Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à travers le titre IV, nous abordons un thème majeur de ce projet de loi, à savoir la pénibilité du parcours professionnel.
Cette question pouvait faire l’objet de deux approches différentes, et celle qu’a retenue le Gouvernement ne satisfait ni les organisations syndicales ni les Français.
Pour l’essentiel, celui-ci reprend les conclusions du rapport de Jean-Frédéric Poisson, en les enrobant d’un halo de compassion et de bienveillance verbale. Pour autant, force est de constater qu’il n’a pas véritablement pris la mesure de l’enjeu.
Cette question de la pénibilité est au cœur de la conception que nous nous faisons de l’égalité républicaine. Le fronton de notre grande maison républicaine est frappé en lettres d’or du mot « égalité ». Or ce principe est parfois malmené, et l’on en a encore concrètement la preuve aujourd’hui.
Au-delà de nos frontières, l’espérance de vie de ces mineurs chiliens dont on a abondamment parlé ces derniers temps et qui viennent enfin de regagner la surface restera inférieure de près de dix ans à celle de nombre de leurs concitoyens, malgré cette action de solidarité.
En France, l’INSEE a clairement démontré que l’espérance de vie des travailleurs manuels est inférieure d’au moins sept années à celle des cadres. On pourrait citer bien d’autres exemples attestant les inégalités en la matière entre les différentes catégories socioprofessionnelles. C’est pourquoi il est très important de bien prendre en compte ces données, ce à quoi ne s’attache aucunement ce projet de loi.
S’agissant de ces questions de handicap et de pénibilité professionnels, je voudrais attirer votre attention sur un cas particulier, celui des troubles musculo-squelettiques, les TMS, véritable mal breton.
Les TMS se concentrent majoritairement dans les secteurs agricole et agroalimentaire, qui emploient, en Bretagne, 68 000 salariés. Or, dans notre région, les TMS représentent 90 % des maladies professionnelles. Les 3 300 cas qui y sont déclarés chaque année représentent 10 % du total national.
Ce problème touche de la même manière les salariés des entreprises agricoles relevant de la Mutualité sociale agricole : plus de 40 % des TMS sont développés dans le secteur agroalimentaire, alors que celui-ci représente entre 15 % et 20 % de l’emploi salarié.
En 2007, pour 10 millions d’heures travaillées, les salariés des abattoirs totalisaient un taux de fréquence treize fois supérieur à la moyenne des TMS habituellement observés, ce qui illustre encore un peu plus les inégalités et les problèmes de santé majeurs rencontrés avec un certain nombre de tâches répétitives.
Cet exemple est particulièrement édifiant. Or la question de la santé au travail et celle de l’espérance de vie sont insuffisamment prises en considération. Selon le rapport Poisson et d’autres rapports sur lesquels s’est appuyé le Gouvernement, tout indique que l’égalisation de l’espérance de vie en pleine santé ne peut faire l’objet d’aucune garantie de quelque sorte que ce soit.
L’approche qu’a retenue le Gouvernement ne nous convient pas. Nous ne trouvons pas notre compte dans la façon inquiétante dont il a essayé de « saucissonner » cette question de la santé au travail et de la maladie dans différents articles du projet de loi. Nous souhaitons donc vivement que ces problèmes fassent l’objet d’une approche guidée par des principes humanistes.