à la CNAMTS, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Si l'on s'en tenait stricto sensu à ce dispositif, l'article serait plutôt positif. Mais il ne faut pas oublier qu'il découle du nouveau mode de compensation des exonérations de charges prévu par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, un mode de compensation que nous avons, dès le départ, dénoncé. Et pour cause ! Il permet tout simplement à l'État d'utiliser les finances sociales comme variable d'ajustement, et surtout au Gouvernement de financer sa politique de « cadeaux » en faveur des entreprises, sur le dos des assurés sociaux !
Les dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale s'élèvent à plus de 5 milliards d'euros, et ce n'est certainement pas cette disposition qui pourra les faire diminuer ! En effet, que se passera-t-il en cas d'écart négatif entre le niveau d'impôt collecté et le montant des exonérations de charges consenties ?
Surtout, au regard du montant des exonérations, qui s'élèvent à plus de 25, 6 milliards d'euros, il n'est pas acceptable d'utiliser une augmentation accidentelle des impôts et taxes et de trouver de tels arrangements comptables pour faire croire qu'un mode de financement pérenne de l'assurance maladie a été trouvé.
Les conséquences sur les salariés de la politique menée en matière d'exonérations sont dramatiques. Aujourd'hui, on sait que plus d'un salarié sur deux perçoit un salaire inférieur à 1, 6 SMIC. C'est ce que j'appellerai la « smicardisation ». Voilà la nouvelle référence !
Ce tassement des salaires est le résultat direct de cette politique, et je ne parle pas du fait qu'aucun lien n'est aujourd'hui avéré entre exonération de charges et emploi.
Dans un rapport non publié daté de juillet 2006, la Cour des comptes dénombrait, au 1er septembre 2005, quarante-six mesures d'exonération de cotisations et de réduction d'assiette de cotisations de sécurité sociale. Elle ajoute que, depuis le 1er janvier 2005, trente-six mesures nouvelles ont été envisagées, sans que le ministre délégué chargé de la sécurité sociale soit informé pour dix-sept d'entre elles. Cette situation est parfaitement anormale, mais M. le ministre de la santé et des solidarités consent, puisqu'il laisse faire !
Ces mesures présentées « sans la moindre évaluation ou analyse d'impact ne font que traduire la tendance générale au ?mitage? de l'assiette de cotisations sociales et pose le problème de l'équité du financement de la protection sociale ».
Les conclusions de la Cour des comptes sont donc sans appel. Face à un tel constat d'inefficacité, l'article 14 soulève de nombreuses questions.
L'engagement de compensation à l'euro près pour certaines exonérations sera-t-il respecté, alors que l'on sait que plus de 2 milliards d'euros ne sont pas compensés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
Connaissant notre souci de rigueur, surtout en matière financière, vous comprendrez que nous ne puissions accepter de telles incertitudes. Par cet amendement, nous voulons avant tout demander au Gouvernement de nous donner des éclaircissements sur ce point.