Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 8 décembre 2009 à 22h30
Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Pour autant, l’Union va-t-elle s’exprimer d’une seule voix grâce au traité de Lisbonne ? Je l’espère, mais on peut craindre des frictions internes dans le triangle composé par le président du Conseil européen, le président de la Commission et le Haut représentant.

De même, la présidence tournante ne disparaît pas complètement. Sera-t-elle présente dans les sommets avec les pays tiers lorsque ceux-ci ne portent pas seulement sur des sujets de politique étrangère, mais concernent également les politiques communautaires comme le commerce, l’énergie ou les initiatives régionales ? Le format « troïka » subsistera-t-il ? Qui représentera l’Union au G8 et au G20 ?

Il est difficile d’imaginer l’articulation de ce nouveau meccano institutionnel. Les risques de cacophonie, et donc de confusion, sont réels.

Quoi qu’il en soit, la création de ces deux postes, président du Conseil européen et Haut représentant, ne suffira pas à définir et à défendre les intérêts communs aux Européens, et à créer une communauté de vision et d’action à l’égard du monde extérieur, autrement dit une véritable politique étrangère commune.

M. Van Rompuy et Mme Ashton auront, certes, une partition à jouer, mais ils resteront au mieux des modérateurs si les grands pays, notamment l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France aux traditions diplomatiques et aux intérêts différents, ne sont pas enclins à se concerter et n’ont pas la volonté de faire preuve d’unité pour décider une dynamique capable d’entraîner la machine institutionnelle. C’est la condition du succès de la diplomatie européenne.

L’autre condition est d’avancer dans la construction de l’Europe de la défense, car, aujourd’hui, la diplomatie est encore amputée d’une partie de sa crédibilité.

Je suis convaincu que seule une Europe politique dotée de tous les attributs de la puissance, et en premier lieu d’une politique européenne de sécurité et de défense crédible, peut permettre à notre continent de commencer à peser sur les affaires du monde et de contribuer aux grands équilibres.

Or soyons lucides : depuis Saint-Malo, nous n’avons guère avancé sur ce plan. La tentation est grande de voir dans la politique européenne de sécurité et de défense au mieux une intention, au pire une incantation rituelle.

Certes, vingt-trois opérations souvent modestes ont été ou sont actuellement menées par l’Union au titre de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, et celle-ci a démontré sa réactivité dans la crise en Géorgie. Cependant, dans la réalité, ces opérations sont la plupart du temps à dominante civile et de faible ampleur au regard du discours et des ambitions affichées. On est loin de la force de projection de 60 000 hommes annoncée à Helsinki !

Pourtant, les risques et les menaces auxquels nous sommes confrontés collectivement le long de cet arc de crise qui s’étend désormais de la Mauritanie à l’Afghanistan appellent des réponses à l’échelle européenne.

La crise doit aussi encourager les Européens à dépenser mieux et, donc, à mettre davantage leurs moyens en commun. C’est bien sûr indispensable sur le plan financier, mais la défense européenne doit aussi traduire une volonté diplomatique commune.

On le sait, la PESD a été longtemps hypothéquée par la méfiance des Américains, qui nous suspectaient de vouloir fragiliser le lien transatlantique. Avec le retour de la France au sein de l’OTAN et la nouvelle administration américaine, ce débat est désormais derrière nous.

J’ai été de ceux qui ont soutenu la décision du Président de la République parce qu’elle devait permettre au projet européen d’avancer.

Pendant la présidence française, les membres de l’Union se sont engagés à renforcer leurs capacités militaires. Où en est-on ? Quelles initiatives ont été prises pour donner un nouvel élan à cette politique et pour faire en sorte que l’Europe ne soit pas une immense Croix-Rouge ?

Il nous faut progresser sur un juste partage du coût des opérations et sur leur mise en œuvre plus rapide, et nous devons développer une industrie européenne d’armement autonome, puissante et compétitive. C’est une nécessité stratégique et une assurance de crédibilité.

Au-delà de la diplomatie et de la défense, comment redonner un sens politique à une construction européenne qui en a fortement besoin pour prospérer ? Pour être légitime, une communauté doit être porteuse d’un message, d’une histoire, d’un projet que ses membres puissent partager, présenter et offrir au reste du monde.

On le sait, le message de réconciliation ne fait plus recette et l’intégration économique ne suscite guère d’enthousiasme en dépit de ses résultats.

C’est en donnant corps à l’idée qu’elle incarne un modèle de développement juste et durable que l’Union européenne pourra trouver une légitimité nouvelle auprès de ses citoyens.

Les États membres partagent nombre de valeurs et de principes économiques et sociaux qui les distinguent des autres pays ou régions du monde, notamment des États-Unis, de la Chine et des autres pays émergents.

L’Union doit démontrer sans cesse qu’elle met en œuvre des décisions et des politiques conformes à ces valeurs, qu’il s’agisse de la définition de principes de régulation d’un monde globalisé où la multipolarité agressive et anarchique semble se profiler, des négociations qu’elle conduit dans le cadre de l’OMC, des politiques d’ajustement mises en œuvre pour prendre en charge les effets négatifs de la crise financière, des politiques d’aide au développement qui font, d’ores et déjà, l’objet d’importants financements communs, ou encore des politiques environnementales sur lesquelles, nous le voyons aujourd’hui à Copenhague, l’Europe est pionnière, résolue et unie.

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