Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 8 décembre 2009 à 22h30
Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux qu’approuver ce que vous avez dit lorsque vous vous êtes réjoui des nominations intervenues depuis le dernier Conseil européen.

Vous venez de dresser un tableau complet de l’état de l’Union ; il y a effectivement de la matière, comme l’on dit !

Pour ce qui est des thèmes abordés, le Conseil européen des 10 et 11 décembre va se situer dans une grande continuité par rapport au Conseil européen du 19 novembre, même s’il y a des éléments nouveaux.

La principale différence est que les nominations du président stable et du haut représentant sont derrière nous. Le Conseil européen va donc pouvoir se concentrer davantage sur les deux grands thèmes déjà évoqués voilà un mois : la situation économique et le changement climatique, à quoi va s’ajouter le « programme de Stockholm » en matière de justice et d’affaires intérieures.

Voilà autant de domaines où l’action de l’Union a besoin d’impulsions fortes et durables, et où elle est attendue. Mais cette action suppose aussi une vue d’ensemble et une continuité dans la démarche. Nous savons tous que les anciennes règles de fonctionnement ne permettaient pas d’obtenir ce résultat. Il a fallu des années pour parvenir enfin à la ratification du traité de Lisbonne. Naturellement, on ne peut pas encore savoir, aujourd’hui, si le résultat sera nettement meilleur avec ce traité ; c’est l’expérience qui le dira. Mais nous n’aurons plus aucune excuse !

Quand on considère la manière dont se présente ce Conseil européen, on ne peut manquer de conclure qu’il était bel et bien nécessaire d’essayer de fonctionner autrement, car, une fois de plus, nous sommes, qu’on le veuille ou non, devant des perspectives très générales qui recueilleront probablement, sans trop de peine, un consensus, mais qui ne contiennent pas de lignes d’action très claires ni très fermes.

Prenons l’exemple du « programme de Stockholm », dont l’adoption sera sans doute un point fort de ce Conseil européen.

Voilà un domaine où les citoyens ont une grande attente à l’égard de l’Europe. C’est la question que l’on nous posait au moment du référendum sur le traité constitutionnel : mais que fait l’Europe, où est l’Europe ? Car tout le monde peut constater la nécessité d’agir en commun, que ce soit pour mettre en place un espace européen de justice, pour lutter contre la délinquance transfrontière ou encore pour maîtriser l’immigration.

La commission des affaires européennes du Sénat a examiné de près la préparation du nouveau programme ; un rapport d’information a été préparé conjointement par Annie David, Jean-Claude Peyronnet et Hugues Portelli. Or, à la lecture de ce rapport, qui ne peut être taxé de partialité, on sent que nos trois collègues, sans exception, ont eu quelque peine à discerner, dans les documents préparatoires, de véritables priorités politiques, clairement identifiables par les citoyens

De mois en mois, d’année en année même, dans ce domaine-là comme dans d’autres, on reste finalement dans des orientations générales qui ne constituent guère un projet fédérateur. Je sais bien que, sur cette base, la Commission doit proposer un « programme d’action » plus précis qui sera débattu sous présidence espagnole. Mais il serait d’autant plus utile que le Conseil européen adopte enfin, dans cette perspective, un message politique plus affirmé, une véritable feuille de route.

Si tel n’est pas le cas, monsieur le secrétaire d'État, il faudra bien que les États qui sont réellement décidés à avancer n’hésitent pas à dire qu’ils auront recours, chaque fois que nécessaire, aux « coopérations renforcées », puisque le traité de Lisbonne en donne la possibilité, ou aux « coopérations spécialisées », car l’expérience montre que c’est ainsi que l’on surmonte les blocages.

Prenons, par exemple, le cas du divorce transfrontalier, qui est à l’origine de contentieux longs et coûteux pour des personnes traversant déjà une épreuve sur le plan personnel. Comment accepter que la proposition Rome III soit toujours enlisée, alors que vingt-six États membres sur vingt-sept s’étaient mis d’accord sur une solution ? Mais voilà : la Commission européenne hésite à accepter une coopération renforcée, et puis, disons-le, c’est la Suède qui bloque, et nous sommes précisément sous présidence suédoise.

La solution se fera donc attendre encore un peu plus longtemps… Et les citoyens de l’Union européenne pourront à juste titre dire encore : « Mais que fait l’Europe ? »

Nous sommes ici très loin de l’« Europe des résultats » que le président de la Commission européenne appelait de ses vœux. Puisque nous avons soutenu ce dernier, il doit, lui aussi, faire ses preuves, notamment sur ce point précis du règlement Rome III, qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas un point de détail. Nous devons absolument montrer ce que nous voulons.

Il est vrai que le traité de Lisbonne entre en vigueur : le prochain Conseil européen sera le dernier de l’ancienne formule. Il est impératif que la mise en œuvre du nouveau traité soit l’occasion de repartir sur de meilleures bases.

Pendant des années, nous avons répété qu’il fallait réformer les institutions – cela a duré quinze ans ! - pour que l’Union puisse enfin remplir ses missions. Maintenant que la réforme est accomplie, les citoyens ne comprendraient pas qu’il n’y ait pas de progrès tangible.

Le Conseil européen est, que cela plaise ou non à certains, la clé de voûte des institutions de l’Union. C’est pourquoi, lors des travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe, il est apparu nécessaire à la fois de le conforter et de le réformer. Un meilleur fonctionnement du Conseil européen était le moyen d’assurer la primauté du politique. Ce sera la tâche du premier président stable du Conseil européen que de faire entrer cette réforme dans la réalité.

Je sais que le choix des chefs d’État et de Gouvernement a été critiqué. Pour ce qui me concerne je ne partage pas du tout ces critiques. Il faut se souvenir que, au sein de la Convention, il a été difficile d’obtenir la création de la présidence stable. Les opposants étaient nombreux, et le compromis s’est fait en donnant à cette présidence stable des attributions bien plus réduites que celles qui étaient prévues au départ, en cela en dépit de la volonté du président de la Convention, Valéry Giscard d’Estaing.

Nous étions finalement tous d’accord sur un point : il fallait choisir une personnalité qui soit en mesure de tirer toutes les potentialités de cette nouvelle fonction, de lui donner toute la consistance possible. Je pense que, de ce point de vue, le choix d’Herman Van Rompuy est bien pesé.

Les médias auraient évidemment aimé que soit désigné quelqu’un de plus… médiatique. Mais une personnalité très connue aurait été rapidement ramenée à la réalité de sa fonction, qui ne ressemble en rien à celle du président des États-Unis. La tâche du président stable est d’abord de rapprocher les points de vue, de favoriser des compromis positifs, de garantir la continuité dans l’action. Ce n’est pas une tâche très médiatique ; on a même des chances de mieux la remplir si l’on ne se demande pas constamment où sont les caméras !

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