Intervention de Jean François-Poncet

Réunion du 8 décembre 2009 à 22h30
Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009

Photo de Jean François-PoncetJean François-Poncet, vice-président :

Monsieur le secrétaire d’État, le Conseil européen des 10 et 11 décembre sera le premier depuis l’entrée en vigueur, le 1er décembre dernier, du traité de Lisbonne. C’est sur la portée de ce traité que j’aimerais interroger le spécialiste des affaires européennes que vous êtes depuis longtemps.

Le traité de Lisbonne est censé permettre à l’Europe de faire un grand pas vers son intégration. Et il est vrai qu’il réalise une triple percée.

Il s’agit d’abord d’une percée démocratique puisque le Parlement européen devient un véritable colégislateur : tous les textes doivent lui être soumis en vertu de la procédure de codécision ; il aura également le dernier mot en matière budgétaire, et ce n’est pas le moins important.

C’est également une percée en termes d’efficacité puisque la majorité qualifiée s’appliquera à un nombre beaucoup plus considérable de sujets.

Le traité constitue enfin une percée en matière internationale. D’une part, il crée en effet une présidence stable du Conseil européen, en lieu et place de la présidence tournante, qui voyait les titulaires de la présidence changer tous les six mois. La rotation des présidents ne subsiste que pour les conseils spécialisés ; agriculture, industrie, etc. D’autre part, le traité accroît aussi de façon très significative l’autorité du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui cumule désormais ses fonctions avec celle de vice-président de la Commission, qui disposera du nouveau service européen pour l’action extérieure et aura donc la main sur l’outil diplomatique de l’Union.

Ces changements devraient permettre à l’Union européenne de devenir un acteur international de premier plan. Avec une population de 500 millions d’habitants et un produit intérieur nettement supérieur à celui des États-Unis, il est évident que l’Europe est un des principaux poids lourds de la planète, face à la Chine et aux États-Unis.

Cependant, monsieur le secrétaire d’État, un double doute me taraude.

Premièrement, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Union font désormais intervenir trois, voire quatre hauts responsables : le président de la Commission européenne, bien sûr, qui dispose de services étoffés, y compris à l’étranger, et de moyens considérables pour l’aide au tiers monde, avec toute l’influence que cela peut comporter ; le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également devenu vice-président de la Commission ; le Président du Conseil européen, président « stable » puisqu’il est désormais désigné pour deux ans et demi renouvelables une fois ; s’y ajoutent, pris collectivement, les présidents des Conseils des ministres spécialisés, renouvelables tous les six mois, et qui à mon avis ne renonceront pas facilement à gérer les aspects extérieurs des problèmes intérieurs traités par ces Conseils spécialisés.

D’où ma question : ne court-on pas le risque de voir la diplomatie européenne paralysée par des conflits, ou simplement par une absence de coordination entre des personnalités entre lesquelles il n’existe aucune hiérarchie claire. Nous ne sommes, en définitive, pas très avancés pour répondre à la fameuse question de Kissinger : « l’Europe, quel numéro de téléphone ? »

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