La séance est ouverte à quinze heures quinze.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports n° 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre IV.
TITRE IV
PÉNIBILITÉ DU PARCOURS PROFESSIONNEL
Chapitre Ier
Prévention de la pénibilité
[Division et intitulé nouveaux]
Mes chers collègues, je vous rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
I. – Le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4624-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624 -2. – Un dossier médical en santé au travail, constitué par le médecin du travail, retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment celles formulées en application de l’article L. 4624-1. Ce dossier ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce dossier peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par les articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du code de la santé publique, peut demander la communication de ce dossier. »
II. – Après l’article L. 4121-3 du même code, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4121 -3 -1. – Pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques prévue à l’article L. 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
« Une copie de cette fiche est remise au travailleur à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie. »
Monsieur le ministre, lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, vous avez orchestré, avec le Gouvernement, un véritable coup de force, en déposant l’amendement surprise n° 730 rectifié, qui visait à porter un mauvais coup à la médecine du travail. On nous avait effectivement annoncé une réforme du secteur, mais vous avez scandaleusement introduit ce sujet en catimini au cours de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale.
Depuis lors, on a assisté à une véritable levée de boucliers, et ce à juste titre. On vous a même taxé de commettre un hold-up sur la santé au travail : voyez si les conséquences sont outrageusement graves ! Dans un texte aussi controversé que celui qui porte réforme des retraites, pensiez-vous que votre manœuvre passerait inaperçue ? Si vous n’écoutez pas le peuple, celui-ci et ses élus vous écoutent.
Le professeur Desoille, fondateur de la chaire de médecine du travail, annonçait déjà, en 1949, dans sa leçon inaugurale, que certains redouteraient qu’un médecin à l’œil trop critique ne circule dans l’entreprise, ne relève les fautes d’hygiène et n’en avertisse les intéressés.
Vous souhaitez que les médecins du travail, placés sous l’autorité d’un chef de service de santé au travail, soient les médecins de l’entreprise, asservis à elle, et non pas ceux des salariés en souffrance. Sous prétexte d’une adaptation du rôle des services de santé au travail au volet « pénibilité » de cette réforme, vous abandonnez en fait au patronat le système de santé au travail. C’est tout à fait inadmissible !
Dans une interview au quotidien Le Monde datée du 19 septembre dernier, le Dr Salengro, médecin du travail, rappelait déjà que « la tentative du MEDEF sur les députés UMP et sur Éric Woerth, le ministre du travail, a réussi, puisqu’ils présentent textuellement la demande du MEDEF qui avait été présentée voilà deux ans aux organisations syndicales et que toutes avaient refusée à l’unanimité. »
Créée en 1946, la médecine du travail est exclusivement préventive : elle a pour objet d’éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail.
Le médecin du travail est lié à l’employeur ou au président du service de santé au travail interentreprises par un contrat de travail qui en fait un salarié, mais au statut particulier. Il ne doit agir, dans le cadre de l’entreprise, que dans l’intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des travailleurs, son rôle principal restant l’amélioration des conditions de travail, ce qui ne peut être garanti que par la préservation de l’indépendance du médecin au regard des objectifs de ses missions.
Au contraire, le texte vise à instituer un transfert de pouvoir et de mission du médecin du travail vers l’employeur via le directeur du service de santé au travail. De nouveaux professionnels de la santé au travail – infirmiers et intervenants en prévention des risques professionnels – sont mis en place sans protection légale ni indépendance statutaire. Le statut des médecins du travail est remis en cause, puisqu’ils deviennent dépendants de l’employeur par le biais du directeur du service de santé au travail.
Si l’on ajoute à ce dispositif l’absence complète de propositions pour remédier à la pénurie croissante de médecins du travail – la majorité des 6 000 praticiens ont actuellement plus de 55 ans et l’on ne forme plus que très peu d’étudiants –, on voit bien que nous assistons à une démédicalisation programmée de la santé au travail.
Si ces dispositions sont votées, comment le rôle spécifique des médecins du travail pourra-t-il être assumé ? Ces professionnels seront écartelés entre un rôle spécifique, pour lequel ils ne disposeront d’aucun moyen, et les injonctions de leurs employeurs à agir dans le cadre contractualisé des missions du service de santé au travail, lesquelles concernent plus la gestion des risques et de leurs effets que la façon de les éviter.
À une époque où les collectifs de travail se morcellent, où la grande majorité des entreprises ne dispose pas d’un comité d’hygiène et de sécurité ni même d’un délégué du personnel, le médecin doit rester un acteur indépendant, pour assurer non seulement sa mission de préservation de la santé de l’individu au travail, mais aussi son rôle de veille et d’alerte sanitaire devant les risques persistants ou émergents.
En somme, que devient le droit à la protection de la santé garanti par la Constitution ? L’Ordre des médecins proteste ; les syndicats protestent ; les associations et différents collectifs protestent. Écoutez-les, monsieur le ministre !
Ils protestent tout simplement contre un texte qui ne répond pas aux attentes des salariés ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique.
L’avenir de l’une des composantes essentielles de la protection de la santé au travail exige qu’un débat spécifique et une véritable concertation avec les professionnels concernés soient engagés sans délai.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de ne pas adopter cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jacky Le Menn applaudit également.
Mise en place en 1946, la médecine du travail a marqué l’aboutissement de la prise en compte des maladies professionnelles en tant que telles. Il s’agit d’une médecine exclusivement préventive qui a pour objet d’éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail, notamment en surveillant leur état de santé, les conditions d’hygiène au travail et les risques de contagion.
Les auditions auxquelles a procédé la mission d’information sur le mal-être au travail ont montré que les médecins du travail s’interrogent sur l’avenir de leur profession, laquelle a évolué, sous l’effet notamment de l’émergence de nouveaux risques professionnels : aux problèmes classiques liés au bruit, à la poussière ou au port de charges lourdes s’ajoutent aujourd’hui les problèmes d’épuisement ou de détresse psychologique.
Lors de son audition par la mission d’information, Éric Woerth avait présenté les grandes orientations de la réforme en préparation de la médecine du travail. La mission avait alors pris acte de la volonté du ministre, tout en faisant observer que la réforme de la médecine du travail avait déjà été annoncée, puis reportée. Au mois de janvier dernier, son prédécesseur, Xavier Darcos, avait en effet affirmé qu’un texte serait examiné par le Parlement avant l’été.
La mission a constaté que le contenu de la réforme des retraites a été dévoilé au mois de juin, mais qu’il ne s’est accompagné d’aucune annonce concernant la médecine du travail. La mission a également rappelé que les partenaires sociaux, qui avaient négocié, de janvier à septembre 2009, sur la réforme de la médecine du travail, avaient échoué à trouver un accord.
Le Gouvernement s’était engagé à proposer une grande réforme des services de santé au travail, nécessaire de l’avis de tous, pour renforcer la médecine du travail. Pourtant, le 15 septembre dernier, il a préféré, avec un mépris total de la démocratie et une absence incompréhensible de concertation avec les organisations syndicales, faire passer en catimini et en force un projet du MEDEF, refusé en 2009 à l’unanimité par les syndicats de salariés, qui assure la mainmise de l’employeur sur la médecine du travail.
C’est au détour d’un amendement sans rapport avec la réforme des retraites, déposé à la dernière minute sur un projet de loi lui-même examiné après engagement de la procédure accélérée, que le Gouvernement a mis à bas l’indépendance de la médecine du travail, principe essentiel garantissant l’effectivité de la protection de la santé de plus de 15 millions de salariés.
Les services de santé au travail, les SST, seront désormais placés sous l’autorité de l’employeur. L’organisation de la médecine du travail et les missions de prévention seront confiées non plus directement aux médecins du travail, mais aux directeurs des organismes de santé au travail, qui ne seront ni élus ni choisis par les organisations syndicales ou, directement, par les salariés, mais désignés arbitrairement par l’employeur.
Alors que nous assistons à la montée des troubles musculo-squelettiques et à l’explosion des risques psychosociaux, alors que les travaux de nombreux groupes politiques arrivent aux mêmes conclusions que ceux des socialistes sur le nécessaire renforcement du rôle de la médecine du travail, le Gouvernement et la majorité préfèrent sacrifier la santé et le bien-être au travail de nombreux salariés.
À l’issue du vote du 15 septembre dernier à l’Assemblée nationale, l’Ordre des médecins a, quant à lui, marqué son opposition au texte, estimant qu’il ne répondait ni « aux attentes des salariés, qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé », ni « aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique ».
L’article 25 du projet de loi tend à instaurer un carnet de santé au travail, qui sera constitué par le médecin du travail. Une telle possibilité ne sera toutefois opérationnelle qu’en cas de nombre suffisant de médecins du travail et d’une information suffisante de ceux-ci sur les entreprises. Ce carnet ne sera éventuellement communiqué qu'à un autre médecin du travail.
Il prévoit aussi la mise en place d’une « fiche d'exposition » à des contraintes physiques, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail « susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé ». Cette fiche sera établie par l'employeur puis communiquée au SST, et non au médecin du travail, qui en a été explicitement écarté.
Il est prévu que ladite fiche complète le carnet de santé de chaque travailleur, ce qui impliquerait des visites périodiques pour tous les travailleurs.
Ce dispositif ne fait que copier l'existant en matière de risques chimiques ou d'exposition à l'amiante. Comme aujourd'hui, on peut craindre qu’une fiche rédigée par l'employeur ne reflète pas la totalité des facteurs de pénibilité auxquels le travailleur aura été exposé. Elle ne fait l'objet d'aucune confidentialité, ce qui implique qu'elle pourrait être communiquée à des tiers, voire à d’éventuels futurs employeurs, puisque rien ne l’interdit explicitement.
Qu'il s'agisse du carnet de santé ou de la fiche d'exposition, il serait utile de savoir comment seront renseignés ces documents concernant les travailleurs précaires, intérimaires...
Enfin, on peut se demander quelle sera l'utilité de ces documents puisque c'est l'état d'invalidité du salarié qui sera pris en compte en fin de carrière, et non l'exposition aux facteurs de pénibilité.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention sera exclusivement consacrée à l’article 25.
Nous abordons avec celui-ci un volet important du projet de loi mais aussi l’un des plus controversés. En effet, ce titre IV relatif à la pénibilité du parcours professionnel, que le Gouvernement se plaît à présenter comme une grande avancée, était déjà contesté tant le dispositif prévu est restrictif. Il l’est encore plus depuis qu’a été introduite par amendement à l’Assemblée nationale une réforme de la médecine du travail.
Le point essentiel sur lequel on bute lorsque l'on aborde la question de la pénibilité, c'est l'absence de définition juridique, légale ou jurisprudentielle de celle-ci. Cette carence permet au Gouvernement et au patronat de justifier la mise en place d'une reconnaissance individuelle, et non collective, de la pénibilité.
A contrario, nous estimons qu'il est possible de définir des facteurs de pénibilité. Pour ce faire, on dispose notamment de la définition à laquelle les partenaires sociaux sont parvenus lors de leurs discussions : « la pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d'activité professionnelle qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d'influer sur l'espérance de vie ». Cette définition me semble excellente.
Le groupe socialiste avait déposé plusieurs amendements pour la reprendre et lui donner une portée légale. Mais l'examen de ces amendements, comme tous ceux portant article additionnel, a malheureusement été repoussé à la fin du texte : cela ne facilitera pas la cohérence de nos débats !
L'article 25 tend quant à lui améliorer la traçabilité individuelle de l'exposition des travailleurs aux facteurs de risques professionnels, en s'appuyant sur deux documents : le dossier médical de santé au travail – ou DMST –, tenu par le médecin du travail, et la fiche d'exposition aux risques, établie par l'employeur.
Bien entendu, nous adhérons pleinement à l'objectif de l’article même si l'on peut se demander quelle sera l'utilité de tels documents, puisque c'est l'état d'invalidité du salarié qui sera pris en compte en fin de carrière, et non l'exposition aux facteurs de pénibilité.
On peut également douter de la portée et de l'efficacité réelles du dispositif prévu. En effet, le DMST ne sera véritablement opérationnel que si les médecins du travail sont en nombre suffisant et disposent des informations nécessaires sur les entreprises dans lesquelles travaillent les salariés qu’ils sont chargés de suivre. Dès 2009, la Haute Autorité de santé regrettait que les DMST soient remplis de « manière hétérogène » d’un médecin à l’autre. On ne peut pas mieux dire ! Vu la pénurie de médecins et de moyens, je ne sais pas si l'on peut s'attendre à une réelle amélioration en la matière.
En ce qui concerne la fiche d'exposition, le dispositif prévu ne fait que répéter ce qui se fait déjà en matière de risques chimiques ou d'exposition à l'amiante. Comme aujourd'hui, on peut craindre que cette fiche rédigée par l'employeur ne reflète pas la totalité des facteurs de pénibilité auxquels le travailleur aura été exposé.
Par ailleurs, elle ne fait l'objet d'aucune confidentialité, ce qui implique qu'elle pourrait être communiquée à des tiers, voire à d’éventuels futurs employeurs, puisque rien ne l’interdit explicitement. C'est une situation qui pourrait porter tort au salarié, qui se verrait refuser d'autres emplois au motif qu'il a déjà été exposé à certains risques et pourrait tomber malade. Ce qui était vrai avec l’amiante pourrait le devenir pour les risques concernant, entre autres, l’exposition aux radiations nucléaires.
Ainsi reste-t-il beaucoup de questions en suspens, monsieur le ministre. Les amendements que nous avons déposés permettront certainement de mettre en lumière la volonté du Gouvernement quant à celles-ci.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Le Gouvernement a décidé d'inclure dans cette réforme des retraites, par de simples amendements, une modification profonde des orientations de la médecine du travail.
La procédure est inacceptable et représente une manœuvre pour éviter un débat de fond sur la médecine du travail, sur le bilan des échecs que nous avons connus et sur les réformes nécessaires pour améliorer l'efficacité de la protection de la santé des salariés.
Un tel enjeu mériterait un véritable débat démocratique et un projet de loi dont on explicite au grand jour les tenants et les aboutissants. En l'occurrence, c’est au désir de céder en urgence et le plus discrètement possible au lobbying du patronat que nous devons ce déni de démocratie.
Le cœur du problème de la médecine du travail est la dépendance du médecin du travail à l’égard de l'employeur, qui limite considérablement son rôle de protection de la santé des salariés.
Le système a montré ses limites, voire sa faillite, avec le scandale de l’amiante. On se doutait de sa toxicité au tout début du XXe siècle ; on en était sûr dès le milieu du siècle ; elle était expertisée en 1972 et l'on pouvait alors prévoir les milliers de morts à venir. Pourtant, l'amiante n’a été interdit qu’en 1997. Un siècle pour décider de protéger les salariés et la société ! Il y a eu faillite de tout principe de précaution, mais aussi de la protection de la santé des travailleurs devant un danger certain.
La seule façon efficace d’éviter que cela ne se reproduise est de renforcer l'indépendance du médecin du travail, dont la mission est de dépister les maladies mais aussi de prévenir les risques professionnels et de proposer, sans possibilité de censure, les mesures de protection de la santé des travailleurs.
La tendance gouvernementale ne va pas dans ce sens. Aujourd'hui domine le stress au travail et la déshumanisation organisée dans le but de faire « craquer » les salariés pour diminuer les effectifs par les démissions, qui coûtent moins cher que les licenciements. On aboutit ainsi à la montée des dépressions et des suicides au travail.
Rappelons que le médecin du travail doit statutairement consacrer un tiers de son temps à l’étude des conditions de travail, directement sur le terrain, et proposer des mesures de protection des salariés. Cette mission et ce temps sont bien sûr à préserver voire à rendre effectifs, et les mesures proposées ne devraient pas dépendre du bon vouloir du chef d'entreprise.
Pour cela, il faut que le médecin du travail ait un statut protégé, indépendant de l'employeur, et qu'il présente obligatoirement et en toute indépendance ses propositions devant une structure comprenant des représentants des salariés. Or, l'article 25 et ceux qui suivent vont à l'encontre de ces mesures de bon sens.
Il est à noter que, de son côté, le conseil de l'Ordre des médecins a réagi à ce texte en demandant au législateur de garantir l'indépendance du médecin du travail. Il souhaite en outre que ce dernier soit désigné comme le coordinateur de l'équipe pluridisciplinaire. Il demande enfin que le secret médical soit renforcé à l’égard de l'employeur, que l'accès au dossier médical informatisé du salarié ne puisse se faire qu'avec l'autorisation de celui-ci et que le médecin du travail puisse communiquer au médecin traitant les informations sur les risques professionnels.
Au final, ces articles n'ont pas de rapport direct avec l'objet de la loi mais ils prévoient un renforcement du pouvoir des chefs d'entreprise, un renforcement de l'autorité des employeurs sur les actions de santé au travail, et une diminution de l'indépendance et du rôle du médecin du travail.
Avec le titre IV, l’un des plus importants du projet de loi puisqu’il est relatif à la pénibilité du parcours professionnel, la commission des affaires sociales a en quelque sorte réécrit le texte voté par l’Assemblée nationale et l’a fortement enrichi grâce aux apports de la mission d’information sur le mal-être au travail et des sénateurs spécialistes du sujet. Je pense bien sûr à Annie David, mais aussi à Jean-Pierre Godefroy et à d’autres, …
… comme effectivement Gérard Dériot, qui joue un rôle important et incontournable depuis plusieurs années. Il y a donc un noyau dur de parlementaires qui se penchent sur ces questions.
Comme nous allons l’expliquer, nous reprochons au Gouvernement d’avoir saisi l’occasion de ce texte sur notre système de retraites pour présenter une réforme de la médecine du travail. Je crois pourtant que nous pourrions tous nous accorder à dire que la médecine du travail et la pénibilité du parcours professionnel auraient mérité de faire l’objet d’un texte à part, qui aurait pu être débattu dans un tout autre contexte…
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. Guy Fischer. Certainement, mais aujourd'hui, monsieur About, on voit bien que l’urgence, c’est de rompre l’indépendance de la médecine du travail ! Il est là, le problème !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Guy Fischer. Cette remise en cause constitue un véritable coup de force contre les médecins du travail et les travailleurs !
Protestations sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
L’Ordre des médecins s’oppose au projet de loi, et tous ses membres ne sont pas des « gauchistes » !
Le MEDEF est donc en train d’atteindre l’un de ses objectifs : faire passer sous son aile la médecine du travail, la contrôler et par conséquent réduire ce que les travailleurs, notamment les salariés, sont en droit d’en attendre.
En fait, l’article 25 prévoit la mise en place, d’une part, d’un dossier médical en santé au travail – encore faut-il que quelqu’un puisse en assurer le suivi – et, d’autre part, d’une fiche individuelle d’exposition aux risques. Ces deux documents mériteraient d’être gérés par des médecins totalement indépendants. Or on assiste finalement à un coup de force du patronat contre la médecine du travail.
Au titre IV, grâce à l’expérience, grâce aux travaux de la mission d’information sur le mal-être au travail, on aurait pu traiter le dossier de la pénibilité d’une manière tout à fait objective. Pourtant, on assiste aujourd’hui à un coup de force du MEDEF qui, secondé par la majorité sénatoriale, a totalement réécrit le texte du projet de loi.
Même si nous ne pouvons pas nier que des aspects très intéressants ont été apportés à celui-ci, nous considérons que le fond du problème réside dans la volonté du patronat de mettre un terme à l’indépendance de la médecine du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.
En dévoyant l'utilisation du dossier médical qui retrace de manière individuelle l'exposition des travailleurs aux facteurs de risques professionnels, qui était jusqu'à présent défini dans la partie réglementaire du code du travail, l’article 25 consacre l'individualisation de la pénibilité.
Au-delà du fait que ce dossier fonctionne mal, selon la Haute Autorité de santé, c’est l’approche que vous avez de la pénibilité qui est ici condamnable, car injuste.
En effet, messieurs les ministres, alors que deux approches de la pénibilité se sont affrontées durant les négociations avec les partenaires sociaux, négociations qui n’ont par ailleurs pas abouti, vous avez repris à votre compte la position portée par le patronat, comme vous l’avez également fait pour la médecine du travail, mais j’y reviendrai.
Ainsi, vous avez opté pour un modèle de réparation individualisée reposant sur un avis médical rendu par une commission ad hoc, contre celui qui était défendu par les organisations syndicales, le modèle de réparation collective et la prise en compte de la pénibilité différée.
Vous vous êtes ainsi vanté de prendre en considération la pénibilité, parlant « d’avancée sociale ». Or, d’une part, la reconnaissance de la pénibilité au travers des taux d’incapacité permanente va tuer dans l’œuf les mécanismes collectifs qui étaient en train de se développer au sein des entreprises et remettre en cause les tableaux de maladies professionnelles ; d’autre part, l’individualisation de la pénibilité constitue une injustice sociale majeure.
Ainsi, en objectivant l’effet de la pénibilité par la reconnaissance d’une incapacité sur la base de preuves, vous en avez considérablement réduit la définition et le champ, de même que vous mélangez ici la pénibilité et l’invalidité !
Il faudra donc que les effets de la pénibilité soient constatables au moment du départ à la retraite, mesurables par un médecin et qu’ils occasionnent un taux d’incapacité. Non seulement vous faites la confusion entre pénibilité et invalidité, mais, surtout, vous omettez manifestement de considérer la pénibilité différée et les disparités de santé sociale.
Vous le savez pourtant, à 35 ans, l’espérance de vie d’un ouvrier est de six ans inférieure à celle d’un cadre, et son espérance de vie sans incapacité est plus courte de dix ans.
Votre projet, messieurs les ministres, est donc injuste, car il fait totalement l’impasse sur l’atteinte à l’espérance de vie en bonne santé du fait des expositions professionnelles passées.
Il est injuste, encore, car il ne prend pas en compte les effets de la pénibilité constatés bien après la mise à la retraite du salarié.
S’agissant de ce dernier point, les dernières négociations interprofessionnelles avaient fixé trois facteurs de pénibilité : les contraintes physiques marquées – port de charges lourdes, postures pénibles, etc. –, pour lesquelles les effets de la pénibilité peuvent être constatés au moment du départ à la retraite ; l’environnement agressif et les rythmes de travail, pour lesquels, en revanche, les stigmates physiologiques et psychologiques, tels que les cancers, ne se manifestent souvent que quelques années après.
Nous vous avons déjà parlé du drame de l’amiante, messieurs les ministres, alors ne laissez pas survenir le drame des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques !
Votre projet est injuste, enfin, car, en individualisant la pénibilité, vous excluez deux paramètres très importants de l’environnement du travail, qui, pourtant, contribuent grandement à la pénibilité des conditions de travail : l’organisation du travail et le mode de management des salariés.
D’ailleurs, avec mes collègues membres de la mission d’information sur le mal-être au travail, nous avons pu mesurer combien l’organisation du travail pouvait avoir des effets sur l’état de santé physique et psychologique des travailleurs.
Je le dis donc tranquillement : nier l’enjeu collectif de la pénibilité, c’est aussi nier la responsabilité de l’organisation de travail, c’est donc exonérer de toute responsabilité le patronat !
Afin de garantir à toute personne le droit à prendre une retraite en bonne santé, la question de la pénibilité doit être traitée de manière collective, via les branches et les métiers.
Monsieur le ministre, je vous renvoie à la lecture de John Rawls, célèbre philosophe démocrate américain, dont les travaux sur l’équité pourraient fort bien légitimer une différence de traitement des individus face à la retraite en avantageant les travailleurs dont le travail est reconnu pénible.
Mme Éliane Assassi. En tout état de cause, la retraite anticipée doit bénéficier non pas uniquement aux malades, mais bien à toutes les personnes démontrant la réalité de leur exposition à des conditions de travail difficiles.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
« Nous avons choisi de renvoyer cette question aux partenaires sociaux non parce que nous refusons de l’aborder, mais parce que nous estimons qu’ils sont les mieux placés pour la traiter.
« D’abord, pas un seul pays européen n’a légiféré sur la notion de pénibilité. Aucun pays ayant engagé une réforme globale de son système de retraite n’a traité la pénibilité par la loi, et ce pour une raison simple : si nous ouvrons maintenant ce débat, ici au Sénat, et que nous passons en revue l’ensemble des métiers, nous conclurons qu’ils sont tous pénibles, mesdames, messieurs les sénateurs.
« Ensuite, si nous figeons dans la loi la définition de la pénibilité, cela signifie que nous nous interdisons de prendre en compte l’évolution des technologies et des métiers et que nous mettons en place un système incapable de s’adapter en permanence, avec le risque de constater bien vite ce que nous déplorons aujourd’hui, c’est-à-dire que des métiers qui étaient considérés comme pénibles au début du siècle dernier le sont toujours, alors que les conditions ont changé.
« Il est une dernière raison à laquelle vous devriez être sensible […], c’est que définir la pénibilité dans la loi et faire financer le coût de cette pénibilité par l’ensemble des cotisants aux régimes de retraite, c’est-à-dire par la solidarité nationale, c’est pérenniser la situation des métiers pénibles. Alors que, dans le régime que nous proposons, et qui a, je dois le dire, reçu l’accord de l’ensemble des organisations syndicales, les entreprises qui ont des postes de travail pénibles seraient poussées à réduire la pénibilité de ces postes-là, au risque, sinon, d’être, d’une certaine manière, pénalisées.
« Une négociation dans la branche où un système de mutualisation du coût de cette pénibilité sera mis en place est, de notre point de vue, le système le plus intelligent, le plus souple, le plus réactif et celui qui permet de peser sur les entreprises pour que, progressivement, elles aient intérêt à réduire le nombre des emplois pénibles. »
Ce discours, mes chers collègues, a-t-il pris un coup de vieux ? C’est en tout cas la question que l’on peut se poser à le réentendre, et il importe de se demander quelles sont aujourd’hui les intentions réelles du Gouvernement.
Ce discours date de juillet 2003 et fut prononcé lors du débat sur la réforme des retraites par le ministre chargé de soutenir le projet, c’est-à-dire François Fillon. Il nous permet de mettre en perspective les données du débat qui va nous occuper, le temps de quelques articles, sur cette question de la pénibilité du travail.
En fait, la vérité oblige à dire que ce n’est pas sur la pénibilité que nous allons légiférer, pas plus qu’en 2003. Non, les articles que nous abordons désormais ont trois objets : en premier lieu, individualiser la pénibilité au point de la réduire à la seule incapacité à travailler, c’est-à-dire l’invalidité reconnue ; en second lieu, mettre en question le rôle des instances représentatives des personnels en matière d’hygiène et de sécurité ; en troisième lieu, mettre en œuvre une réforme de la médecine du travail dont il ne semble pas qu’elle ait toute sa place dans ce texte, sauf à penser que, tout simplement, le Gouvernement entend clairement l’instrumentaliser et la placer sous la coupe du patronat pour qu’elle devienne l’outil producteur de la justification scientifique ou présumée telle de la logique même de la réforme. Ce serait une sorte de détournement de sens pour la médecine du travail, qui deviendrait alors la gardienne fidèle et attentive de l’exploitation du travail.
C’est pour l’ensemble de ces motifs que, décemment, nous ne pouvons accepter les termes de cet article 25.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à travers le titre IV, nous abordons un thème majeur de ce projet de loi, à savoir la pénibilité du parcours professionnel.
Cette question pouvait faire l’objet de deux approches différentes, et celle qu’a retenue le Gouvernement ne satisfait ni les organisations syndicales ni les Français.
Pour l’essentiel, celui-ci reprend les conclusions du rapport de Jean-Frédéric Poisson, en les enrobant d’un halo de compassion et de bienveillance verbale. Pour autant, force est de constater qu’il n’a pas véritablement pris la mesure de l’enjeu.
Cette question de la pénibilité est au cœur de la conception que nous nous faisons de l’égalité républicaine. Le fronton de notre grande maison républicaine est frappé en lettres d’or du mot « égalité ». Or ce principe est parfois malmené, et l’on en a encore concrètement la preuve aujourd’hui.
Au-delà de nos frontières, l’espérance de vie de ces mineurs chiliens dont on a abondamment parlé ces derniers temps et qui viennent enfin de regagner la surface restera inférieure de près de dix ans à celle de nombre de leurs concitoyens, malgré cette action de solidarité.
En France, l’INSEE a clairement démontré que l’espérance de vie des travailleurs manuels est inférieure d’au moins sept années à celle des cadres. On pourrait citer bien d’autres exemples attestant les inégalités en la matière entre les différentes catégories socioprofessionnelles. C’est pourquoi il est très important de bien prendre en compte ces données, ce à quoi ne s’attache aucunement ce projet de loi.
S’agissant de ces questions de handicap et de pénibilité professionnels, je voudrais attirer votre attention sur un cas particulier, celui des troubles musculo-squelettiques, les TMS, véritable mal breton.
Les TMS se concentrent majoritairement dans les secteurs agricole et agroalimentaire, qui emploient, en Bretagne, 68 000 salariés. Or, dans notre région, les TMS représentent 90 % des maladies professionnelles. Les 3 300 cas qui y sont déclarés chaque année représentent 10 % du total national.
Ce problème touche de la même manière les salariés des entreprises agricoles relevant de la Mutualité sociale agricole : plus de 40 % des TMS sont développés dans le secteur agroalimentaire, alors que celui-ci représente entre 15 % et 20 % de l’emploi salarié.
En 2007, pour 10 millions d’heures travaillées, les salariés des abattoirs totalisaient un taux de fréquence treize fois supérieur à la moyenne des TMS habituellement observés, ce qui illustre encore un peu plus les inégalités et les problèmes de santé majeurs rencontrés avec un certain nombre de tâches répétitives.
Cet exemple est particulièrement édifiant. Or la question de la santé au travail et celle de l’espérance de vie sont insuffisamment prises en considération. Selon le rapport Poisson et d’autres rapports sur lesquels s’est appuyé le Gouvernement, tout indique que l’égalisation de l’espérance de vie en pleine santé ne peut faire l’objet d’aucune garantie de quelque sorte que ce soit.
L’approche qu’a retenue le Gouvernement ne nous convient pas. Nous ne trouvons pas notre compte dans la façon inquiétante dont il a essayé de « saucissonner » cette question de la santé au travail et de la maladie dans différents articles du projet de loi. Nous souhaitons donc vivement que ces problèmes fassent l’objet d’une approche guidée par des principes humanistes.
M. François Marc. Ce projet de loi sur les retraites doit être l’occasion de fendre l’armure et d’aller beaucoup plus loin sur ces questions fondamentales que ne nous le propose le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quand la privatisation de la sécurité sociale dissimulée dans une loi sur la cueillette des pommes en Basse-Normandie ?
C’est à peine une boutade. Car c’est au détour du présent projet de loi sur les retraites, et sous prétexte de légiférer sur la pénibilité, que vous faites entrer par la fenêtre votre projet de démantèlement de la médecine du travail. Un projet que tous les partenaires sociaux, à l’exception de votre assistante, Mme Parisot, ont rejeté en bloc.
Vous avez de la suite dans les idées, il faut bien le reconnaître. Et vous ne manquez ni d’astuce ni d’audace pour tenter de nous imposer la liquidation des acquis du Conseil national de la Résistance. Jusqu’où irez-vous ?
Quelques secondes ont suffi à la commission des lois de l’Assemblée nationale pour adopter vos amendements, alors qu’en 2009 des mois de négociation entre les partenaires sociaux n’avaient pas permis d’aboutir à un accord. Bravo ! Voilà une conception de la démocratie qui nous rappelle ce qu’était notre pays… avant la démocratie.
Votre projet de réforme de la médecine du travail vous a valu cette appréciation : « un texte qui consacre la mainmise totale des employeurs sur la santé au travail ». Rien que ça ! De qui émane ce jugement ? Des bolchéviques ? Pire, du Parti de Gauche ? Non, de la CFE-CGC ! Et ce syndicat de cadres de préciser : « Le remplacement de médecins du travail, qui sont des salariés protégés, par d’autres salariés sans protection vis-à-vis des pressions des employeurs, ne peut entraîner notre adhésion ».
Le syndicat national des professionnels de la santé au travail, le SNPST, refuse également une gestion patronale des services de santé au travail, souhaite que l’indépendance de tous les professionnels de santé soit assurée, comme l’égalité de traitement de tous les salariés sur le territoire national.
Vous ne voulez pas entendre ce refus unanime. Nous allons manquer de médecins du travail, les trois quarts d’entre eux ayant aujourd’hui plus de 50 ans. Vous pourriez rendre le métier plus attractif. Au lieu de cela, vous préférez le supprimer.
Nous manquons d’inspecteurs du travail ! Gageons que le MEDEF vous a déjà suggéré de supprimer l’inspection du travail… Il vous reste quelques mois !
C’est la frénésie de la réforme à sens unique : toujours plus de liberté accordée au loup dans la bergerie. Quelle surprise : d’un coup de patte, vous faites tout simplement disparaître le principe d’indépendance des médecins du travail par rapport à l’employeur.
Avec cette réforme, il ne s’agit plus d’« éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail », selon les termes de la loi de 1946, votée à l’unanimité, qui conférait aux médecins du travail la tâche de définir et de mettre en œuvre la prévention médicale des risques professionnels, les employeurs étant contraints d’en fournir les moyens matériels et d’en permettre l’organisation.
Il s’agit de confier aux employeurs eux-mêmes le soin de « diminuer les risques professionnels ». Les leurs, sans aucun doute ! En clair, dorénavant les chefs d’entreprise décideront des risques qu’ils feront courir à leurs salariés, en même temps qu’ils seront chargés de leur prévention. Le rêve du patronat devient réalité.
Ces mêmes employeurs ne seront plus tracassés inutilement par les représentants du personnel : ils nommeront eux-mêmes, à leur convenance, un ou plusieurs salariés chargés de la prévention et du suivi des conditions de travail. Qui peut croire que ces salariés, sans protection, sans moyens, auront l’indépendance nécessaire pour tenir tête à leur employeur ? À la vitesse de la lumière, votre majorité a allégé le code du travail, éjecté les salariés protégés et remisé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, au rayon des antiquités.
Elle a si bien manié le rabot que des milliers de salariés seront dispensés de tout rendez-vous avec le médecin du travail : leur généraliste, qui ignorera tout des conditions de travail de ses patients, fera l’affaire : leur sort sera réglé par décret !
Les autres salariés ne seront plus certains non plus de rencontrer un médecin du travail : un interne, une infirmière feront le boulot !
La spécificité du médecin du travail se dissout ainsi dans la notion bien commode et si moderne d’« équipe pluridisciplinaire » ! Là encore, un décret procédera au bricolage nécessaire lorsque les projecteurs qui éclairent le travail parlementaire seront éteints.
Monsieur le ministre, vous vouliez « articuler » les textes sur la retraite et ceux qui portaient sur la médecine du travail. C’était une fameuse idée ! Soyez persuadé que la lutte contre la pénibilité sera renforcée par la disparition des médecins du travail et par l’attribution de leurs prérogatives aux employeurs !
Chers collègues centristes, si vous voulez bien vous tromper une nouvelle fois de bulletins de vote, c’est le moment !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’article 25 n’aborde que l’aspect préventif de la pénibilité, renvoyant au chapitre II « Compensation de la pénibilité » la discussion des modalités de compensations, qui sont majoritairement décrites comme catastrophiques par les acteurs sociaux.
Si l’on suit votre plan, on trouve, au nombre des moyens de prévention de la pénibilité, des outils nouveaux et des outils rénovés : le dossier médical en santé au travail, le DMST, le document sur l’exposition aux facteurs de risques professionnels, les services de santé au travail, les obligations de conclure des plans d’action ou des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, la création d’un observatoire de la pénibilité.
Ces outils permettront-ils de mieux lutter contre l’altération de la santé des travailleurs et de prendre en compte la pénibilité du travail pour permettre un départ anticipé à la retraite ? Nous ne le pensons pas.
Pourtant, l’introduction dans le projet de loi de la thématique de la pénibilité, qui ne figure aujourd’hui que dans les accords professionnels de branche, aurait pu être une avancée. Malheureusement, il n’en est rien, car pour cela il aurait fallu lui reconnaître de vrais effets, dans un texte autonome. Or tel n’est pas le cas. La pénibilité est simplement le pont qui vous permet, dans la foulée, de remettre en cause la médecine du travail.
Le système que vous nous proposez n’est pas dénué de cohérence interne, mais vous suivez une mauvaise démarche. Votre approche de la prévention et de la compensation de la pénibilité est uniquement fondée sur l’individualisation. Mes collègues ont déjà amplement développé tout le mal que nous pensons de cette dérive.
L’article 25 comporte deux aspects et concerne deux documents distincts. Il vise à mettre en place un suivi professionnel et post-professionnel de chaque travailleur sur la base de deux documents, l’un relevant de l’employeur, l’autre du médecin du travail. De ce point de vue, il apporte, je le reconnais, quelques avancées.
La traçabilité des facteurs de risques professionnels auxquels les travailleurs sont exposés est en effet nécessaire. Dans un rapport sur le bilan de la réforme de la médecine du travail, publié en octobre 2007, l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dressait le constat suivant : « La traçabilité des expositions aux risques et le suivi longitudinal des salariés ne peuvent aujourd’hui être assurés correctement, faute d’outils adaptés. Le développement de tels outils constitue une priorité, dans un contexte marqué par le développement des risques à effets différés, d’une part, et de l’accroissement de la mobilité professionnelle, d’autre part ». Tout ce qui peut améliorer cette traçabilité est une avancée.
Vous donnez une valeur législative au dossier médical, c’est bien. La traduction dans la loi de la jurisprudence prévoyant que le dossier médical en santé au travail est constitué par le médecin du travail dans le respect du secret médical est aussi une avancée.
Malheureusement, nous sommes contraints de faire les constats suivants.
Comme vous le savez, il existe à ce jour de nombreux documents sur ce sujet : les fiches d’exposition à différents risques, l’attestation d’exposition aux agents chimiques, les notices de poste, les fiches d’entreprise, le document unique de prévention des risques et le plan de prévention des risques. Mais l’on constate que ces règles sont en général ignorées. Et lorsque l’on s’y réfère, elles sont souvent mal appliquées. C’est toute la différence qui sépare l’existence et l’effectivité d’une obligation.
Nous pourrions être favorables à la création d’un nouveau document, mais ne faudrait-il pas commencer par mieux appliquer les dispositions existantes, en prononçant des sanctions en cas de violation de ces obligations ?
La fiche d’exposition aux facteurs de risques professionnels est certes nécessaire, mais elle pose problème, car elle ne concerne que les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques. Or, qui décide ? C’est l’employeur ! De plus, la fiche ne s’impose pas à tous les employeurs. Nous proposerons donc des amendements visant à remédier à cette situation.
Au-delà de tout ce que je viens d’évoquer, le véritable problème tient au rôle que vous entendez faire jouer à la pénibilité que vous pensez tracer ainsi. Vous entendez créer un dispositif de compensation de la pénibilité au travail totalement individualisé. Vous ne reconnaissez aucun métier pénible en soi. Vous campez sur cette position qui contredit de très nombreux rapports. C’est cette approche individuelle et médicalisée de la pénibilité, en réalité de l’incapacité permanente partielle, qui est insupportable. Mais nous y reviendrons en temps voulu.
M. Michel Billout. En conclusion, l’article 25 illustre votre logique minimaliste de la pénibilité et votre volonté de remettre en cause l’indépendance de la médecine du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, avec le titre IV nous abordons l’une des parties les plus inacceptables de votre projet de loi.
Les dispositions que vous proposez en matière de pénibilité comportent en effet, je le redis, des aspects profondément humiliants.
En fait, il y a deux conceptions de la pénibilité.
Ou bien l’on considère, comme l’a fait Jean-Pierre Godefroy tout à l’heure, qu’il y a des facteurs objectifs de pénibilité et que ces facteurs, qu’il faut définir, ouvrent des droits.
Ou bien l’on considère, comme vous le faites, et c’est précisément ce qui est humiliant, qu’il revient au travailleur de prouver devant le médecin qu’il est à bout de force, qu’il est atteint dans sa chair, malade, « cassé », pour avoir accès aux mesures qui sont prévues dans votre dispositif.
Cette conception n’est pas la bonne, car elle revient à confondre pénibilité et invalidité. Or, il faut distinguer les droits qui sont liés à l’invalidité de ceux qui devraient être accordés au titre de la pénibilité.
Monsieur le ministre, voilà quelques jours, j’ai évoqué les salariés du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui exercent un travail manuel, parfois très dur, durant toute leur carrière. J’ai cité le cas de salariés qui commencent à travailler à 16 ans, qui achèvent leur parcours professionnel à 60 ans, mais qui devront demain aller jusqu’à 62 ans. Vous m’avez répondu, à juste raison, que ces salariés étaient couverts par le dispositif des carrières longues.
Mais un couvreur, un carreleur ou un maçon qui commence à travailler à dix-huit ans n’est pas couvert par le dispositif des carrières longues. Demandez à leur employeur, à leur famille, à leurs compagnons si, après quarante-deux ans d’activité, ils peuvent vraiment continuer à exercer leur métier !
Un couvreur qui commence à travailler à dix-huit ans atteint 60 ans après quarante-deux ans d’activité. Mais pour atteindre 62 ans, il lui faudra quarante-quatre ans d’activité. Et pour bénéficier des dispositions prévues au titre IV du présent projet de loi, il devra alors démontrer à son médecin qu’il est en état d’invalidité. Tout le monde comprend ce qu’il y a de choquant dans cette situation.
Monsieur le ministre, pourquoi êtes-vous défavorable à ce qu’on définisse la pénibilité sur la base de facteurs objectifs ? Pourquoi tant d’acharnement à vous battre contre les facteurs objectifs de pénibilité ?
Nous aurons, lors de la discussion des prochains articles, l’occasion de revenir sur la médecine du travail qui est gravement mise à mal par les dispositions qui ont été adoptées à l’Assemblée nationale.
L’article 25 dispose que l’employeur consigne dans une fiche les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé. Il dispose également que : « En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie. » Je vois là une grande sollicitude, monsieur le ministre…
Mais enfin – je reprends ce qui a été dit par plusieurs de nos collègues –, pourquoi cette fameuse fiche est-elle établie du seul fait et sous la seule responsabilité de l’employeur ? Toute la logique des CHSCT devrait au contraire conduire – il y a de nombreux précédents – à un dialogue au sein de l’entreprise et à la saisine des partenaires sociaux sur cette question.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre est aujourd’hui de sept ans. Nous ne sommes pas égaux face au vieillissement. Il faut en tirer les conséquences en légiférant sur la pénibilité au travail.
Ce projet de loi est cependant l’occasion, pour le Gouvernement, de montrer par quel biais il aborde la question de la pénibilité au travail qu’inaugure cet article 25. Il faut noter en effet qu’on entame cette discussion par le thème : « Dossier médical en santé au travail ».
Faut-il en conclure qu’un travail pénible handicape, dès lors que la prise en compte de la pénibilité, c’est arrêter de travailler quand, de toute façon, on n’est plus apte à rien ? Faut-il rappeler que la retraite est le droit à la vie et non à la survie ?
Le document contenant les fiches d’exposition lui-même va dans le sens du risque et non de la pénibilité : exposition aux agents chimiques, aux poussières d’amiantes, aux rayons ionisants, aux agents bactériologiques pathogènes.
On voit, dans la rédaction de cet article, la volonté très nette de ne pas reconnaître la compensation d’un vécu pénible, qui disparaît au profit de la réparation d’un dommage. La reconnaissance de la pénibilité est nécessaire même si elle n’est pas aisée.
Dans cet article, elle découle de la traçabilité de carrière des travailleurs en s’appuyant sur le dossier médical en santé au travail du médecin du travail et le document de l’exposition des risques. Mais rien ne laisse préjuger de l’objectivité de l’employeur à partir du moment où le médecin du travail sera sous sa tutelle.
Pendant que nous discutons de la théorie de la pénibilité, d’autres sont en train de la vivre au quotidien. Je pense en particulier aux ouvriers du bâtiment, aux travailleurs à la chaîne, aux ouvriers de l’agroalimentaire, aux agriculteurs, à ceux qui travaillent sur les revêtements routiers, et à tous ceux qui ont des emplois de nuit.
Comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Godefroy, les partenaires sociaux définissent la pénibilité comme résultant de « sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activités professionnelles qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés, et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie ».
Plus l’exposition est forte, plus les risques d’altération de l’état de santé augmentent.
Si le patronat défend un modèle de réparation individualisée, reposant sur l’avis médical, les syndicats, eux, défendent un modèle de réparation collective.
Le patronat juge que le modèle de réparation collective ignore les facteurs personnels entraînant une réduction de l’espérance de vie. Il faut d’ailleurs constater que le texte du Gouvernement va dans le sens du patronat.
Concernant la prise en charge de la pénibilité, le patronat considère qu’il revient à l’État et à la sécurité sociale d’assurer la majorité de son financement. Les syndicats, au contraire, estiment que cet effort doit être consenti par les entreprises, car ce sont elles qui sont les responsables des situations de travail pénible.
C’est cette approche qui permettrait une véritable prise de conscience des entreprises sur la qualité des conditions de travail et sur leurs initiatives pour les améliorer. Il y va de la santé d’une grande partie de nos concitoyens.
La position qui est la nôtre est de bon sens, puisqu’il revient aux entreprises d’indemniser ce dont elles sont responsables.
Le Gouvernement quant à lui peut, s’il le souhaite, suivre le point de vue du patronat et prendre à sa charge les dépenses encourues, mais, étant donné la situation actuelle des finances publiques, je doute qu’il choisisse cette option.
Monsieur le ministre, vous allez sans doute évoquer un poids fiscal de plus en plus lourd sur les entreprises. Mais, vous ne l’avez pas oublié, celles-ci ont déjà eu quelques avantages avec la suppression de la taxe professionnelle.
Si l’on parle en termes strictement budgétaires, la reconnaissance de la pénibilité, c’est de l’argent économisé par la suite pour la sécurité sociale ; ce sont des assurés qui n’iront pas consulter pour des pathologies graves et coûteuses ; ce sont également des gens qui vivront plus longtemps, et qui resteront donc consommateurs.
On peut toujours espérer, monsieur le ministre, que l’argument de la relance budgétaire par la prise en compte de la pénibilité vous séduira.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’avez bien compris, cet article 25 pose problème. Le thème de la pénibilité y est abordé comme une sorte d’os à ronger que l’on donne aux syndicats en espérant les calmer et les amadouer, sans avoir l’ambition de traiter la question au fond.
Peine perdue au regard des manifestations monstres qui se déroulent actuellement dans notre pays. Rarement réforme aura réussi la performance de faire l’unanimité du monde syndical contre elle !
Cependant, plus que la pénibilité, c’est à la médecine du travail que je porterai mon attention.
Véritable loi dans la loi, ce bref article fait un sort très critiquable à la médecine du travail et initie des évolutions qui auraient nécessité une réelle discussion au préalable avec les partenaires sociaux et les parlementaires.
C’est d’autant plus grave que vous avez proposé ces évolutions au détour d’un simple amendement…
Une loi à part est absolument nécessaire pour débattre de cette question dans la sérénité. Je ne comprends pas pourquoi vous vous y êtes refusé.
Ce passage au lance-pierres conduit à empêcher l’émergence d’un consensus sur des questions où, pourtant, il aurait été possible.
Plusieurs rapports faisaient état de la nécessité de renforcer les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Vous n’y faites pas allusion. Pire, vos propositions conduisent non à renforcer la médecine du travail, mais à l’affaiblir encore davantage !
Dans un premier temps, vous la mettez sous l’autorité de l’employeur. L’exemple des banques n’a-t-il donc servi à rien ? Vous croyez toujours au principe de l’autorégulation.
Votre projet est un recul considérable. Comment voulez-vous garantir l’indépendance d’une médecine du travail déjà entravée dans son activité, quand vous la faites dépendre de l’employeur ? Il faut une organisation de contrôle parfaitement indépendante, qui puisse assurer totalement sa mission et garantir la protection des salariés en toute indépendance d’esprit. Moins le contrôle sera fort et plus nombreux seront les abus.
Dans un second temps, pour parer à la pénurie de médecins du travail, pour pallier le fait que vous avez peu investi dans cette catégorie, vous en externalisez les activités auprès des médecins généralistes. Faut-il vous rappeler qu’ils se font rares en zone rurale et en périphérie urbaine ? Quant aux autres, dans la majorité des cas, ils sont surchargés. Évidemment, personne ne souhaite être investi de ces nouvelles attributions.
On perçoit bien la logique de cette décision, qui se situe dans la droite ligne de nombreux autres actes. Vous détricotez progressivement un système de protection des salariés.
Monsieur le ministre, nous sommes d’accord pour dire qu’une réflexion s’impose sur l’action actuelle de la médecine du travail et ses moyens, mais votre manière d’agir, pour le moins cavalière, est détestable. Nous refusons un système qui conduit à une fragilisation progressive des salariés et à une déresponsabilisation des employeurs.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons ce point si important de la pénibilité, je souhaitais vous rappeler quelques réflexions de Noëlle Lasne, qui est médecin du travail :
« Est-ce pénible de travailler quarante ans sur la voie publique en étant soumis aux vibrations d’un marteau-piqueur ? Est-ce pénible de soulever des bornes de 200 kilos ? Est-ce pénible de ramper dans un vide-sanitaire, ou de réparer une carrosserie ? Un enfant de cinq ans saurait répondre à cette question. Il saurait montrer du doigt, sur les pages d’un abécédaire, les métiers difficiles : il reconnaîtrait le maçon, le déménageur, le couvreur, le plombier, l’aide-soignante, le pompier, l’égoutier, la femme de ménage. Il remarquerait que ces corps-là, au travail, ne sont pas assis sur un siège, mais sont accroupis à genoux sur la voie publique, pliés sous un chauffe-eau, perchés en haut d’une échelle, courbés en avant sur un évier.
« Ces gestes du travail qui définissent la pénibilité de certains métiers sont parfaitement décrits par les chercheurs, les ergonomes, les médecins du travail, les médecins-conseils, les ingénieurs en prévention, les médecins généralistes, et figurent dans toutes les publications professionnelles. Même le législateur les connaît, qui les a répertoriés et décrits en détail dans les tableaux de maladies professionnelles.
« Le projet de loi de réforme des retraites ignore ce savoir. Pour juger de la pénibilité d’un métier, il est prévu, en bout de chaîne, de mesurer l’usure professionnelle d’un travailleur. On crée, pour ce faire, une commission d’“usurologues”.
« Peu importent les gestes devenus impossibles, les mouvements limités par la douleur, le manque de souplesse, le vieillissement forcé du corps. Seuls comptent la lésion et son score. L’amputation des gestes reste invisible. L’incapacité permanente partielle ne mesure que les séquelles d’une blessure au travail.
« Peu importent aussi les effets retards, liés à certaines expositions : cancers professionnels liés aux goudrons, benzène, solvants, amiante. Ces expositions qui distinguent radicalement certaines catégories de travailleurs, qui sont à l’origine d’une inégalité repérée devant la santé, le vieillissement, la maladie et la mort, sont ignorées.
« On renverra donc au travail, et le plus souvent au chômage, des personnes usées par les gestes du travail, mais aussi des personnes multi-exposées, dont on sait de façon scientifique et statistique qu’elles développeront des pathologies qui raccourcissent leur espérance de vie. »
Ces oubliés de votre réforme, monsieur le ministre, on les redécouvre dans la rue à l’occasion des manifestations contre la réforme des retraites, avec un écriteau laconique comme celui-ci : « Je vieillis plus vite que mon âge » !
Dans le texte actuel, ce n’est pas la pénibilité du métier qui donne droit à la retraite à 60 ans, c’est l’infirmité du salarié.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, messieurs les ministres, je voudrais d’abord apporter une précision : l’article 25 porte exclusivement sur la pénibilité ; c’est l’article 25 quater qui traite de la médecine du travail.
Ce progrès ne mérite pas les procès d’intention que vous faites. Le groupe UMP estime que, avec ce chapitre, le Gouvernement institue un nouveau droit social ; nous en sommes fiers !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ensuite, sans préjuger de l’avenir, comme l’a dit Nicolas About tout à l’heure, nous devons nous féliciter d’avoir à cette occasion un vrai débat sur la médecine du travail, dont l’objectif exclusif est d’« éviter toute altération de la santé des travailleurs, du fait de leur travail ». Madame Tasca, ce qui importe, lorsqu’ils partent à la retraite, c’est de leur donner un droit à la vie, et non à la survie !
Lorsqu’ils travaillent, l’entreprise leur permet, par le biais de la médecine du travail et d’une politique de prévention, …
Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Chers collègues de l’opposition, veuillez écouter les intervenants qui ne sont pas de votre avis. Les membres de la majorité vous ont écoutés en silence !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je disais qu’ils pourront avoir, par la prise en charge de la pénibilité de leur travail, une meilleure vie à la retraite.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Enfin, au moment où certains, y compris dans la majorité, se sont interrogés sur le fait que le dossier médical personnalisé n’arrivait pas à son terme, nous ne pouvons que nous féliciter que le dossier médical en santé au travail ait ici une valeur législative. Nous estimons que c’est un progrès.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais formuler.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ce sujet de la médecine du travail, sans doute l’un des plus importants que nous ayons eu à aborder à l’occasion de ce débat sur les retraites, mérite que la sérénité regagne nos travées, monsieur le président.
Je ne vous cache pas notre surprise de le voir ainsi surgir au détour de ce texte. En effet, comme tous les experts, et comme les médecins du travail eux-mêmes, nous nous attendions, à la suite des discussions qui se sont engagées depuis deux ans, à ce qu’un grand texte soit préparé sur cette question. Cela explique en partie le malaise qui entoure ce dossier. Toutefois, maintenant qu’il est ouvert, nous devons en parler.
Nous ne pouvons pas limiter la réflexion sur la médecine du travail à une question de dossiers qui touchent les travailleurs dans les entreprises. L’inquiétude globale qui s’exprime est révélatrice de ce que de nombreux experts appellent la grande misère de la médecine du travail. Nous l’avons rappelé : les médecins du travail ne sont pas suffisamment nombreux ; ils forment un corps vieillissant, ce qui nous laisse entrevoir des lendemains extrêmement difficiles ; enfin, leur perception dans la société n’est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être compte tenu de la place qu’ils occupent ou qu’ils devraient occuper dans les entreprises. Ce constat relève sans doute du lieu commun, mais, en dépit de la complexité et de la difficulté de leur tâche, les médecins du travail sont loin de se situer au faîte des professions médicales. Ce ne sont pas les plus privilégiés en termes d’émoluments, ils ne bénéficient pas d’une très grande reconnaissance sociale, sont peu nombreux et travaillent dans des conditions difficiles, alors même qu’ils jouent un rôle déterminant dans l’entreprise.
Leur rôle de suivi des travailleurs, s’il est important, n’est pas exclusif. Ils doivent aussi savoir très précisément comment sont aménagés les lieux de travail et pouvoir détecter dans les process de production ce qui risque de créer des difficultés pour les travailleurs et donc, par ricochet, pour l’entreprise. Ces missions, parfois considérées comme « annexes », sont extrêmement importantes, pour les travailleurs comme pour l’entreprise.
Pour la productivité de leurs sociétés, les chefs d’entreprise ont tout intérêt à avoir un personnel en bonne santé et des conditions de travail optimales. Dans le cas contraire, le retour financier ne sera pas satisfaisant. Chacun dans cet hémicycle qui, à un moment ou à un autre de sa vie, a eu à diriger des entreprises publiques ou privées, ne peut qu’être d’accord avec ce constat.
Or, lorsqu’on discute des process et de l’organisation du travail, on entre dans une sphère de haute conflictualité entre les chefs d’entreprise et les représentants du monde du travail, notamment ceux qui siègent dans les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT. Dans ces conditions, le médecin du travail est le seul qui puisse obtenir un consensus.
Encore faut-il, pour cela, que l’indépendance de ce dernier soit strictement garantie. J’ai rencontré nombre de médecins du travail au cours de ma carrière, j’ai discuté avec certains d’entre eux encore très récemment, et je peux vous affirmer que, plus que de l’argent, ils veulent, bien évidemment, être reconnus socialement, mais, surtout, pouvoir poser des actes de vérité quand ils découvrent une situation préjudiciable aux travailleurs et à l’entreprise.
Pour qu’ils remplissent au mieux cette mission, ils doivent avoir une garantie totale d’indépendance, ce qui est difficile à assurer. Nous avons eu l’occasion d’en parler, monsieur le ministre, devant la commission des affaires sociales : ce texte, comme les autres qui suivront nécessairement – je pense notamment à la promesse d’une grande loi de santé publique –, doit offrir un maximum de garanties. Il y va de l’intérêt de nos concitoyens comme de celui des entreprises et du monde du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cet article 25, premier du titre IV, ouvre deux débats d’importance, l’un fort opportun sur la pénibilité au travail – ce d’autant plus que ce projet de loi contourne et dénature la question pour éviter d’avoir à la traiter –, l’autre sur les services de santé au travail ; apparemment intempestif, ce dernier a été introduit in extremis par voie d’amendement.
Pourquoi avoir ajouté le second au premier ? Parce la pénibilité existe, qu’elle est établie et que vous n’avez plus la possibilité de l’ignorer. Il vous fallait donc, tout en la reconnaissant, trouver le moyen d’en circonvenir les conséquences. Il vous a suffi pour cela de recopier mot à mot le texte rédigé par le MEDEF.
Le projet de loi que vous présentez confirme que ce gouvernement n’a simplement jamais eu, et n’a nullement l’intention de prendre réellement en considération la pénibilité au travail.
Votre peu de considération à l’égard de la réalité du monde du travail est d’ailleurs étrangement similaire à la manière dont vous traitez – ou plutôt maltraitez – le budget de l’État. La question de la pénibilité, comme celle du bouclier fiscal, échappe bizarrement à votre frénésie réformiste. Il faut tout changer, mais surtout pas cela ! Et lorsque la position devient intenable, vous sortez la carte de l’ISF pour l’une et celle de la médecine du travail pour l’autre.
Un simple regard rétrospectif prouve que vous n’avez jamais eu l’intention de prendre en compte la pénibilité dans le recul des bornes d’âge de la retraite, puisque vous n’avez jamais tenu les engagements que vous aviez pris en 2003, sauf à vous cacher derrière l’alibi facile des dissensions entre partenaires sociaux.
Vous n’en aviez tellement pas l’intention que, si les négociations, auxquelles vous avez aisément renvoyé, n’ont en effet pas abouti sur les volets de la compensation et de la réparation, un accord a été trouvé sur la définition des critères de la pénibilité et sur le volet de la prévention.
Or, si ces critères – contraintes physiques ou psychiques, environnement agressif et rythmes contraignants – figureront bien dans le dossier de santé du travailleur, ils ne serviront pas à son examen, qui se limitera simplement à l’appréciation de son état de santé tel qu’il est au moment où il consulte le médecin.
La différence d’espérance de vie à 35 ans entre un cadre et un ouvrier est de 7 ans, et même de 10 ans pour ce qui est de l’espérance de vie sans incapacité. Cette inégalité, qui résulte des conditions de travail, est un fait, une donnée établie et une injustice avérée.
Ce sont celles et ceux qui travaillent dans les conditions les plus dures qui vivent le moins longtemps et dans les moins bonnes conditions. Là encore, nous sommes confrontés à des données établies, incontestables.
Peut-on, dans ces conditions, envisager d’allonger de deux années encore leur durée de travail ? C’est pourtant ce que vous aviez prévu, sans état d’âme, comme si ces personnes-là n’existaient pas pour vous, votre projet initial ne comportant aucune disposition à leur intention.
Vous avez franchi là une limite, celle de l’humiliation. La dignité est partie prenante de tout exercice professionnel. Reconnaître la pénibilité particulière de certaines professions, c’est faire preuve de considération à l’égard de celles et ceux qui la subissent. En leur refusant cette reconnaissance, vous leur déniez votre considération et portez atteinte à leur dignité.
Vous aviez, en revanche, le projet de casser la médecine du travail, les dispositions ajoutées au dernier moment à l’Assemblée nationale étant prêtes de longue date. Le 12 janvier 2009, votre prédécesseur, monsieur le ministre, me répondait ici même que le Gouvernement n’avait nullement ce projet. Et le voici brusquement sur la table ! Certes, « la maîtrise du temps est un impératif absolu dans la conduite de la guerre », et nous avons vu que vous en usiez et abusiez dans la manière dont ont été bousculés nos débats.
II est regrettable que cette politique « ne réponde pas aux attentes des salariés qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé, ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique ». Tel est l’avis on ne peut plus averti – vous ne le contesterez pas – du Conseil national de l’ordre des médecins.
Et ce projet organise en effet incontestablement la démédicalisation de la santé au travail : il détourne en partie des ressources devant permettre aux employeurs de répondre à leur obligation de résultat en matière de prévention, soumet l’action du médecin du travail à la contrainte économique de l’entreprise, en l’isolant dans un service, en diluant sa responsabilité et en subordonnant son indépendance, passant ainsi de la prévention à la gestion des risques, aboutit même à remettre en cause le mode de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles alors qu’elles sont présumées dès lors que la pathologie est inscrite au tableau officiel des maladies professionnelles.
Une pensée me vient à l’esprit : « Ils n’en mourront certes pas tous, mais tous seront frappés… »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
À cet instant du débat, l’un des nôtres nous manque tout particulièrement : j’ai nommé Gérard Larcher.
Sourires.
En effet, lorsqu’il était ministre du travail, il fut à l’initiative de l’un des premiers plans de santé au travail.
Son expérience personnelle aurait permis d’éclairer ces débats et de répondre à l’interrogation que se posent mes amis de la majorité : pourquoi diable dix-sept de nos collègues de l’opposition, sur vingt-quatre présents, se sont-ils inscrits sur cet article 25, si ce n’est pour cacher une évidence, à savoir que cette disposition apporte une réponse au travail collectif qui, depuis plusieurs années, mobilise les syndicats et le patronat sur la réforme et la rénovation de la médecine du travail, laquelle en a effectivement le plus grand besoin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Cet article 25 met en forme, pour l’essentiel, le rapport Dellacherie, adopté à la quasi-unanimité du Conseil économique, social et environnemental.
Nous sommes sur le terrain de l’action, de la responsabilité et de l’engagement, dans un domaine où, jusqu’à présent, vous vous contentez de l’incantation.
En revanche, je voudrais rendre hommage à notre collègue Jacky Le Menn, dont l’intervention était extrêmement mesurée, et qui a restitué la vérité de ce sujet : des médecins du travail en nombre insuffisant, une pyramide des âges vieillissante, un problème pour identifier la finalité de la médecine du travail aujourd’hui.
Je viens d’une région ouvrière, sidérurgique et minière, la Lorraine.
La médecine du travail, qui est aujourd’hui organisée de façon systématique, procédait de l’inexistence, dans les années cinquante, d’une véritable médecine accessible aux ouvriers. Heureusement, la généralisation de la sécurité sociale et les changements de comportement ont permis à nos compatriotes, quel que soit leur statut, d’accéder à la santé.
Aujourd’hui, la médecine du travail s’intéresse aux pathologies issues du travail et joue un rôle de prévention, afin que les pénibilités que nous connaissons puissent progressivement disparaître en adaptant, par une ergonomie étudiée, les conditions de travail aux possibilités de chacun d’entre nous.
Je voudrais, pour terminer, dénoncer votre mépris sur la déontologie des professions libérales. On peut appartenir à une profession libérale, être salarié et respecter une éthique. Les avocats qui sont salariés de compagnies d’assurance ne perdent pas pour autant leur indépendance. Les médecins salariés de services interentreprises – ma mère a été assistante sociale pendant quarante ans dans un tel service – restent d’abord et avant tout des médecins : ils ont fait le serment d’Hippocrate et, même s’ils sont salariés, ils sont avant tout des hommes libres, responsables de leur engagement personnel au service des patients qu’ils ont vocation à soigner. Vous avez tendance à l’oublier, chers collègues de l’opposition.
Nous mettons en forme ce que le Conseil économique, social et environnemental a souhaité, nous sommes sur le terrain de l’action, de la vérité et de l’engagement ! Vous êtes sur le terrain du conservatisme, de l’imprécation et, en définitive, du refus de prendre vos responsabilités !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Nous sommes à un moment important de ce texte –même s’il y en a beaucoup d’autres – car l’approche de la pénibilité est l’une des clefs de lecture qui nous conduit à penser que ce projet de loi est juste.
Il ne s’agit ni d’un texte d’imprécation ni d’un texte d’estrade. Nous avons eu le courage de prendre des décisions.
Quiconque se trouve dans une situation de pénibilité doit pouvoir bénéficier d’une retraite avant les autres. La justice commande que cette situation soit comprise par tous, et que chacun soit traité de manière équitable.
C’est ce que nous faisons dans ce texte, en prévoyant une retraite pour pénibilité fondée sur un critère dont l’opposition conteste la pertinence, à savoir son évaluation. La pénibilité n’existe pas si elle ne laisse pas de trace et, à un moment donné, il faut l’évaluer à travers cette empreinte.
Les lignes ont bougé sur ce sujet, puisque, d’un taux d’incapacité de 20 % prévu dans le projet de loi initial du Gouvernement, nous sommes passés à un taux de 10 %, constaté par un médecin. Non, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, les médecins ne sont pas cette caste absolument épouvantable de la société française que vous vous plaisez parfois à décrire : « Mon Dieu, un médecin ! Surtout pas de médecin ! Cela peut être dangereux pour la santé… »
Sourires
Ne m’interrompez pas ! Nous ne vous avons pas interrompus ! Dès que l’on dit quelque chose, cela déclenche un cœur de protestations… Laissez-nous parler et nous pourrons débattre !
Il est logique que ce soient les médecins qui vérifient le taux d’incapacité. On est donc passé de 20 % à 10 % de taux d’incapacité en considérant que les cas doivent être individualisés car chacun à son propre parcours professionnel. On ne peut pas nécessairement établir la traçabilité, c’est exact. C’est d’ailleurs toute la question de la pénibilité différée. Il y aura donc une commission locale qui précisera les choses et étudiera le cas de la personne.
Le taux de 10 % prend en compte une des maladies du siècle – certains l’ont très bien expliqué –, les troubles musculosquelettiques, qui sont la conséquence des postures pénibles, des vibrations – vous l’avez évoqué tout à l’heure –, de l’ensemble des facteurs d’exposition qui ont été isolés et qui figurent dans les tableaux des maladies professionnelles. Et, s’ils n’y sont pas tous, il est toujours possible de prouver que tel facteur d’exposition a entraîné une incapacité physique. Dans ce cas, l’âge de la retraite n’est pas décalé, il reste fixé à 60 ans.
Dans les années quatre-vingt, quand vous avez instauré la retraite à 60 ans, vous ne preniez pas en compte la pénibilité des métiers. Lionel Stoléru l’avait fait sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1975, en indiquant que, dans un certain nombre de professions ouvrières, on avait la possibilité de prendre sa retraite à 60 ans, c’était une sorte de préretraite.
Lorsque vous avez instauré la retraite à 60 ans, de nombreux Français étaient déjà à la retraite à 60 ans par le biais de préretraites, notamment grâce ce dispositif.
Vous ne vous êtes pas demandé combien de temps travaillait le couvreur. S’il avait commencé à 15 ans, il pouvait cotiser pendant quarante-cinq ans avant d’arriver à l’âge fatidique de 60 ans.
Quand on lit les travaux préparatoires de l’ordonnance de 1982 – ils sont très intéressants – on voit que, finalement, à cette époque la gauche abandonna l’idée de prendre en compte la pénibilité et en resta à l’âge de 60 ans.
Quand on avait commencé à travailler très tôt dans un emploi très pénible, on prenait tout de même sa retraite à 60 ans, et on avait pendant longtemps assumé et subi cette pénibilité.
Les autres pays ne prennent pas en compte la pénibilité de cette façon-là.
L’Italie ne le fait pas, la Pologne a considérablement réduit sa vision des choses. En Allemagne – on aime toujours se comparer à l’Allemagne – il existe, c’est vrai, un dispositif de retraite pour invalidité. Quand vous avez une rente pour invalidité, vous avez la possibilité de prendre votre retraite, mais à 62 ans. Quand vous avez 60 ans, vous ne prenez pas votre retraite pour invalidité ou pour incapacité.
Je le répète, nous avons introduit dans ce texte une avancée sociale, qui est de prendre en compte la pénibilité, de la mesurer, parce que c’est un critère de justice, de le faire à partir de données connues, incontestables et de permettre aux populations exposées à des risques de partir à la retraite plus tôt que les autres.
Peut-on aller plus loin ?
C’est la vraie question ! Évidemment, vous répondez « oui » !
Peut-on aller plus loin, disais-je, et prendre en compte la pénibilité différée ?
Dans le programme du parti socialiste, il est indiqué qu’il y aura des bonifications par année d’exposition et qu’y seront consacrés 5 milliards d’euros, sans dire d’où ils proviendront.
Nous pensons, quant à nous, que nous ne disposons pas aujourd’hui des éléments permettant de prendre en compte la pénibilité différée d’une façon juste, c’est-à-dire d’une façon exacte, dans la société française telle qu’elle est. En effet, nous n’avons pas la traçabilité des facteurs d’exposition.
Nous les connaissons puisque des listes ont été établies ; je précise qu’elles seront, bien évidemment, évolutives. Nous connaissons les risques cancérogènes, qui sont très importants, mais nous n’avons pas la traçabilité des carrières. Allez dans les services de santé au travail, vous le verrez très bien ! D’où notre volonté, et la très bonne idée de M. le rapporteur, d’introduire dans le texte un chapitre « Prévention de la pénibilité ».
On ne peut lire nos propositions sur la pénibilité qu’en prenant en compte le fait que la meilleure façon de lutter contre la pénibilité, c’est de la prévenir. Nous serons, me semble-t-il, tous d’accord sur ce point. Il est relativement inhumain de se poser toujours la question de la réparation. Celle-ci est très importante, mais elle implique d’une certaine façon que l’on a le droit de continuer à mettre des personnes en danger.
La meilleure façon de faire, dans une société moderne comme la nôtre, c’est d’annuler la pénibilité par des conditions de travail qui la prennent en compte.
Tant qu’on n’en est pas là, il faut la réparer, mais il faut tout faire pour la prévenir et, dans ce chapitre sur la prévention de la pénibilité, on inclut la médecine du travail.
Or, sur ce point, vous avez pris des postures idéologiques.
Permettez ! Vous n’avez pas lu notre texte et vous l’avez tellement caricaturé… Je peux tout de même dire ce qu’il en est, comme l’ont fait Gérard Longuet et Marie-Thérèse Hermange !
Franchement, ce texte représente une avancée très importante pour la médecine du travail. Il a fait l’objet d’une concertation qui a duré plusieurs années. Il a donné lieu à de nombreux rapports, notamment celui de MM. Dellacherie, Frimat et Leclercq ou celui de M. Lasfargues. Nombre de personnes ont travaillé au sein du Conseil économique, social et environnemental, d’opinions politiques extrêmement différentes, allant des représentants de la CGT à des personnes de droite. Tout cela a donné des rapports de très bonne qualité, mais qui ont abouti au même type de conclusions et de vision de la médecine du travail : on ne peut pas se satisfaire de la médecine du travail d’aujourd’hui.
Vous dites qu’il ne faut rien changer à la médecine du travail :…
… elle est formidable, surtout ne changeons rien !
Excusez-moi, mais vous défendez là des intérêts corporatistes.
Ce que j’ai lu parfois dans la presse m’a vraiment choqué. J’ai lu que nous voulions tuer la médecine du travail. Comment voulez-vous que l’on ait un débat si vous prenez des positions de cette nature ? Les personnes qui ont écrit cela représentent, je le répète, des intérêts corporatistes !
Quand des personnes, qu’elles soient de droite ou de gauche, se sont posé des questions, elles ont répondu de façon un peu plus fine.
Trouvez-vous que la médecine du travail soit réellement en bonne santé aujourd’hui ? Non, nombre de travailleurs ne passent jamais une visite médicale, ce n’est pas normal.
Par ailleurs, il y a un vrai problème de démographie médicale et de statut de la médecine du travail.
Enfin, en réalité, on n’a pas bien défini le rôle de la médecine du travail. L’intérêt des travailleurs, ce n’est pas uniquement de passer une visite médicale tous les deux ou trois ans. L’important, c’est que soit prise en compte la réalité des dangers pour la santé auxquels la personne est exposée tous les jours. Cela nécessite que le médecin, qui exerce dans un service de santé au travail, anime une équipe composée de personnes capables d’étudier les substances auxquelles elle est exposée, la nature du travail demandé, des ergonomes, des psychothérapeutes, qui vont pouvoir considérer éventuellement dans quelles conditions de stress elle travaille. Tout cela est nécessaire, j’imagine que tout le monde est d’accord Ces équipes permettront d’améliorer les conditions de travail.
Ensuite, votre grande idée est d’affirmer que nous supprimons l’indépendance du médecin du travail. Où avez-vous vu cela ? §
Vous le répétez en boucle ! Donnez-moi un seul élément dans le texte qui puisse justifier vos dires ! C’est juste un leitmotiv que vous répétez en sautant comme un cabri : « Vous avez tué l’indépendance du médecin du travail ! »
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Nous ne touchons pas à l’indépendance du médecin du travail !
Mme Nicole Bricq s’esclaffe. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame Bricq, vous riez, mais c’est ce que vous avez dit dans votre intervention, et j’aimerais que vous nous donniez des éléments précis.
Il ne s’agit pas d’un discours politique, nous parlons de médecine du travail, c’est un sujet sérieux. Donc parlez-en sérieusement !
Lorsque nous parlerons de médecine du travail, je vous citerai l’ensemble des textes qui garantissent l’indépendance du médecin du travail, sa façon d’exercer, son expertise. Évidemment, rien de tout cela n’est touché, bien au contraire ! Si jamais vous trouvez un seul élément qui permette de douter de l’indépendance médicale du médecin du travail, nous le corrigerons.
Le Gouvernement n’a nullement l’intention de remettre en cause une quelconque indépendance du médecin du travail, qui doit être évidemment totalement indépendant dans l’exercice de son métier.
Pourquoi ce chapitre sur la médecine du travail dans ce projet de loi sur les retraites ? Parce que, à partir du moment où l’on évoque la pénibilité, il faut des outils de traçabilité. D’où les deux documents : la fiche individuelle d’exposition aux risques et le dossier médical. Nous simplifions les choses : il y avait trois ou quatre documents auparavant, il n’y en a plus que deux. Les médecins du travail nous l’ont demandé.
Par ailleurs, nous voulons faire en sorte que chacun puisse être à la hauteur de cette prévention nécessaire. Prévention, réparation : nous avons un dispositif complet.
La médecine du travail ne pouvait pas être absente de ce texte, elle devait au contraire être renforcée dans la mesure où nous renforçons la prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la retraite. Telles sont les intentions du Gouvernement, voilà ce que contiennent les articles qui vont suivre.
Je rentrerai, si vous le souhaitez, dans le détail de la médecine du travail et de la pénibilité. Il s’agit d’un droit nouveau qui évoluera comme tous les droits, en fonction de l’expérience, mais au moins reconnaissez que le Gouvernement a bien pris en compte la notion de pénibilité dans la retraite.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 358 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 981 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l’amendement n° 358 rectifié.
Mes chers collègues, tout semble avoir été dit avant l’examen des amendements, je m’en tiendrai donc à une grande brièveté, qui sera sans doute appréciée dans l’ensemble de cet hémicycle.
Je voudrais souligner, monsieur le ministre, mais vous y avez déjà partiellement répondu, que l’article 25 instaure un dispositif qui ne tient pas assez compte de l’ampleur de la situation – c’est un euphémisme compte tenu du caractère extrêmement important de cette question – des salariés en matière de pénibilité.
La mise en place d’un système de traçabilité individuelle des expositions à certains facteurs de risques professionnels pris en charge par les médecins du travail ne nous paraît pas totalement pertinente en l’état actuel des choses.
J’observe en effet que ces derniers ont fait part de leur vive opposition au fait de devenir l’autorité en charge du contrôle des conditions d’accès à la retraite anticipée. Je dois dire que j’ai été assez sensible aux arguments avancés à l’instant par M. le ministre.
Par ailleurs, le texte ne définit pas suffisamment les objectifs et les moyens de contrôle assignés aux médecins du travail afin d’évaluer la détérioration de la santé des travailleurs liée à leurs conditions de travail. Si l’on transfère une telle charge aux médecins du travail, encore faut-il que la loi encadre très précisément leurs missions.
Pour ces raisons, si nous ne sommes pas hostiles au suivi individuel des travailleurs et si nous défendons la prise en compte de la pénibilité du travail, nous considérons que le texte proposé ne va pas assez loin, et surtout qu’il ne peut en aucun cas, à lui seul, constituer une politique de prévention de cette pénibilité. Nous demandons, en conséquence, la suppression de l’article 25.
M. Jean-Pierre Plancade applaudit.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 981.
Par cet amendement de suppression, nous ne remettons en cause ni l’utilité du dossier médical ni la nécessité de généraliser la traçabilité des risques auxquels les salariés sont exposés tout au long de leur carrière professionnelle, mais nous estimons que ces dispositions, essentielles à la mise en place d’une politique de prévention des risques professionnels et de la pénibilité, n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la réforme des retraites. En effet, ces dispositions relèvent d’une réflexion plus globale sur la santé au travail.
Incomplet, imprécis, l’article 25 du projet de loi a été voulu par le Gouvernement uniquement parce que le dossier médical en santé au travail et le document d’information sur l’exposition du travailleur aux risques professionnels sont des supports nécessaires au dispositif maintenant à 60 ans l’âge de départ à la retraite pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ce document leur permet ainsi de justifier de leur taux d’incapacité.
Les médecins du travail nous ont dit souffrir de leur manque d’indépendance vis-à-vis des employeurs ; ils sont empêchés de mener à bien leur mission en raison de l’espacement des visites, faute de pouvoir se rendre dans l’entreprise et de disposer de moyens juridiques contraignants à l’égard de l’employeur, pour faire véritablement cesser les mises en danger de certains salariés. Ils se sont montrés plus que sceptiques concernant cet article, craignant que ces outils, tels qu’envisagés, pour ne pas dire instrumentalisés par le Gouvernement, ne renforcent la mainmise des employeurs sur la médecine du travail, au lieu d’être au service de la santé des salariés.
Nous continuons de considérer que le recensement des postes pénibles en vue d’améliorer les conditions de travail et de mettre en place une surveillance post-professionnelle renforcée devrait se faire dans un cadre général, et non pas être individualisé à outrance, comme le permet le projet de loi.
Ainsi, la pénibilité du parcours professionnel doit faire l’objet d’un accord national interprofessionnel, dont les discussions ont malheureusement été bloquées du fait du MEDEF. Il est irresponsable de la part du Gouvernement de traiter, au détour d’un texte sur les retraites, ce sujet grave pour la santé des salariés, un sujet qui mériterait qu’on lui consacre un texte à part entière.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 25.
Si vous le permettez, je formulerai quelques remarques avant d’émettre l’avis de la commission sur les deux amendements identiques.
M. le ministre l’a souligné, la commission a réalisé un travail important sur cet article, qui concerne un sujet délicat. Pour le rendre beaucoup plus cohérent, nous avons réorganisé l’ordre des dispositions du projet de loi relatives à la pénibilité afin de distinguer clairement celles qui relèvent de la prévention de celles qui ont trait à la compensation.
Le titre IV se compose désormais de trois chapitres : le premier est consacré à la prévention de la pénibilité, le deuxième à la compensation de la pénibilité et le troisième aux dispositions communes.
Seuls Jean-Pierre Godefroy et Marie-Thérèse Hermange ont traité de cet article, la plupart de nos collègues, notamment de l’opposition, ayant abordé la question de la médecine du travail, visée par l’article 25 quater.
À propos de la médecine du travail, je tiens à dire que le débat à l’extérieur est plus apaisé qu’il ne l’était il y a encore quelque temps. Nous avons reçu des représentants des domaines de la médecine et de la santé notamment, des professionnels bien sûr, mais aussi toutes les associations concernées.
Mardi 5 octobre, alors même que le débat sur les retraites s’engageait ici, nous avons reçu une délégation de médecins qui nous ont confié être satisfaits du travail réalisé.
Certes, tout n’est pas parfait, mais la commission a largement amélioré les principales dispositions du texte ; j’ai même la prétention de dire qu’elle a fait avancer les choses.
J’ai reçu non pas quelques mails de satisfaction, mais des dizaines de mails émanant de professionnels, essentiellement de médecins bien sûr. Je n’en ai jamais reçu autant !
Mes chers collègues, permettez-moi d’en lire un, qui me semble intéressant :
« C’est au nom du conseil d’administration de la société de médecine de santé au travail que notre société savante, reconnue parmi les acteurs de la santé au travail, œuvre activement dans des actions de formation, d’échange autour des questions relatives à la santé du travail. Représentative du secteur, elle regroupe des médecins, mais aussi des directeurs, […] des infirmiers, des psychologues […]. Je veux vous dire que le texte de la commission des affaires sociales propose de manière tout à fait pertinente une gestion paritaire des services de santé au travail. Il réaffirme la place prépondérante du médecin du travail et aussi la garantie par le directeur ou le président des services de santé au travail de l’indépendance de tous les acteurs de santé au travail. »
Nous avons pu faire bouger les choses parce que les membres de la commission possèdent des compétences diverses. Comme certains de nos collègues l’ont souligné, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Annie David et bien d’autres encore ont travaillé sur cette question en amont. Grâce à leurs contributions et à l’écoute que nous avons eue, le texte va aujourd’hui dans le bon sens. D’ailleurs, j’ai entendu peu de réactions contraires à l’extérieur de cette enceinte.
Permettez-moi maintenant d’en revenir à l’article 25, qui permet, comme cela a été dit, une meilleure traçabilité de l’exposition du travailleur aux risques professionnels.
Cette traçabilité est un préalable indispensable, incontournable à une politique de prévention et de réparation de la pénibilité.
La démarche de traçabilité présente trois avantages : elle facilite, dès l’embauche, l’information des salariés sur les risques professionnels qu’ils sont susceptibles d’encourir – relisez, mes chers collègues, le rapport de la commission, car il est complet sur ce point ; elle permet un suivi professionnel et post-professionnel des travailleurs exposés et elle incite à l’amélioration des conditions de travail, ce qui est important, et à l’aménagement des postes en fin de carrière.
L’article 25 améliore cette traçabilité grâce à deux outils, le dossier médical en santé au travail, qui relève du médecin du travail, – nous avons préféré cette dénomination qui figure actuellement dans le code du travail à celle de « carnet de santé au travail » retenue par nos collègues de l'Assemblée nationale – et la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels, remplie par l’employeur, mais qui relève de la responsabilité – mes chers collègues, faites attention aux termes employés dans le texte ! – de l’employeur.
Il donne également une base législative aux trois critères de pénibilité retenus par les partenaires sociaux lors des négociations sur la pénibilité qui ont duré un certain temps : des contraintes physiques, un environnement agressif, certains rythmes de travail.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission soit défavorable aux deux amendements identiques de suppression de l’article 25, car ceux-ci sont évidemment contraires à l’esprit du texte.
Ce serait une erreur de repousser l’article 25 de ce projet de loi, qui présente, à mon avis, plusieurs avantages.
Tout d’abord, il légalise le dossier médical, …
… alors que nous connaissons actuellement de réelles difficultés pour mettre en place le dossier médical personnel, comme l’a souligné tout à l'heure Mme Hermange.
Ensuite, l’article 25 permet de décloisonner les rapports entre le médecin du travail et le médecin choisi par l’intéressé, un décloisonnement qui est à la base de la réforme hospitalière que nous suivons aujourd'hui.
Le lien entre le médecin du travail et le médecin traitant permettra d’organiser la prévention pour traiter les éventuels cas de pénibilité.
Enfin, cet article présente l’avantage considérable de prévoir un dossier personnel.
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les seize orateurs de l’opposition qui se sont exprimés sur cet article : ils raisonnent par catégorie, …
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’humanisme ne consiste pas à parler de la catégorie des éboueurs, de celle des personnes qui travaillent avec des marteaux-piqueurs ou de toute autre catégorie. Nous pensons, pour notre part, qu’il y a, au niveau du travail, une mobilité dans les entreprises, …
… et il importe de s’occuper des personnes.
C’est pour cette raison que nous sommes favorables à l’article 25 et donc défavorables aux deux amendements identiques.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Si je vous ai bien compris, monsieur Fourcade, l’humanisme consiste à prendre en compte chaque individu.
L’humanisme consiste certes à prendre en compte chaque individu, mais aussi l’intérêt général, et donc la solidarité, car, nous le savons bien, un individu n’est pas une entité isolée.
En l’espèce, nous considérons que les critères objectifs définissant la pénibilité sont indispensables parce qu’ils se traduiraient par la création de droits par rapport à des situations parfaitement définies. Certains travaux sont difficiles pour des raisons physiques, psychologiques ; certains ne peuvent pas être exercés durant une trop longue période et d’autres ne peuvent être exercés au-delà d’un certain âge. Toutes ces données peuvent être évaluées, définies et donc inscrites dans la loi.
Votre démarche serait humaniste, parce que vous prenez en compte chaque individu, et il ne serait donc pas nécessaire de fixer des règles pour établir la pénibilité. Nous pensons, au contraire, que cela va se retourner contre chaque individu. Vous le savez bien, c’est la loi qui protège les individus !
Nous ne partageons pas du tout votre avis, mais nous débattons de manière sereine. Or ce qui nous choque, c’est que chacun doive aller voir son médecin pour détecter une invalidité.
Avec des critères objectifs de pénibilité, on considère qu’une personne ayant exercé la profession de couvreur, par exemple, pendant un certain nombre d’années, a le droit de ne pas travailler jusqu’à soixante-deux ans.
Monsieur le ministre, vous nous avez accusés de ne pas avoir pris en compte la pénibilité lorsque nous avons abaissé à 60 ans l’âge légal de la retraite. Mais, à l’époque, tous ceux qui exerçaient des professions pénibles travaillaient jusqu’à soixante-cinq ans !
Mon collègue Pierre Mauroy en parlerait beaucoup mieux que n’importe lequel d’entre nous ; je vous assure que le jour où ces personnes ont appris qu’elles travailleraient cinq ans de moins, …
M. Jean-Pierre Sueur. … elles ont fêté cela ! Et Pierre Mauroy a eu raison de dire que c’était sans doute l’une des plus grandes lois de la Ve République.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous demandons la suppression de cet article, qui ignore, comme le reste du texte d’ailleurs, la réalité du travail, la pénibilité des tâches et les inégalités en matière de santé.
Je tiens à répondre à M. le ministre, qui nous a mis tout à l’heure au défi de prouver que l’indépendance du médecin du travail était remise en cause dans ce texte.
À cet égard, je citerai trois éléments très précis, qui montrent que cette indépendance est menacée.
Tout d’abord, la légitimité du médecin du travail et son autorité sont fortement remises en cause dans la mesure où celui-ci est placé sous l’autorité d’un chef de service de santé au travail, lequel est lui-même placé sous l’autorité de l’employeur.
Je sais que la commission des affaires sociales du Sénat a apporté à ce texte certaines améliorations.
Il n’empêche que le médecin du travail sera placé, in fine, sous l’autorité de l’employeur.
M. François Autain. Ensuite, ses missions ne seront plus définies, comme par le passé, par la loi, mais par l’employeur, ce qui est entièrement nouveau.
Voilà ! sur les travées du groupe CRC-SPG.
Enfin, la clause d’autonomie disparaîtra des contrats de médecine du travail. Si vous pensez qu’il n’y a pas là matière à s’inquiéter et que l’indépendance de la médecine du travail n’est pas menacée, je vous prie de m’apporter des éléments susceptibles de me rassurer.
Pour finir, je crains que ce texte ne mette un terme définitif au rôle spécifique et irremplaçable que le médecin du travail joue dans l’entreprise : étude et description des postes de travail, identification des risques et des personnes exposées, reconstitution des parcours professionnels, lecture des fiches de sécurité, dépistage des pathologies professionnelles. Sur tous ces plans, le médecin du travail sera privé de moyens d’action. Ce texte modifiera profondément la nature des tâches confiées au médecin du travail, qui sera par ailleurs sous l’emprise directe de l’employeur.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Je souhaiterais revenir sur les propos tenus par M. Fourcade. M. Fourcade oppose la droite, favorable à l’individualisation, à la gauche, qui défend une démarche catégorielle : « Vous marchez tous ensemble », avez-vous dit, monsieur Fourcade. À quel sujet, monsieur Fourcade ? Au sujet de la médecine du travail.
Selon vous, le médecin du travail n’a qu’une vision individuelle des problèmes qui lui sont soumis. Il ne peut donc pas évaluer si telle méthode de production est susceptible de conduire à tel résultat ou de favoriser le développement de tel symptôme.
Ah… Je constate que vous commencez à considérer qu’une démarche catégorielle est nécessaire et qu’il faut porter attention aux méthodes de production dans leur ensemble. J’aime mieux ça ! Mais ce n’était là le sens de l’intervention de M. Fourcade, me semble-t-il. Il semblait supposer que le médecin du travail devait répondre à un problème individuel par la prescription d’un médicament ou d’un petit moment de repos, sans s’intéresser aux conditions de travail.
Au contraire, le rôle du médecin du travail est, à mon sens, d’étudier les méthodes de production employées, d’évaluer l’impact de l’organisation du travail sur les salariés, de contrôler l’agencement des postes de travail. En effet, ces facteurs déterminent divers symptômes et pathologies et peuvent engendrer des complications à vie. Il est donc heureux que le médecin du travail adopte une démarche globale et s’intéresse aux méthodes de travail.
Je me suis dit que M. Fourcade avait tort pour ce qui est de la médecine du travail. Cependant, je me suis demandé si son raisonnement ne pouvait pas être valable en matière de médecine classique, celle du citoyen. Mais, là encore, une démarche individuelle est profondément néfaste. En effet, comment lier certains cancers à l’usage des pesticides, ou comprendre les pathologies soulevées par certains aliments ou médicaments, par un mode de vie ou de consommation ?
Nous savons aujourd’hui que de nombreuses pathologies, notamment des cancers, sont liées à nos modes de vie et nos méthodes de production. La démarche purement individuelle que vous défendez, monsieur Fourcade, ne permet pas de savoir comment nos méthodes de travail, de production et de consommation déterminent la santé de toute une population. Sur ce point, nous sommes en complet désaccord.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai très bref et m’en tiendrai à l’article 25. Vous constaterez que nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression. J’aurai l’occasion de m’en expliquer tout à l’heure, lors de la présentation de notre amendement n °400. Pour l’heure, nous nous abstiendrons sur ces amendements de suppression.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
Puisque je dispose de quelques minutes de temps de parole, je voudrais vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis effrayé par l’opposition que vous créez, en matière de reconnaissance de maladie du travail, entre le tout collectif des entreprises et des branches, et le tout individuel. Cela m’effraie, car j’ai l’expérience des victimes de l’amiante.
Dans le cas des victimes de l’amiante, on se trouve devant un paradoxe et une difficulté. Fort heureusement, des entreprises et des branches ont été reconnues responsables. Cela a permis la prise en charge de l’ensemble des salariés de certaines entreprises, comme la Direction des constructions navales, que je connais bien. Cependant, on s’est aperçu que certaines victimes de l’amiante ne pouvaient pas faire valoir leurs droits de façon individuelle, alors même qu’elles y avaient été exposées. En effet, ne peuvent faire valoir leurs droits au FIVA ou au FCAATA que les salariés entrant dans le catalogue des entreprises répertoriées.
Une réflexion à ce sujet est donc nécessaire. Si nous souhaitons être justes, il faudra associer la réparation collective, liée à l’entreprise ou à la branche, à la réparation individuelle des victimes. Voilà ce dont je souhaitais témoigner. Nous y reviendrons tout à l’heure, puisque le débat que nous venons d’engager concerne tous les articles, jusqu’à l’article 26.
Sans vouloir allonger les débats, je tiens à dire que je ne suis en rien opposé aux propos de M. Godefroy. Certes, nous avons adopté une approche collective dans le domaine de l’amiante, en répertoriant les établissements concernés etc. C’était l’exemple même de la démarche collective.
M. Éric Woerth, ministre. Cette approche a été votée par cette majorité ! Cessez d’opposer ainsi les uns aux autres !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons adopté une démarche collective dans le domaine de l’amiante. C’est l’œuvre de majorité de droite.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Un peu de sérénité, je vous prie, mes chers collègues. Nous allons passer tout l’après midi et toute la soirée ensemble.
Je répète que nous ne sommes pas opposés au principe d’une approche collective, à condition toutefois qu’elle soit opérationnelle, juste et équitable. Dans le cas de l’amiante, la reconnaissance du statut de victime n’est pas fondée sur n’importe quel type d’exposition, mais répond au contraire à des listes agréées d’établissements.
L’ampleur de ce drame a permis à la médecine du travail, aux services de santé, ainsi qu’aux agences françaises de santé d’évoluer afin d’éviter que cela puisse se reproduire à l’avenir avec d’autres substances. Il faut en effet être particulièrement vigilant aux substances complexes que l’on manipule aujourd’hui.
En créant le comité scientifique, nous reconnaissons qu’une approche collective peut s’avérer nécessaire, de même que des outils de traçabilité susceptibles d’évaluer l’impact réel de l’exposition d’une population donnée à un risque clairement défini.
Si l’impact de l’exposition se révèle élevé, alors il conviendra peut-être de prévoir l’octroi de droits à réparation dans un cadre collectif plutôt qu’individuel. C’est la raison pour laquelle nous mettons en place le comité scientifique et acceptons ce débat. Je ne prétends pas que le texte du Gouvernement a vocation à fixer définitivement l’approche de la pénibilité.
M. Nicolas Alfonsi. Nous allons retirer notre amendement afin de ne pas créer trop de divisions entre nous. Nous votons habituellement les amendements du groupe socialiste. L’abstention qui s’est manifestée à l’instant nous pousse à faire preuve de tact vis-à-vis de nos collègues.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 982, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Robert Hue.
Au cours de ces derniers jours, nous avons illustré, à travers de nombreux amendements, les différents visages de la pénibilité.
Nous avons voulu donner un éclairage pratique, et non théorique ou statistique, sur la réalité vécue par des millions de travailleurs. Le mot « pénible », comme vous le savez sans doute, vient du latin poena, autrement dit la peine ou encore la punition.
C’est ce que vous organisez ! La punition généralisée de millions de travailleurs, et ce alors même que le mal-être…
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
… alors même que le mal-être au travail fait débat dans toute la société.
Bien que vous ayez déclaré, monsieur le ministre, qu’ « on pourrait bien sûr dire que tous les métiers, que le travail en général, comme la vie d’ailleurs, sont fatigants ; c’est vrai que quand on est éveillé, c’est plus fatigant que lorsque l’on dort », la réalité du quotidien provoque des drames humains. La nécessité de rentabilité des entreprises pousse souvent des gens dans leurs derniers retranchements. Au mieux, ils parviennent à passer outre. Au pire, ils tombent en dépression, ce qui les conduit parfois à attenter à leurs jours.
Punition, car vous allongez la durée du travail tout en durcissant les conditions de reconnaissance de la pénibilité.
Punition, enfin, des salariés exposés à la pénibilité qui ont une espérance de vie réduite en moyenne de trois à quatre ans par rapport à l’ensemble des salariés. Nous vous l’avons longuement rappelé, un ouvrier vit en moyenne sept ans de moins qu’un cadre.
Cela n’est-il pas l’illustration la plus implacable que la pénibilité est une réalité ? Réalité que vous avez décidé d’ignorer !
Avec votre nouvelle définition, seule une infime minorité de salariés, sur les 25 millions que compte la France, ont exercé ou exercent des métiers pénibles. Cela n’est pas crédible !
Nous pensons que seule l’espérance de vie sans incapacité permet d’évaluer la possibilité de jouir effectivement de sa retraite. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter votre proposition d’individualisation des salariés en situation « d’usure professionnelle », où seuls ceux dont l’incapacité physique « constatée » est supérieure ou égale à 10 % pourront partir à la retraite à 60 ans. Ainsi, pour vous, il n’y aurait aucun métier pénible mais seulement un degré d’usure du salarié, usure calculée par un taux d’incapacité.
Mais de quoi parlez-vous, monsieur le ministre ? D’hommes, de femmes, ou de produits financiers, de marchandises ?
M. Robert Hue. J’y viens. Ce que nous proposons, c’est la mise en place d’un dispositif plus équitable, permettant à chacun de partir en retraite avec la certitude de pouvoir profiter de cette nouvelle période de la vie. Je ne crois pas que cette demande soit excessive.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L’amendement n° 982 nous propose de supprimer l’alinéa 1, qui est essentiel. La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 983, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’alinéa 2 tel qu’il est écrit est un retour en arrière en termes de reconnaissance de la pénibilité du travail, à cause d’un manque de considération de l’avis des partenaires sociaux.
En 2003, l’article 12 de la loi Fillon avait invité les partenaires sociaux à négocier sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. Il en était ressorti cette définition : « La pénibilité au travail résulte de sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activité professionnelle, qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie. »
Cette définition était fondée sur trois facteurs de pénibilité au travail : les contraintes physiques, qui concernent quand même 64, 4 % des ouvriers, l’environnement de travail agressif, qui concerne 1, 7 million de personnes, ou encore les rythmes de travail contraignants, comme le travail de nuit, qui concerne 3, 7 millions de salariés.
Vous refusez cette définition, car, dans les négociations qui ont suivi la réforme dite Fillon de 2003, le MEDEF avait nié qu’il puisse y avoir une reconnaissance de la pénibilité sans que les salariés aient travaillé quarante ans, qu’ils soient âgés de cinquante-huit ans, qu’ils aient accumulé trente années de travail pénible et dix ans durant lesquels ils auraient subi au moins les trois critères retenus.
Cette définition pour le moins étroite n’aurait même pas permis – écoutez bien ! – de prendre en compte la situation d’un ouvrier du bâtiment ayant pourtant travaillé trente ans, été exposé aux produits toxiques, au bruit, à des températures extrêmes, à des intempéries et aux vibrations.
Sincèrement, on peut se demander à quoi servirait de consigner ces facteurs d’exposition dans le fameux dossier médical en santé au travail que vous proposez dans cet alinéa, puisque le dispositif d’incapacité physique prévu s’appuiera non sur la traçabilité des facteurs d’exposition tout au long de la carrière professionnelle des salariés, mais sur l’état de santé d’un salarié à un instant t.
Avec un tel dispositif, les victimes de l’amiante seraient passées à travers des mailles du filet que vous prétendez tendre contre la pénibilité !
Rappelez-vous que, lors de l’instauration du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, on ne pouvait s’appuyer sur aucune traçabilité.
Par conséquent, avec ce projet de loi, vous opérez une confusion volontaire avec les incapacités physiques permanentes, l’incapacité étant l’état d’un individu qui se trouve empêché d’exercer son activité du fait de la maladie ou de l’accident.
Vous ne daignez pas accorder cette reconnaissance de la pénibilité du travail...
... que les partenaires syndicaux vous proposent et que vous ne voulez pas entendre.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet alinéa.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 400, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4624 -2. - Un dossier médical de santé au travail, constitué et actualisé par le médecin du travail dans le cadre de visites médicales régulières, y compris à la demande du travailleur, retrace dans le respect du secret médical, l'ensemble des informations relatives à l'état de santé du travailleur.
« Ce dossier énumère le ou les postes de travail, les conditions de travail, les expositions à des facteurs de pénibilité et à des risques professionnels auxquels le travailleur est et a été soumis.
« Il comprend les avis et propositions du médecin du travail, en matière de prévention, et ceux formulées en application de l'article L. 4624-1.
« À la demande du travailleur, le dossier médical de santé au travail peut être communiqué à son médecin référent. Sauf refus du travailleur, il est communiqué au médecin du travail dans la continuité de la prise en charge. En aucun cas il ne peut être communiqué par qui que ce soit à l'employeur actuel ou à celui auprès duquel un travailleur sollicite un emploi, ni à une société de crédit ou d'assurance. En cas de risque pour la santé publique le médecin du travail transmet ce dossier au médecin inspecteur du travail.
« Le travailleur qui fait valoir ses droits à pension de retraite est destinataire d'un exemplaire de son dossier médical de santé au travail.
« Le travailleur est destinataire tous les ans d'une synthèse des informations contenues dans son dossier médical de santé au travail. Il bénéficie des droits prévus au titre 1er du livre I de la première partie du code de la santé publique.
« Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne autorisée par les articles L. 1111-7 et L. 1110-4 du code de la santé publique, peuvent demander la communication du dossier.
« Le modèle et le contenu du dossier médical de santé au travail sont fixés par arrêté conjoint du ministre de la santé et du ministre chargé du travail après avis de la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression. Nous devons le reconnaître, le rapporteur et la commission des affaires sociales ont modifié la rédaction de cet article, ce dont nous leur sommes reconnaissants, et ils ont substitué le dossier médical en santé au travail au dangereux et imprécis carnet de santé au travail qui figurait dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.
Avec cet amendement, nous proposons une rédaction plus précise sur un certain nombre de points, cela afin de renforcer l’efficacité du dossier médical en santé au travail.
Ce dossier doit avoir pour contenu la traçabilité des postes occupés par le travailleur, en vue de mieux préserver la santé de ce dernier, et donc être alimenté par des visites médicales régulières, y compris les visites complémentaires que le travailleur a toujours la possibilité de demander, même s’il l’ignore trop souvent.
De même, ce dossier doit comporter des renseignements précis sur les postes de travail, les conditions de travail, les facteurs de pénibilité et de risques professionnels. Encore convient-il, à partir de ces données, de déterminer qui pourra les utiliser et pour quoi faire.
Nous souhaitons que le premier utilisateur, celui qui pourra réellement tirer bénéfice de ce dossier, soit le travailleur lui-même. Cela suppose non seulement le respect du secret médical, comme vous le prévoyez, mais aussi le respect du secret à l’égard de l’employeur et d’un éventuel futur employeur. Il n’est en effet pas indispensable que l’employeur connaisse l’ensemble des données médicales du salarié, si celui-ci n’entend pas lui-même en faire état.
Il est bien évident que nous insistons particulièrement pour que le dossier médical de santé au travail ne soit en aucun cas communiqué à une société avec laquelle le travailleur a des relations financières : société de banque, de crédit ou d’assurance.
Nous attendons sur ces points quelques précisions de M. le ministre.
Enfin, le travailleur doit avoir véritablement accès à son dossier, et non pas seulement dans des lois et règlements qu’il ne connaîtra pas. Il faut donc que, régulièrement, il soit destinataire d’une synthèse de ce dossier, sous la responsabilité du médecin du travail. Il faut aussi qu’il soit destinataire d’un exemplaire de son dossier lors de son départ à la retraite. Dans l’hypothèse où une maladie surviendrait, le travailleur doit disposer de tous les moyens pour faire reconnaître les causes réelles de sa situation.
Voilà pourquoi nous proposons de remplacer l’alinéa 2 par les huit alinéas que comporte notre amendement. La rédaction que nous proposons – ce qui, après tout, est la vocation du législateur ! – apporte une solution simple et opérationnelle pour que le salarié, qui est d’abord un citoyen, connaisse exactement son état de santé et ce à quoi il peut s’attendre.
Au demeurant, monsieur le ministre, nous ne faisons que suivre les préconisations du Plan santé au travail, à savoir développer le suivi post-professionnel des salariés exposés aux substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, CMR, et en évaluer l’application.
C’est aussi ce qui figure dans le rapport d’information présenté par notre collègue Guy Lefrand, député UMP, sur la prise en charge des victimes de l’amiante.
Voilà pourquoi il nous paraît indispensable de préciser encore le contenu du dossier médical, en plus des avancées déjà introduites par notre rapporteur.
L'amendement n° 987, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 4624 -2. - Un dossier médical en santé au travail est constitué par le médecin du travail. Dans le cadre d'entretiens médicaux réguliers avec chaque salarié, le médecin du travail recueille, conserve et actualise dans ce dossier médical de santé au travail, l'ensemble des informations nécessaires pour apprécier le lien entre l'état de santé du salarié et le ou les postes et les conditions de travail actuels et antérieurs.
« Il propose des mesures de prévention primaires, secondaires et tertiaires et fait des propositions en termes d'amélioration ou d'aménagement du poste ou des conditions de travail et de maintien ou non dans l'emploi. Ces propositions incluent celles formulées en application de l'article L. 4624-1 du code du travail.
« Ces informations sont enregistrées dans le respect du secret professionnel et dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l'exercice de la mission du médecin du travail. En aucun cas, l'employeur n'a accès à ces informations médicales personnelles.
« Ce dossier peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. En cas de risque pour la santé publique ou à la demande du médecin inspecteur du travail, le médecin du travail transmet ce dossier au médecin inspecteur du travail.
« Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne autorisée par les articles L. 1111-7 et L. 1110-4 du code de la santé publique, peuvent demander la communication de ce dossier.
« Le travailleur bénéficie des droits prévus au titre Ier du livre I de la première partie du code de la santé publique. Il est destinataire tous les cinq ans d'une synthèse des informations contenues dans son dossier médical en santé au travail. »
La parole est à M. Michel Billout.
Avec cet amendement, nous entendons réécrire l’alinéa 2 de l’article 25 du présent projet de loi.
Comme vous le savez, cet article concerne deux documents distincts : le document de santé au travail, qui est l’objet du présent amendement, et la fiche individuelle d’exposition aux risques.
Nous ne souhaitions pas, à l’occasion de l’examen du projet de loi consacré aux retraites, aborder ces questions relatives au médecin du travail et au document de santé au travail. Mais, puisque vous nous imposez de le faire, nous pensons nécessaire d’améliorer ce que vous proposez.
L’actuel alinéa 2 de l’article 25, tel qu’il a été amendé à l’Assemblée nationale et en commission au Sénat, nous apparaît moins mauvais qu’à l’origine. Mais il peut être encore amélioré pour jouer véritablement le rôle qui devrait être le sien.
Ainsi, dans notre nouvelle rédaction, nous insistons sur certains points. Par exemple, dans ce document, il faut insister sur les liens qui existent entre l’état de santé que le médecin constate à l’instant t et les postes et/ou les conditions de travail que le salarié connaît et a connus dans sa carrière. Un état de santé étant le résultat de plusieurs facteurs, il existe un effet d’accumulation dont il faut tenir compte.
Nous proposons également d’inscrire dans la loi que le médecin du travail peut proposer tout un éventail de mesures de prévention.
Pour mémoire, la prévention primaire est constituée de l’ensemble des actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie et donc à réduire l’apparition des nouveaux cas. En agissant en amont, cette prévention empêche l’apparition des maladies. Elle utilise l’éducation et l’information auprès de la population.
La prévention secondaire est constituée de l’ensemble des actes destinés à diminuer la prévalence d’une maladie, et donc à réduire sa durée d’évolution.
La prévention tertiaire est l’ensemble des actes destinés à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans la population, et donc à réduire les invalidités fonctionnelles dues à la maladie. Elle agit en aval de la maladie afin de limiter ou de diminuer ses conséquences et d’éviter les rechutes. À ce stade de la prévention, les professionnels s’occupent de la rééducation de la personne et de sa réinsertion professionnelle et sociale.
Ensuite, nous insistons dans notre rédaction sur le strict respect du secret médical, point qui nous paraît essentiel.
Enfin, nous proposons que le salarié soit, tous les cinq ans, le destinataire d’une synthèse des informations contenues dans son dossier médical en santé au travail.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons d’adopter.
L'amendement n° 359 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phase
Remplacer les mots :
dossier médical en santé au travail
par les mots :
dossier d'exposition aux risques professionnels
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
Cette précision vise à élargir la protection du salarié, sans entrer trop dans le détail. En effet, à vouloir tout régler, on finit par ne rien régler du tout.
L'amendement n° 360 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, MM. Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
expositions,
insérer les mots :
liées à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes de travail.
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
L’amendement n° 360 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission ?
Madame Assassi, avec l’amendement n° 983, vous nous demandez de supprimer le dossier médical en santé au travail. Ce dossier étant, je le répète, de l’entière responsabilité du médecin du travail, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable.
Avec l’amendement n° 400, il est vrai, monsieur Godefroy, que vous avez complété l’article avec un important travail de réécriture. Mais je pense que vous allez un petit peu trop loin en empiétant sur le domaine réglementaire, particulièrement avec cette fameuse communication du dossier médical, etc. §La commission y est défavorable.
Avec l’amendement n° 987, monsieur Billout, vous vous inquiétez du secret médical, alors qu’à la page 180 du rapport il est bien précisé : « Le dossier médical est couvert par le secret médical qui s’impose au médecin du travail. » Cela a été souligné de nombreuses fois. « L’accès à ce document, sa circulation et sa transmission obéissent à des règles précises. Ainsi, le médecin du travail ne peut le communiquer qu’au médecin inspecteur du travail ou, à la demande de l’intéressé, au médecin de son choix. Le dossier médical d’un salarié ne peut en aucun cas être communiqué à l’employeur. »
Il est difficile d’être plus précis. Par conséquent, la commission est défavorable à votre amendement.
Enfin, je ne comprends pas l’amendement n° 359 rectifié, car il est bien précisé que le dossier médical en santé au travail est de la seule responsabilité du médecin du travail. Quant au document complémentaire, la fiche individuelle d’exposition aux risques, il est de l’entière responsabilité de l’employeur. Il n’est pas possible de substituer l’un par l’autre, puisque l’un concerne le médical, l’autre l’employeur. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement a le même avis que la commission.
J’ajouterai seulement une précision. Il est vrai que l’amendement n° 400 de M. Godefroy est plus complet, mais il est aussi plus complexe !
Vous définissez précisément des procédures dont beaucoup existent déjà. Par exemple, le transfert du médecin du travail au médecin de ville ne pose pas de difficulté particulière.
Il en est de même d’un autre souci que vous partagez avec les auteurs d’au moins un autre des amendements déposés, celui de la communication à l’employeur du dossier médical. Ce n’est pas un problème non plus, car les données médicales sont couvertes par le secret médical. En France, c’est un élément très important qui est opposé à tous les employeurs, ceux d’aujourd’hui comme ceux de demain ! Par conséquent, le dossier médical ne quitte pas la sphère médicale et ne peut en aucun cas passer dans la sphère de l’employeur.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 983.
Vous l’aurez compris, cet amendement participe de notre position de fond sur cet article. Nous soulignons qu’au détour de ce projet de réforme des retraites vous procédez à une réforme de la santé au travail en mettant en question l’intervention de la médecine du travail.
Monsieur le ministre, il ne suffit pas de déclarer que la médecine du travail est indépendante par principe. En effet, en encadrant plus précisément encore l’action de la médecine du travail, comme l’a très bien démontré M. Autain, on cherche délibérément à en faire l’instrument d’un arbitraire patronal, celui qui consiste à laisser penser que la validation médicale de toute activité professionnelle suffit à justifier le maintien d’un salarié et singulièrement d’un salarié âgé en activité.
Évidemment, l’objectif est là ! On médicalise la pénibilité pour mieux médicaliser la poursuite de l’exploitation de l’individu, quitte à mettre en péril son intégrité physique ou mentale, sinon morale.
Et, surtout, on ne fait de la pénibilité qu’une affaire de santé privée, une affaire exclusivement individuelle, là où la santé au travail est un enjeu essentiel de santé publique. Voilà où se situe certainement notre point de divergence !
D’ailleurs, pendant que vous nous apostrophiez, monsieur le ministre, je recherchais la déclaration du Conseil national de l’ordre des médecins qui, comme vous le savez, a émis de vives inquiétudes, précisant que l’intervention de médecins non spécialisés en médecine du travail ne doit pas conduire à une perte de qualité et doit se faire au sein du service de santé au travail sans être déconnecté de la connaissance du milieu du travail et des postes de travail.
Au-delà de la mise en place du dossier médical personnel du salarié, et alors même que chaque assuré social dispose d’un médecin référent et d’une carte personnelle d’affiliation à la sécurité sociale, rappelons-le, ce qui est en jeu commence à être mieux perçu.
Nous ne sommes pas, pour notre part, contre un rapprochement entre médecin du travail et médecin référent ; cela n’aurait pas de sens, mais je crois que votre vraie question n’est pas là. Elle est plutôt de savoir comment faire en sorte que les départs en retraite anticipés soient limités le plus possible, en tout cas pour les motifs liés à la pénibilité des fonctions et des tâches professionnelles.
Comment faire en sorte que le classement des salariés en situation d’invalidité permanente puisse être retardé le plus possible, au sens où les contributions des entreprises à la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles sont les seules à être modulées en fonction de la dangerosité des conditions d’exercice du métier ?
Le secret professionnel que les médecins du travail sont tenus de respecter sera certes préservé, mais l’ensemble de l’article met en cause le bien-fondé de leur action et donne notamment aux employeurs des outils pour justifier leur volonté de ne pas suivre les recommandations formulées par la médecine du travail en vertu des compétences qui leur sont reconnues.
Nous ne pouvons donc que vous proposer l’adoption de cet amendement.
M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à souligner que nous avons eu une réunion avec le conseil de l’Ordre, et qu’il est revenu sur la première approche qui avait d’abord été la sienne.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Éric Woerth, ministre. Dans ce domaine, on a en effet tendance à fantasmer, alors que la réforme est extrêmement claire. Elle est favorable à la médecine du travail. Vous essayez de ne pas le voir, comme vous refusez de voir tout ce qui est favorable Vous êtes toujours dans une vision extrêmement idéologique des choses
Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
… puisque cela vient de nous, ce n’est pas bien !
Ce n’est pas nécessairement une critique. C’est bien d’avoir une idéologie, mais il faut accepter parfois d’en sortir. Vous pourriez éventuellement dire que cet article ne va pas assez loin, que tel ou tel point pourrait être modifié. La médecine du travail telle que nous l’envisageons maintenant, les avancées que nous projetons ont fait l’objet d’années de travail, et les syndicats ne s’y sont pas opposés. Certains d’entre eux les ont même saluées. Alors, reconnaissez qu’il s’agit d’une véritable avancée ! Vous pouvez dire que nous n’allons pas assez loin mais ne caricaturez pas cette réforme. La médecine du travail ne mérite pas ce type de débat !
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 400.
Monsieur le ministre, je n’ai cessé de vous écouter très attentivement. Vous avez beau jeu de reprocher à la gauche de défendre ses convictions idéologiques. C’est bien connu, vous, à droite, vous ne faites jamais d’idéologie ! Laissons donc de côté ce type de débat stérile !
J’ai lu attentivement le rapport de M. Leclerc ainsi d'ailleurs que certains passages du rapport de M. Jégou sur la médecine du travail et la pénibilité. J’aimerais citer le rapport de la commission des affaires sociales. Vous me direz si c’est de l’idéologie !
J’ai d’abord noté que la commission exprimait quelques doutes sur ce texte. Elle souligne que la réforme de la médecine du travail ne doit pas être l’occasion d’une perte de sa vocation. On peut également lire sous la plume du rapporteur qu’il serait dangereux de confondre santé de l’individu et santé du travailleur. Il s’interroge bien sur l’éventualité que la médecine du travail dévie de son objectif. Donc, ce débat est noble et légitime.
À cet égard, l’amendement n° 400, présenté par Jean-Pierre Godefroy va dans le sens de la reconnaissance du travailleur et non pas uniquement de l’individu. Le travailleur s’organise dans son entreprise, il est aussi l’objet de mécanismes collectifs, et c’est bien de cela qu’il s’agit dans l’amendement du groupe socialiste.
Je crois que vous aurez du mal à nous reprocher de faire de l’idéologie, et même si vous le faisiez, puisque cela vous reprend régulièrement – voilà deux fois que vous le faites en l’espace d’une heure – eh bien, laissez-moi vous dire que l’idéologie, c’est utile. On défend des idées qui reposent sur des convictions et sur une appréciation de la réalité. La réalité vécue par les travailleurs, c’est aussi qu’ils sont d’autant plus forts qu’ils s’organisent collectivement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je souscris totalement aux propos qu’a tenus Nicole Bricq sur notre supposée idéologie dans ces débats et notamment sur la question de la pénibilité.
J’ajoute d’ailleurs que nous avons été accusés non pas simplement de faire de l’idéologie mais aussi, sur la forme, de recourir à la caricature, aux imprécations, aux incantations, etc. Je ne vois franchement pas ce que, dans cet amendement, il peut y avoir d’idéologique, de caricatural, d’incantatoire ou d’imprécatoire. En réalité, cet amendement est d’une importance considérable. Pourquoi ? Parce que, dans la prise en compte future de la pénibilité, le dossier médical de santé a une importance toute particulière. Je serais même tenté de dire que ce dossier médical sera la pierre angulaire de la prise en compte de la pénibilité.
Or que nous dit-on ? Le rapporteur nous reproche d’entrer trop dans les détails et souligne que tout cela est d’ordre réglementaire. Peut-être, mais j’ai cherché en vain dans cet article le renvoi à un décret !
Le ministre nous dit également que notre amendement est trop détaillé. Mais ces détails ne visent à rien d’autre qu’à assurer aux salariés la prise en compte effective des facteurs de pénibilité auxquels il aura été exposé pendant sa carrière.
Je ne reviens pas sur ce que Jean-Pierre Godefroy nous a dit à propos de la confidentialité. Le ministre nous a donné des garanties selon lesquelles ce dossier médical ne suivrait pas le travailleur – contrairement à ce qu’on appelait autrefois le livret vert qui suivait ceux qui sortaient du bagne ! – et qu’il ne serait pas transmis aux employeurs, actuels ou futurs.
Il n’en reste pas moins que, sur le fond, il y a véritablement une divergence sur la manière dont nous assurons aux travailleurs toutes les garanties de prise en compte de la pénibilité. Je ne prendrai que trois exemples.
Premièrement, nous demandons que ce dossier médical de santé au travail, dont il est simplement dit, dans l’article 25, qu’il est « constitué par le médecin du travail », soit actualisé. Mes chers collègues, vous avez, comme nous-mêmes, des doutes sur la traçabilité des risques. Quelle est la meilleure garantie de traçabilité que l’actualisation régulière de ce dossier ? Par conséquent, refuser l’actualisation, c’est totalement incompréhensible.
Deuxièmement, nous demandons que l’actualisation du dossier médical soit effectuée « dans le cadre de visites médicales régulières, y compris à la demande du travailleur ». Comment peut-on refuser, au regard de la traçabilité et de la prise en compte des risques, que ces visites médicales soient régulières ? Vous avez très bien compris qu’il ne s’agit pas d’une visite médicale par semaine mais qu’il s’agit en fait d’une régularité dans l’examen de l’état du travailleur.
Troisièmement – et c’est sur ce point que cet article pèche franchement par un certain flou, pour ne pas dire plus –, dans ce dossier médical seront consignées, sans autre forme de détail, les expositions auxquelles aura été soumis le travailleur. Nous allons plus loin en demandant que ces expositions soient précisées a minima. Nous demandons que, dans ce dossier, puissent apparaître « les postes de travail, les conditions de travail, …
… les expositions à des facteurs de pénibilité et à des risques professionnels auxquels le travailleur a et a été soumis ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit là d’amendements a minima mais qui montrent bien les divergences que nous pouvons avoir dans l’appréciation et dans la mesure des risques de pénibilité auxquels sont confrontés les travailleurs de notre pays.
C’est la raison pour laquelle je ne comprendrai vraiment pas pourquoi, au moins sur les trois aspects que j’ai cités, vous ne prendriez pas en compte nos demandes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je souscris totalement aux propos de mes collègues, d’abord de Jean-Pierre Godefroy, qui a rédigé cet amendement, puis de Nicole Bricq et de Jean-Pierre Caffet. Je voudrais ajouter un argument pour vous expliquer notre incompréhension devant les deux avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
Ce dossier médical de santé au travail est un des points de clarification de votre projet de loi. On pourrait effectivement y attacher le terme d’ « avancée » au regard de l’intérêt des travailleurs et de la prévention de la pénibilité au travail.
C’est donc un apport qui vous est proposé à travers la rédaction plus précise de l'amendement n° 400. Tel que Jean-Pierre Godefroy l’a rédigé, cet amendement réalise une synthèse subtile et bien nécessaire entre l’approche individualisée et l’approche collective, dont nous avons tous reconnu tout à l’heure qu’il fallait vraisemblablement arriver à les embrasser toutes les deux à la fois. L’amendement n° 400 nous le permet, me semble-t-il, tout à fait.
Il apporte des garanties au travailleur : traçabilité de sa carrière, suivi médical, confidentialité. Mais certaines dispositions, en particulier au deuxième et au troisième alinéa, sont d’une utilité collective évidente. À partir du dossier individuel, le médecin du travail, qui, lui, peut opérer des rapprochements entre la situation de chacun des employés de l’entreprise, qui a une capacité de synthèse, de repérage des conditions de risque concret, est armé pour faire avancer la réflexion dans l’entreprise pour la mise en sécurité des travailleurs.
Donc, votre refus de prendre en compte cet amendement – je m’adresse surtout à vous, monsieur le rapporteur, qui avez, de bonne foi, fait avancer le texte – est tout à fait incompréhensible.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre je voudrais vous répondre sur un point que vous avez soulevé concernant la médecine du travail.
Un article paru le 1er octobre dernier fait état de l’inquiétude des professionnels et des organisations quant à l’orientation de ce projet de loi du Gouvernement : « Nous allons être pris dans un piège », redoute un médecin du travail. Dans un système où l’employeur garde le pouvoir sur les services de santé au travail, les actions menées vont être assujetties au bon vouloir de la partie patronale. Que va-t-il se passer, par exemple, quand dans les commissions de projet, désormais dirigées par les employeurs, les objectifs des professionnels de santé et ceux de la direction divergeront ? Le sujet est d’autant plus inquiétant que la définition faite des missions des services de santé s’assimile davantage à une gestion des risques qu’à une évaluation des dangers pour la santé. »
Un autre point abordé dans cet article concerne la mise en garde du conseil de l’Ordre, qui est donc relativement récente.
Le point le plus important qu’a soulevé le conseil de l’Ordre a trait à l’indépendance des médecins, « qui ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance. Il ne peut appartenir au directeur de service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux. Le directeur doit se centrer sur un rôle de coordination et d’organisation du travail, indispensable au bon fonctionnement du service, et doit être le facilitateur des missions que la loi confie aux médecins ».
Monsieur le ministre, arrêtez de déformer en permanence nos propos ! Le parti socialiste a toujours été respectueux du corps médical et de l’humanisme dont il fait preuve. L'amendement n° 400 tend à apporter des précisions utiles sur les critères objectifs de la pénibilité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 987.
Le ministre du travail vient de quitter l’hémicycle, mais, monsieur de Raincourt, vous qui le représentez, je suis certaine que vous lui transmettrez mes observations.
Je voulais lui dire que ses propos et son projet de loi portent le sceau d’une idéologie tendant vers l’ultralibéralisme, qui se traduit par une diminution des garanties collectives des salariés et un accroissement de la liberté et des profits des actionnaires. Cela fait penser à un renard en liberté dans un poulailler ! §
Le ministre du travail est un vrai prestidigitateur : il nous présente les contraintes aggravées par le projet de loi, qui pèsent sur les médecins du travail comme une indépendance croissante.
Certes, les médecins du travail comme les magistrats sont techniquement indépendants. Mais, comme ces derniers sont sous la tutelle du parquet, donc de l’exécutif, les médecins du travail sont malheureusement de plus en plus sous la pression du patronat qui leur met des bâtons dans les roues, afin de contrôler la santé, les conditions de travail, les accidents des salariés.
M. Woerth, comme Mme Hermange d’ailleurs, nous a ensuite présenté la transformation de la pénibilité du travail en invalidité comme le paradis, comme la protection maximum pour les travailleurs !
Quand on voit l’acharnement du patronat à refuser de reconnaître devant les tribunaux sa responsabilité pour des cas individuels – je pense à l’amiante qui a fait des centaines de malades et de morts, même si elle est devenue une affaire collective, je pense aussi aux produits toxiques ou au stress au travail –, on comprend que seule une reconnaissance de la pénibilité collective des métiers obligerait le patronat et l’État à tenir compte de la pénibilité du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Je mets aux voix l'amendement n° 987.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 52 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 359 rectifié.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 401, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication des informations médicales mentionnées à l'alinéa précédent est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Il s’agit d’un amendement de précaution, malheureusement inspiré par l’expérience.
Son objet est de garantir la confidentialité du dossier médical en santé au travail et de prémunir les médecins, mais surtout les salariés des services de santé au travail, d’éventuelles pressions. En effet, si un médecin est, dans ce domaine et par définition, protégé par le secret médical, il n’en est pas de même pour les salariés, infirmiers et assistants.
Monsieur le ministre, c’est d’ailleurs l’une des faiblesses majeures du dispositif de santé au travail tel que vous le concevez, non seulement financé mais dirigé par les employeurs.
Nous souhaitons donc que soient inscrites dans la loi des sanctions sévères à l’encontre de ceux – employeurs éventuels, organismes de crédit, assurances ou autres – qui tenteraient d’obtenir communication de données médicales contenues dans le dossier.
Nous devons en effet être attentifs à ce que la traçabilité des expositions ne se retourne pas contre le salarié. La communication des informations, en cas d’exposition, peut aboutir à ce que le salarié ne puisse changer d’emploi, ou en retrouver un après un licenciement.
La situation la plus grave pourrait toucher les nombreux intérimaires et titulaires de contrats à durée déterminée utilisés – je crois que c’est le seul mot qui convienne, hors celui d’exploités – par des sous-traitants de groupes industriels.
L’exemple le plus connu de ces procédés est évidemment celui des centrales nucléaires. Les plus grandes entreprises n’hésitent pas à recourir à une véritable externalisation des risques, en faisant porter la pression sur des PME sous-traitantes, lesquelles recourent à des salariés très qualifiés, mais qui ne bénéficient pas pleinement des mesures de protection applicables chez le donneur d’ordre.
Cet exemple n’est malheureusement pas exclusif. La question doit aussi être soulevée dans les branches les plus pathogènes telles que l’agro-alimentaire, le BTP et la chimie.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ces points. Mais il est d’ores et déjà certain, en raison même du dispositif d’incapacité que vous avez retenu, que des salariés auront un dossier médical malheureusement fourni et lourd de menaces de maladies à effet différé.
Dans certaines branches, notamment celles que je viens de citer, il est bien évident que les employeurs ne voudront pas courir le risque d’embaucher des salariés qui pourraient représenter un risque financier.
Il est donc indispensable que nous établissions dès maintenant des bornes à tout dérapage de ce genre, en proposant d’appliquer des peines d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
La mesure demandée est déjà satisfaite puisque, nous l’avons déjà dit, le dossier est couvert par le secret médical, en vertu de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique.
Madame Jarraud-Vergnolle, le Gouvernement partage tout à fait votre préoccupation, mais le secret médical ne se coupe pas en morceaux : il existe ou il n’existe pas !
En l’espèce, le secret médical s’applique et vous le reconnaissez d’ailleurs implicitement, puisque vous indiquez dans l’objet de votre amendement : « Les peines mentionnées sont celles prévues à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique », auquel faisait référence à l’instant le rapporteur.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de vingt amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 512 rectifié, présenté par MM. Pointereau, César, Cornu et Pillet, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 984, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Par cet amendement, nous souhaitons dire notre opposition à l’insertion d’un nouvel article au sein du code du travail que prévoit l’alinéa visé.
Le paragraphe II du présent article crée un nouveau document permettant le suivi individuel des salariés exposés à des facteurs de risques professionnels. À cet effet, il est inséré un nouvel article L. 4121-3-1 dans le code du travail, après l’article L. 4121-3 relatif à l’évaluation par l’employeur des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Ce nouveau document concerne non pas l’ensemble des travailleurs, mais uniquement ceux exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Selon les informations délivrées par le ministère du travail, les personnes visées seraient aussi bien les salariés du secteur privé que les agents des trois fonctions publiques.
Une nouvelle disposition indique les facteurs de risques professionnels pris en compte. Ceux-ci doivent être liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail. Il s’agit ainsi des critères arrêtés par les partenaires sociaux dans le projet d’accord de juillet 2008 sur la pénibilité au travail.
Ce document est établi par l’employeur, mais il nécessitera la collaboration du médecin du travail. Nous voyons donc bien à quel point cette réforme des retraites et les mesures touchant à la pénibilité sont liées, même si nous continuons à penser que les dispositions relatives à la médecine du travail n’ont rien à faire dans ce projet de loi.
Nous estimons que les solutions préconisées par ce texte ne vont pas dans le bon sens, dès lors que, pour bénéficier de mesures concrètes et de la reconnaissance de la pénibilité, la condition exigée serait que la santé du salarié soit déjà altérée ou que le salarié pâtisse d’ores et déjà d’une incapacité.
Or ce qu’attendent les salariés, c’est précisément de pouvoir bénéficier d’une période de retraite en bonne santé d’une durée identique aux autres salariés. Rappelons que l’espérance de vie est réduite d’au moins sept ans pour les salariés exposés !
Une fois de plus, la position du Gouvernement répond davantage aux souhaits du MEDEF qu’au problème posé.
Nous souhaitons donc vous rappeler que la seule mesure efficace pour les salariés qui arrivent au terme de leur carrière avec une exposition à la pénibilité est de leur permettre un départ anticipé, fonction de la durée d’exposition. Cette reconnaissance de la pénibilité doit être collective, reconnue par des accords de branche et non définie de cette manière dans la loi.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet alinéa.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 985, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Par cet amendement, nous voulons revenir sur le rôle que vous souhaitez donner à ce nouvel instrument, à savoir la fiche réalisée par l’employeur telle que mentionnée à l’article L. 4121-3-1 du code du travail.
Il s’agit de consigner dans cette fiche, pour les salariés exposés à des travaux pénibles, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue.
Cependant, s’il est précisé que cette fiche doit être établie en cohérence avec l’évaluation des risques prévus à l’article L. 4121-3, son statut n’est pas très clair. Ainsi, c’est l’employeur qui a la responsabilité à la fois de l’existence de cette fiche et de son contenu, le médecin du travail étant juste consulté. Cela n’augure pas d’une utilisation maximale de cette fiche.
Dans le cadre global de votre réforme, nous estimons que ce nouveau document a un objet très clair : définir individuellement le degré de pénibilité d’un poste pour un agent, et non la reconnaissance par branche de la pénibilité. Or axer la reconnaissance de la pénibilité sur le degré d’incapacité des salariés ne peut constituer que la voie du démantèlement des précédents accords de branche.
Nous avions été habitués à ce que la reconnaissance légale d’une situation de fait aille dans le sens du progrès. En l’occurrence, il s’agit de l’inverse : reconnaître la pénibilité par la loi ne sert qu’à démanteler le travail de négociation sociale entre les partenaires et à atomiser toute dimension collective.
Nous continuons à considérer que la prévention reste la meilleure des approches en termes de médecine du travail et que la reconnaissance de la pénibilité ne peut trouver d’unique issue dans celle des incapacités.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet alinéa.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 363 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, MM. Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4121-3-1. - Afin de poursuivre la mise en œuvre d'une démarche de prévention dans l'entreprise, pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à un certain rythme de travail susceptible de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l'employeur consigne dans les conditions fixées par décret les facteurs auxquels le salarié est exposé et les mesures de prévention mises en œuvre au sein du document unique. »
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
Les alinéas 4 et 5 de l’article 25 visent à imposer, outre un dossier médical en santé au travail, une nouvelle obligation déclarative à l’employeur, qui devra consigner les conditions de pénibilité auxquelles le salarié est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue.
Cet amendement tend donc à proposer une nouvelle rédaction de ces deux alinéas afin que les facteurs d’exposition et les mesures de prévention mises en œuvre soient consignés au sein d’un seul et même document.
Il s’agit, d’une part, de préciser les facteurs de pénibilité auxquels le salarié est exposé ainsi que les mesures que l’employeur compte mettre en œuvre pour les prévenir et, d’autre part, d’alléger les démarches administratives auxquelles les très petites entreprises sont souvent confrontées.
L'amendement n° 535 rectifié, présenté par Mmes Procaccia et Hermange, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4121 -3 -1. - Afin de poursuivre la mise en œuvre d'une démarche de prévention dans l'entreprise, pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à un certain rythme de travail susceptible de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l'employeur consigne soit dans une fiche selon les modalités déterminées par décret soit au sein du document unique les facteurs auxquels le salarié est exposé et les mesures de prévention mises en œuvre.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Notre amendement est très proche de celui présenté par M. Plancade. Il vise à alléger les démarches administratives, qui sont lourdes pour les TPE.
Nous proposons donc de laisser le choix à l’entreprise de consigner, soit dans une fiche dont les modalités seront déterminées par décret, soit au sein d’un document unique, les facteurs auxquels le salarié est exposé et les mesures de prévention mises en œuvre.
L'amendement n° 402, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité ou de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif, notamment à des substances chimiques, mutagènes et reprotoxiques, à des risques psychosociaux ou à certains rythmes de travail...
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à prendre en compte l’ensemble des facteurs de pénibilité et de risques professionnels auxquels peuvent être soumis les travailleurs afin de mieux assurer leur protection.
Vous observerez tout d’abord, mes chers collègues, que nous citons les substances chimiques, mutagènes et reprotoxiques, dont l’utilisation est de plus en plus répandue en tant qu’éléments d’environnement agressif. Il nous paraît en effet nécessaire de préciser que l’environnement agressif ne se limite pas au bruit ou aux températures extrêmes. Il convient de clairement inscrire dans la loi que l’employeur devra mentionner ces substances dans la fiche d’exposition. Cette inscription implique également, vous l’aurez compris, que l’employeur devra prendre toutes mesures de sécurité.
Nous mentionnons ensuite les risques psychosociaux.
Ces risques ne sont pas facteurs de pénibilité en tant que tels. Néanmoins, ils appellent une prise de conscience. À cet égard, je vous renvoie à notre rapport d’information intitulé « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action ».
Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que l’employeur dénoncera lui-même en quelque sorte ses propres méthodes de management, source de stress et de troubles pour les salariés.
Cependant, nous savons que, dans un certain nombre de branches, le contact avec le public est malheureusement devenu une cause de stress. La question des raisons de cette évolution ne peut être résolue ici, ni par l’employeur au demeurant. Reste que le fait est là : les injures, pudiquement appelées incivilités, les menaces, certains comportements violents, notamment en milieu hospitalier, ne sont plus exceptionnels.
La concurrence de tous contre tous érigée en dogme économique mine les fondements de notre vie en commun.
Il est nécessaire que les salariés qui, de par leurs tâches, sont en première ligne dans l’accueil des clients, dans la fonction commerciale, le service après-vente – je pense à tous ceux qui travaillent sur des plateformes téléphoniques ou qui traitent avec des publics difficiles –, voient cette nouvelle forme de pénibilité reconnue. Nous ne devons pas oublier l’usure psychologique qu’elle provoque, le retentissement qu’elle a sur la qualité de vie personnelle et les relations familiales, l’épuisement mental qui peut en résulter, jusqu’à parfois, malheureusement, conduire au suicide.
L’employeur devrait donc être également tenu de mentionner ces conditions spécifiques de travail.
Ces remarques nous ramènent à la proposition numéro 13 de notre mission d’information sur le mal-être au travail, qui préconisait d’inscrire le stress post-traumatique dans le tableau des maladies professionnelles.
L'amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
contraintes physiques marquées
insérer les mots :
notamment, celles liées à la manutention manuelle de charges plus de vingt heures par semaine, au travail avec des machines et outils vibrants et à la répétition d'un même geste ou d'une série de gestes à cadence élevée plus de vingt heures par semaine,
Mon cher collègue, essayez d’être concis. Nous connaissons tous bien l’article 25 désormais.
J’ai écouté pendant une heure quarante-cinq les intervenants sur cet article…
Monsieur le président, vous n’avez pas à vous plaindre de la longueur des interventions du RDSE…
Nous considérons qu’il est nécessaire que la loi énumère avec précision les principales causes de cette pénibilité afin de garantir une prise en compte efficace de la pénibilité du travail.
Cet amendement vise donc à dresser une liste non limitative des contraintes physiques marquées induisant une pénibilité importante au travail.
Sont ainsi dégagés les emplois dans lesquels les travailleurs doivent porter des charges lourdes durant la majeure partie de leur temps de travail ou se servir de machines et outils vibrants, ce qui est notamment le cas dans les métiers du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Est également pris en compte le travail à la chaîne, car serait considérée comme une cause de pénibilité la répétition d’un ou de plusieurs gestes à cadence élevée pendant plus de la moitié du temps de travail.
L'amendement n° 362 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
environnement physique agressif
insérer les mots :
et notamment l'exposition à des nuisances sonores et des bruits nocifs, ou à l'exposition d'un ou plusieurs agents chimiques,
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
Le présent amendement, qui a le même objet que l’amendement précédent, vise à préciser la définition de l’environnement physique agressif. Nous sommes en effet favorables à un meilleur encadrement légal de cette notion.
Nous en détaillons donc les principales causes : l’exposition régulière à des nuisances sonores, qui peuvent engendrer des troubles auditifs graves, ou l’exposition à des agents chimiques. Ce dernier point a pour objectif de mettre en avant la lutte contre les polluants présents sur les lieux de travail, notamment tous les cancérigènes.
L'amendement n° 988, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
à un environnement physique agressif
insérer les mots :
, à des risques psychosociaux
La parole est à M. François Autain.
Par cet amendement, nous proposons de compléter l’alinéa 4 de l’article 25 du présent projet de loi.
Comme vous le savez, l’article 25 vise deux documents distincts : le dossier médical en santé au travail et la fiche individuelle d’exposition aux risques. L’objet de cet amendement est d’intervenir sur le deuxième document.
Le présent projet de loi entend créer un nouveau document que l’employeur devra remplir. Ce document est destiné à assurer un meilleur suivi individuel des salariés exposés à des facteurs de risques professionnels.
La création de ce nouveau document appelle de notre part un certain nombre de remarques, que nous vous avons exposées lors de l’intervention sur cet article.
Nous craignons en effet que cette nouvelle obligation ne soit pas plus effective que les précédentes, avec lesquelles elle va coexister. Néanmoins, nous avons décidé de faire comme s’il n’en était rien. C’est pourquoi nous pensons que ce document doit largement prendre en compte les « facteurs de risques professionnels ». Par notre amendement, nous proposons donc de compléter la liste légale des facteurs de risques professionnels devant donner lieu à la consignation par l’employeur dans cette fiche d’exposition aux risques.
Alors que cet article vise les contraintes physiques marquées, un environnement physique agressif ou certains rythmes de travail, il oublie les risques psychosociaux, susceptibles, eux aussi, de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé d’un travailleur.
La liste retenue par cet article nous semble donc beaucoup trop réductrice. Nous pensons que la loi elle-même doit faire référence à ces risques même si, ensuite, un décret est censé entrer plus dans le détail. Ces risques psychosociaux sont maintenant très connus et identifiés.
Pendant ses travaux, la mission d’information consacrée au mal-être au travail, présidée par notre collègue Godefroy, dont l’intitulé même intègre cette dimension psychosociale du risque – ce n’est pas un hasard ! –, a auditionné un large spectre de spécialistes, qui ont tous décrit la réalité de ces troubles, leur genèse et leur gravité.
Ce phénomène déjà considérable ne fait que s’amplifier en ce début de siècle où le travail est mal en point, car dénaturé, défiguré par la financiarisation de l’économie et ses exigences inhumaines de productivité. Le travailleur, on le presse et, une fois qu’il est usé, on le jette.
Le temps nous manquerait pour développer ici tous les aspects des pressions insupportables que notre système de production ultra-compétitif et les méthodes de management qui en découlent font peser sur les travailleurs. Le stress au travail avec toutes les pathologies qui en découlent constitue une composante bientôt prédominante de la pénibilité.
Même le rapport du député Jean-Frédéric Poisson de juin 2008 pointait ces risques psychosociaux qu’il nommait « pénibilité psychique ou mentale ». Il faut donc les ajouter dans la liste de l’alinéa 4 de l’article 25 du présent texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 604 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf, Beaumont et Gilles, Mme Hermange et MM. Darniche et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
sur sa santé,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
l'employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l'employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.
La parole est à M. Philippe Dominati.
Afin que la fiche individuelle d'exposition ne devienne pas un document strictement à charge pour l'employeur, il convient de prévoir qu'il peut également y consigner les mesures de prévention qu’il a prises pour faire disparaître ou pour réduire les facteurs de pénibilité durant cette même durée d'exposition.
Il convient que cette catégorie soit prise en compte dans la loi afin que le modèle de fiche, qui sera fixé par arrêté du ministre du travail, mentionne une rubrique « mesures de prévention prises par l'employeur ».
Tel est l’objet de cet amendement.
L'amendement n° 989, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
employeur
ajouter les mots :
y compris celui visé aux articles L. 1251-2 et 1251-60 du code du travail, et en lien avec le médecin du travail,
La parole est à M. Guy Fischer.
Par cet amendement, nous proposons de compléter l’alinéa 4 de l’article 25 du présent projet de loi, qui concerne la fiche individuelle d’exposition aux facteurs de risques professionnels.
Comme vous le savez, cet alinéa entend créer un nouveau document, que l’employeur devra remplir. Ce document est destiné à assurer un meilleur suivi individuel des salariés exposés à des facteurs de risques professionnels.
La création de ce nouveau document a suscité chez nous des remarques et des réserves. Nous vous les avons déjà exposées. Mais puisqu’il est question de faire de ce document un document destiné à assurer un meilleur suivi individuel du salarié exposé à des facteurs de risques professionnels, il faut lui donner le champ d’application le plus large possible.
Dans son rapport, page 185, M. Leclerc nous dit que, selon des informations délivrées par le ministère du travail, les travailleurs visés par ce document seraient aussi bien les salariés du secteur privé que ceux du secteur public, issus des trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière.
Si cela devait être confirmé – et nous vous posons d’ailleurs la question, monsieur le ministre –, nous pensons que ce serait une bonne chose. En effet, les risques professionnels touchant aussi bien les salariés du privé que ceux du public, il est logique que ce document existe là aussi.
Maintenant, nous vous proposons de poursuivre dans la logique qui consiste à dire que tous les travailleurs doivent être concernés. Tous les employeurs doivent donc être tenus de remplir ce document d’exposition aux facteurs de risques professionnels.
C’est le sens de notre amendement.
L'amendement n° 523, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :
Alinéa 4, troisième phrase :
Compléter cette phrase par les mots :
qui la transmet au médecin du travail
Cet amendement n'est pas soutenu.
J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.
Cet amendement permet de garantir que la fiche consignant les expositions à des facteurs de pénibilité auxquels a été soumis le travailleur sera non seulement transmise au service de santé au travail, mais également au médecin du travail chargé de son suivi médical.
Cette fiche est en effet destinée à alimenter le dossier médical de santé au travail, auquel seul le médecin du travail a accès.
L'amendement n° 606 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf, Beaumont et Gilles, Mme Hermange et MM. Darniche et J. Gautier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, troisième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
à sa demande
La parole est à M. Philippe Dominati.
Il convient de ne pas surcharger les services de santé au travail en les faisant destinataires de l’ensemble des fiches individuelles d’exposition de l’ensemble des salariés, ce qui pourrait rendre rapidement le système ingérable.
Par ailleurs, il n’est pas précisé quand, où et selon quelle fréquence la transmission de la fiche individuelle d’exposition doit avoir lieu. Cette transmission devra-t-elle intervenir tous les ans ? Tous les cinq ans ? Tous les dix ans ? Cela n’est pas précisé pour l’instant.
Le but de cet amendement est de donner la fréquence de cette transmission, qui sera fixée par les services de santé du travail. C’est à la demande des services de santé que cette fiche devrait être transmise.
L'amendement n° 403, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, avant la dernière phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document ou de les contester devant l'inspecteur du travail.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Concernant le contenu de la fiche d’exposition, l’inquiétude est manifestement partagée dans cette enceinte, même si c’est pour des motifs différents. Certains de nos collègues de la majorité y voient une nouvelle contrainte pour l’employeur, alors que cette fiche existe déjà et que le projet de loi ne prévoit en réalité qu’une extension du dispositif existant.
Ce point de vue est d’ailleurs surprenant puisque des accords ont été signés par les partenaires sociaux. Permettez-moi de vous citer l’accord du 4 décembre 2009 dans le secteur de la métallurgie.
Afin de réaliser la traçabilité, « l’entreprise établit et conserve les fiches d’exposition et la liste des salariés exposés aux risques chimiques, mutagènes, toxiques pour la reproduction. Elle établit et conserve la liste des salariés soumis à surveillance médicale renforcée, du fait notamment de leur exposition à des agents physiques et chimiques ».
Et l’accord ajoute : « Cette démarche de traçabilité devrait progressivement se développer pour viser d’autres risques, en liaison avec les services de santé au travail, dans le cadre des orientations de la CNAM et des partenaires sociaux.
« Les expositions fortes et durables du passé, dûment établies, qui n’ont fait l’objet d’aucune mesure de prévention, sont considérées comme pénibles. »
Manifestement, nous ne sommes pas là dans une atmosphère craintive de la part des représentants des employeurs qui ont signé ce texte. Au contraire, la prise de conscience semble être acquise et partagée.
La vraie question est donc celle de l’application non seulement de la loi, mais aussi d’accords comme celui-ci dans les entreprises.
Pour notre part, nous sommes plutôt inquiets de ce que la fiche d’exposition pourrait ne pas contenir. II est bien évident que certains employeurs – pas tous, bien entendu –, compte tenu de la modulation des cotisations à la branche accidents du travail–maladies professionnelles, trouveront peut-être préférable de ne pas mentionner la totalité des expositions.
Nous sommes ici dans un schéma analogue à celui de la sous-déclaration chronique des accidents du travail.
C’est pourquoi nous proposons que le salarié dispose d’un droit explicite de rectification sur les informations contenues dans ce document et qu’il puisse les contester devant l’inspecteur du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 404, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
après avis du Conseil d'orientation sur les conditions de travail
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Chacun aura compris l’importance de la fiche d’exposition pour la traçabilité des expositions auxquelles aura été soumis le travailleur.
II nous semble donc utile que le Gouvernement s’entoure, pour l’élaboration du modèle de cette fiche, de toutes les garanties. Nous proposons que le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, formule un avis sur l’établissement de ce modèle. L’énumération de ses missions comporte précisément un avis sur les projets de loi, les décrets et les arrêtés ministériels. Compte tenu de l’importance du sujet, nous souhaitons donc que la saisine du COCT soit clairement mentionnée.
Mais je voudrais, mes chers collègues, appeler votre attention sur un point précis. Le COCT a été installé par l’éphémère ministre du travail Xavier Darcos, en application d’un décret du 25 novembre 2008. II réunit les membres du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels et de la Commission nationale d’hygiène et de sécurité en agriculture.
Le comité permanent comprend onze membres de départements ministériels concernés, huit représentants des employeurs, huit représentants des partenaires sociaux et quinze personnalités qualifiées désignées en raison de leurs compétences médicales techniques ou organisationnelles.
Surtout, il comporte un « observatoire de la pénibilité chargé d’apprécier la nature des activités pénibles, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie ». On peut donc imaginer que l’observatoire fera des propositions en vue de réduire la pénibilité. Tel est le cas, mais le décret de 2008 précise que « l’observatoire proposera au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités ».
La pénibilité pourra être prise en compte par l’octroi, par exemple, de temps de pause ou de jours de congé supplémentaires, mais elle ne devrait pas avoir d’incidence sur l’âge de départ à la retraite.
On voit donc clairement que, dès 2008, c’est-à-dire alors que la négociation sur la pénibilité se poursuivait entre les partenaires sociaux, le Gouvernement interdisait à un organisme qu’il mettait en place de tirer toutes les conséquences en matière d’âge de la retraite des expositions à la pénibilité.
Il reprenait en cela très exactement les propositions du MEDEF, en face des syndicats, dans la négociation. On peut dire que le Gouvernement fait ici preuve d’une totale transparence dans ses méthodes, que nous connaissons déjà, mais aussi dans son existence même.
Les amendements n° 607 rectifié bis et 986 sont identiques.
L'amendement n° 607 rectifié bis est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont, Gilles, Darniche et J. Gautier.
L'amendement n° 986 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 607 rectifié bis.
Le dernier alinéa du présent article, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, prévoit qu’une copie de la fiche individuelle d’exposition sera remise au salarié à son départ de l’entreprise en cas d’arrêt de travail prolongé ou de déclaration de maladie professionnelle. Une copie de cette fiche sera également disponible pour les ayants droit de l’intéressé, en cas de décès ou de grande incapacité.
Une telle rédaction dénature la logique de prévention de la pénibilité et d’amélioration générale des conditions de travail. Comme l’a dit le ministre du travail, l’enjeu du dispositif proposé par la réforme consiste à prévenir et à réduire toute pénibilité pour les salariés, en bonne intelligence avec les entreprises, non de mettre en accusation ces mêmes entreprises, au risque de faire peser de graves menaces sur l’emploi.
Cette disposition n’est pas non plus sans risque pour le salarié, tout nouvel employeur pouvant également exiger ou tenter d’obtenir la copie du document avant toute décision d’embauche, ce qui induirait un concept de « pénibilité portable », pouvant, là encore, créer des effets pervers en termes d’emploi.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 986.
Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 5 de cet article. Par cet amendement, nous souhaitons une nouvelle fois montrer que la pénibilité du parcours professionnel doit faire l’objet d’un accord national interprofessionnel.
Nous ne remettons en cause ni l’utilité du dossier médical ni la nécessité de généraliser la traçabilité des risques auxquels les salariés sont exposés tout au long de leur carrière professionnelle.
Mais nous avons déjà exposé à plusieurs reprises que ces dispositions essentielles à la construction d’une politique de prévention des risques professionnels et de la pénibilité n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la réforme des retraites, mais relèvent d’une réflexion plus globale sur la santé au travail, que nous aurions souhaité voir menée, de même que les organisations syndicales.
À la place, l’alinéa 5 – qui est à l’image de cet article dans son ensemble – reprend l’essentiel des positions du MEDEF. Il s’agit d’imposer la « démédicalisation » de la prévention des risques professionnels et d’organiser la disparition d’une spécialité médicale indispensable.
Incomplet, imprécis, cet article 25 a été voulu par le Gouvernement uniquement parce que le dossier médical en santé au travail comme le document d’information sur l’exposition aux risques sont des supports nécessaires au dispositif maintenant à 60 ans l’âge de départ à la retraite pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et justifiant d’un taux d’incapacité d’au moins 20 %, dispositif supposé compenser la pénibilité au travail.
Nos craintes portent essentiellement sur le manque d’indépendance des médecins du travail vis-à-vis des employeurs et sur une certaine stigmatisation des salariés victimes de leurs conditions de travail. Les dispositions de cet alinéa nous amènent à croire que vous méconnaissez le code du travail et que vous n’avez jamais entendu parler de l’obligation pour l’employeur de remettre au salarié une attestation d’exposition aux risques.
Le recensement des postes pénibles et la remise d’une copie de cette fameuse fiche, en vue de l’amélioration des conditions de travail et de la mise en place de surveillance post-professionnelle renforcée, devraient se faire dans ce cadre général.
Pourquoi attendre que le salarié parte de son entreprise ou pire encore qu’il soit en arrêt de maladie pour l’informer sur les risques professionnels qu’il a encourus ?
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 5.
L'amendement n° 405, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
travailleur
insérer les mots :
chaque année et
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Cet amendement propose, comme dans le cas du dossier médical en santé, que le travailleur soit destinataire chaque année de la fiche d’exposition le concernant. C’est un droit élémentaire pour celui qui est exposé à un risque professionnel de manière contrainte que de savoir ce qu’il subit et ce qu’il risque.
Toute information concernant la santé du salarié doit lui être communiquée. C’est pour nous une évidence, et surtout un droit qui ne doit pas lui être dénié. Le secret en la matière implique ou impliquerait le soupçon.
Deux éléments peuvent être ajoutés.
II est souvent reproché aux salariés de ne pas suivre avec soin les préconisations en matière de sécurité, ce qui est en partie fondé. Malheureusement, la pression que beaucoup subissent les amène à négliger de suivre parfaitement ces préconisations. Paradoxalement, c’est pour satisfaire ceux-là même qui les accusent de négligence en matière de sécurité que nombre de salariés négligent d’abord leur propre santé et leur propre sécurité, par exemple pour gagner du temps.
La connaissance annuelle de leur fiche d’exposition peut donc être une mesure salutaire en ce qu’elle permettrait aux salariés de prendre conscience que leur santé est menacée et par quels facteurs elle est menacée.
À partir de cette prise de conscience, une modification des comportements est possible. La fiche d’exposition aux risques peut y contribuer. C’est un élément sur lequel, me semble-t-il, nous pouvons tous être d’accord.
Au-delà de cela, le salarié doit pouvoir, s’il le souhaite, s’il s’interroge sur ses conditions de travail et d’exposition aux risques, consulter son médecin référent ou demander une visite médicale au médecin du travail. Pour celui-ci, avoir connaissance des risques auxquels est exposé le salarié sera un renseignement important.
Tels sont les objets de notre amendement.
L'amendement n° 406, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les informations contenues dans ce document sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Cet amendement, qui devrait rassurer notre collègue Philippe Dominati, auteur de l’amendement n °607 rectifié bis, est analogue à celui que nous avons présenté sur le dossier médical en santé. Il s’agit de préserver la confidentialité de la fiche d’exposition et d’éviter que celle-ci ne soit communiquée à d’autres employeurs éventuels du salarié concerné.
Il pourrait en effet résulter de cette communication que des salariés n’ayant déclenché aucune maladie mais ayant par exemple été déjà exposés à des substances CMR – cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques – soient considérés comme prématurément usés, donc inemployables par une nouvelle entreprise, notamment dans la même branche d’activité.
Ce serait en quelque sorte pour eux la double peine : l’épée de Damoclès de la maladie et l’impossibilité de retrouver un emploi !
L'amendement n° 407, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le non respect de cette obligation est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Cet amendement est la conséquence logique de notre amendement présenté à l’instant par notre collègue Jean-Pierre Godefroy puisqu’il vise à mettre en place une sanction en cas de non-respect de l’obligation de transmission de la fiche d’exposition au salarié lors de son départ de l’entreprise ou en cas d’arrêt de plus de quarante-cinq jours ou de maladie professionnelle.
Pour la crédibilité de cette obligation, et afin d’inciter à son respect systématique, il importe que l’obligation de transmission de la fiche d’exposition au salarié, particulièrement importante pour faire constater les expositions, soit assortie d’une sanction.
Vous avez refusé que le salarié soit destinataire d’un exemplaire de son dossier médical lorsqu’il quitte l’entreprise.
Si le salarié n’est pas destinataire de sa fiche d’exposition de manière obligatoire et assortie d’une sanction, il n’aura aucun document en mains pour éclairer à la fois les médecins et les juges en cas de survenue d’une maladie éventuellement liée à des facteurs de risques professionnels après son départ de l’entreprise. Seules des expertises longues et onéreuses pourront y remédier.
Le fait que le salarié dispose de cette fiche, comme l’employeur, permettra d’éviter tout risque de perte ou de destruction accidentelle.
Votre dispositif relatif à la compensation de la pénibilité n’est qu’un dispositif d’invalidité à l’instant t. Il ne prend en considération que les effets d’accidents ou de maladies déjà survenus et ayant laissé des séquelles mesurables.
Les maladies à effet différé, qui sont en train de se développer, ne sont pas prises en compte. Pour qu’elles soient reconnues, il est indispensable que le salarié puisse prouver le lien entre son ou ses anciens postes de travail et la survenue de sa maladie.
Notre amendement vise à assurer la transmission de la fiche d’exposition, afin que le salarié concerné soit éventuellement en mesure de prouver ce lien.
L’amendement n° 984, qui vise à supprimer le troisième alinéa de l’article 25, est contraire à l’esprit du texte. La commission émet donc un avis défavorable.
Il en va de même de l’amendement n° 985, qui est également un amendement de suppression.
L’amendement n° 363 rectifié tend à revenir sur la création de la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels que l’employeur doit remplir. Avis défavorable.
L’amendement n° 535 rectifié a le même objet, mais au motif que la création de la fiche individuelle constitue une démarche administrative de plus. Or nous avons justement précisé que cette fiche avait vocation à se substituer aux différentes fiches d’exposition actuelles. L’objectif est bien de simplifier, de rationaliser l’ensemble de tous les documents que l’employeur doit renseigner en matière de prévention des risques professionnels. Comme vous le savez, le document unique de prévention des risques auquel fait référence l’amendement est de nature collective. Or nous voulons individualiser cette traçabilité.
L’amendement n° 402 vise à supprimer le quatrième alinéa, qui donne une base légale aux facteurs de pénibilité par rapport aux discussions entre partenaires sociaux jusqu’en 2008. Il est inutile de mentionner les éléments d’environnement agressif, car on a l’intitulé générique ; le reste sera développé par décret. Avis défavorable.
L’amendement n° 361 rectifié tend également à préciser les facteurs de risques professionnels, liés cette fois-ci à des contraintes physiques marquées. Même réponse que précédemment : cela relèvera d’un décret, en fonction des déclinaisons qui seront apportées. Avis défavorable.
L’amendement n° 362 rectifié a pour objet de préciser les facteurs de risques liés à un environnement physique agressif ; ils seront déclinés. Là aussi, cela relève non pas d’un texte législatif, mais d’un décret. Avis défavorable.
Avis défavorable également sur l’amendement n° 988 : les risques psychosociaux ne font pas partie des fameux trois critères de pénibilité retenus jusqu’à présent dans le cadre des discussions entre partenaires et experts.
Dans son amendement n° 604 rectifié bis, notre collègue Philippe Dominati propose que la fiche individuelle d’exposition aux risques consigne également les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire les facteurs de pénibilité. La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.
Avis défavorable sur l’amendement n° 989. Je le répète, la fiche individuelle doit relever de l’employeur, qui en a l’autorité. Le médecin du travail aura connaissance de ce document puisqu’il sera versé au dossier médical. Par ailleurs, les travailleurs temporaires sont concernés par cette fiche individuelle, comme les autres.
L’amendement n° 1273, dont Gérard Dériot avait pris l’initiative, tend à faire en sorte que la fiche individuelle d’exposition, remplie par l’employeur, soit transmise au médecin du travail. Nous nous interrogeons donc sur l’utilité d’une telle disposition ; en effet, nous le savons, la fiche a vocation à être versée au dossier médical, qui est constitué et rempli par le médecin du travail. Avis de sagesse.
L’amendement n° 606 rectifié bis concerne toujours la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels ; il est proposé qu’elle soit transmise aux services de santé uniquement à leur demande, afin de ne pas les surcharger. Or il est important que ces services aient justement connaissance des fiches individuelles d’exposition, afin d’assurer le suivi médical professionnel et post-professionnel. Une transmission optionnelle pourrait donc créer certaines iniquités. Avis défavorable.
L’amendement n° 403 vise à permettre à tout salarié de demander une rectification des informations contenues dans sa fiche individuelle ou de la contester devant l’inspecteur du travail. La commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.
L’amendement n° 404 prévoit de recueillir l’avis du COCT avant de prendre l’arrêté fixant le modèle de la fiche individuelle d’exposition. Avis de sagesse.
Les amendements identiques n° 607 rectifié bis et 986 visent à supprimer l’alinéa 5.
Il s’agit de la fiche individuelle transmise au salarié après son départ de l’entreprise en cas d’arrêt de travail. La commission émet un avis défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 405 proposent que la fiche individuelle soit remise chaque année aux travailleurs. Nous pensons que c’est une procédure trop lourde pour être mise en œuvre. Avis défavorable.
L’amendement n° 406 a pour objet de rendre confidentielles les informations contenues dans la fiche. Avis de sagesse.
Enfin, l’amendement n° 407 vise à assortir le non-respect de la transmission de la fiche individuelle d’exposition aux risques d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros. Avis de sagesse.
Monsieur le président, je souhaite apporter quelques éléments complémentaires, même si mon avis est globalement le même que celui de M. le rapporteur.
Tout d’abord, je voudrais vous répondre sur l’amendement n° 535 rectifié, madame Procaccia. De notre point de vue, il faut maintenir les deux dispositifs parce que l’un est collectif et l’autre, individuel. Je sais bien que vous souhaitez à juste titre alléger les charges pesant sur les entreprises
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
… mais les deux sont nécessaires, d’autant qu’il ne s’agit pas de la même nature de fiche. Je vous propose donc de retirer cet amendement, madame la sénatrice.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 604 rectifié bis du sénateur Dominati. En effet, il a pour objet de préciser que la fiche contient des mesures de prévention, ce qui est évidemment une bonne chose.
Nous sommes également favorables à l’amendement n° 1237, qui est la reprise par la commission de l’amendement n° 523, déposé par M. Dériot. Il est effectivement nécessaire de transmettre la fiche au médecin du travail.
En revanche, et j’en suis désolé, monsieur Dominati, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 606 rectifié bis. Je sens une déception…
En effet, par cohérence avec ce que je viens d’indiquer, je pense que la transmission ne doit pas se faire à la demande du médecin de la sécurité sociale ; il faut qu’elle soit automatique.
Nous ne sommes pas non plus favorables à l’amendement n° 403. Le rôle de l’inspection du travail n’est, me semble-t-il, pas de modifier ou de rectifier la fiche.
Par contre, nous sommes favorables à l’amendement n° 404, présenté par M. Godefroy ; c’est évidemment une bonne chose de recueillir l’avis du COCT.
Nous sommes favorables aussi à l’amendement n° 406, qui porte sur la confidentialité de la fiche d’exposition.
Enfin, le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement n° 407. D’une part, le code du travail prévoit déjà des sanctions. D’autre part, une peine d’un an d’emprisonnement paraît quelque peu excessive.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 604 rectifié bis.
Permettez-moi de faire une citation : « L’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. »
Ce qu’il y a de bien avec les amendements de certains de nos collègues de la majorité – comme je l’ai déjà indiqué, même si l’un de nos amendements est identique à l’un de ceux qui ont été déposés par M. Dominati, les motivations n’en sont pas exactement les mêmes –, c’est qu’ils livrent parfois à notre sagacité quelques éléments de décryptage des dispositions dont nous débattons.
En effet, il s’agit pour ces collègues de faire en sorte que la fiche de pénibilité ne devienne pas une preuve d’accusation de l’employeur, pas un « document strictement à charge pour l’employeur », avez-vous dit, cher collègue Dominati, comme si ce document était fait pour ça !
Au contraire, la fameuse fiche de pénibilité ne vise en réalité qu’à dédouaner et déresponsabiliser l’employeur de toute conséquence éventuelle de la prolongation de la pénibilité.
Ce qui me semble le plus éclairant, dans la rédaction de cet amendement, c’est la formule suivante : « ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période ». Faire disparaître ou réduire les facteurs de pénibilité, cela signifie, de manière évidente, que la pénibilité est envisagée non comme quelque chose à combattre, mais comme quelque chose qui peut être admis dans des limites raisonnables.
En gros, on passe du principe de précaution au principe du risque calculé, du risque statistique, qui peut se matérialiser par un accident, une maladie professionnelle ou tout autre désordre. De fait, dans l’esprit des auteurs de cet amendement, l’accident ne serait plus de la responsabilité de l’employeur, mais de celle du salarié, cet imprudent !
Allez dire cela aux forgerons de Gueugnon, s’il en reste ! Allez le dire aux mineurs et aux anciens mineurs de Montceau-les-Mines et de Saint-Vallier ! Allez aussi le dire aux employés des restaurants du Sentier, qui travaillent dans des cuisines où il fait plus de 60 degrés en plein été.
C’est pourquoi, chers collègues, nous voterons contre de tels amendements qui ont pour seul objet de laisser croire, en tirant le débat le plus à droite possible, que le texte du Gouvernement et de la commission est modéré.
Je ne comprends pas que M. le rapporteur ait émis un avis de sagesse. Je vois bien quel est le souci de M. Dominati, à savoir éviter que la fiche individuelle d’exposition soit un document dans lequel l’employeur consigne qu’il fait de mauvaises choses. Voilà pourquoi M. Dominati propose que la fiche fasse état de ce qui était mauvais auparavant et de ce qui est positif maintenant. Mais je crois que l’employeur le fera de toute façon.
En tout état de cause, il faut savoir quel est le but. Ce n’est pas de faire une fiche sur l’ambiance dans l’entreprise, sur les objectifs patronaux, les objectifs à long terme. Le but est d’établir une réalité de type médical qui concerne la personne. Par conséquent, si l’employeur commence à atténuer tous les effets négatifs des conditions de travail, ce but est perdu de vue.
Une telle fiche ne doit pas viser deux objectifs différents. Elle ne peut pas à la fois spécifier les conditions de pénibilité, les contraintes auxquelles sont soumis les salariés et, parallèlement, recenser les aspects positifs, voire les circonstances atténuantes pour l’employeur. Ou alors personne n’y comprendra plus rien !
Monsieur Dominati, il faut un objectif premier. Or votre amendement vise deux objectifs contradictoires pour la même fiche. Je voterai donc contre.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 606 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 403.
J’ai entendu l’argument de M. le ministre, qui m’a objecté que le rôle de l’inspecteur du travail n’était pas d’accepter une telle contestation. Je souhaite donc rectifier cet amendement, monsieur le président, en supprimant, dans la phrase que je propose, les mots : « ou de les contester devant l’inspecteur du travail », ce qui permet de prévoir que la fiche précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document.
C’est habile !
Je suis donc saisi d’un amendement n° 403 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 4, avant la dernière phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document.
Quel est l’avis de la commission ?
Favorable. Ce n’était pas le rôle de l’inspection du travail, mais tout salarié a ce droit.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 990, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait, pour toute autre personne que celles autorisées par la loi, d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication des informations médicales contenues dans le dossier médical de santé au travail d'une personne, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Le dossier médical en santé au travail d’une personne est strictement personnel et confidentiel. Alors qu’il faisait partie du domaine réglementaire, la discussion concernant l’article 25 de la présente loi a permis de lui donner un caractère légal, reconnaissant par là même son intérêt.
Dans la même logique, nous demandons, par cet amendement, que soit sanctionné pour toute personne autre que celles autorisées par la loi le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication des informations médicales dans le dossier médical en santé au travail d’une personne.
Une telle infraction, selon cet amendement, serait punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il s’agit là d’une peine conforme à celle déjà prévue à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique punissant l’accès aux données contenue dans le dossier médical personnel.
Cet amendement a ainsi pour objet d’éviter que le dossier médical en santé au travail ne puisse devenir un obstacle à l’emploi de salariés et que les médecins ne subissent des pressions de la part d’employeurs pour avoir accès à certaines données qu’il contient. Certes, ils sont d’ores et déjà tenus par le secret professionnel, mais il s’agit simplement, par cet amendement, d’avoir une action dissuasive envers quiconque voudrait connaître, sans en avoir l’habilitation, le contenu du dossier médical.
Une telle mesure paraît donc de nature à garantir la confidentialité de ces informations personnelles en incriminant le fait d’en obtenir ou de tenter d’en obtenir la communication.
Le dossier médical est couvert par le secret lié à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique.
Quant aux sanctions proposées, elles rappellent énormément l’amendement défendu précédemment par M. Godefroy, qui prévoit un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
La commission émet un avis défavorable.
Nous ne comprenons pas très bien la position de la commission.
Cet amendement de notre groupe vise, concrètement, à donner un minimum de garanties de confidentialité au dossier médical personnel du salarié tel que créé par cet article 25.
Nous avons souligné que, d’une certaine manière, la création du dossier médical personnel du salarié, au titre de la médecine du travail, constituait une sorte de « doublonnage » du suivi naturellement accompli, conformément aux principes de la sécurité sociale, par le médecin de famille ou par le médecin référent.
Au demeurant, la carte Vitale, par principe, constitue déjà un excellent moyen de connaissance de la santé d’un assuré social, mais je n’insiste pas.
Toujours est-il que la confidentialité des données propres à chaque dossier de salarié doit être préservée au maximum.
Nous avons constaté, sans trop de surprise, à vrai dire, qu’aucune disposition pénale n’avait été inscrite dans le projet de loi pour toute éventuelle transmission de données qui ne respecterait pas les principes de confidentialité. De ce point de vue, nous n’avons aucune assurance qu’il n’y aura pas violation de ce dispositif.
Le texte de l’article stipule que seuls les professionnels de la médecine du travail et les professionnels assermentés visés aux articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du code de la santé publique, relatifs aux droits des malades, peuvent se faire communiquer toute information utile sur un dossier médical de salarié.
Comme la violation de ces articles est pénalement condamnée par une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende – nous n’inventons pas la peine ! – il est proposé que, par simple symétrie des formes, les mêmes dispositions soient appliquées en matière de protection des salariés suivis par les services de santé du travail.
Je souhaite apporter quelques précisions complémentaires pour que les choses soient bien claires vis-à-vis de cette question de la confidentialité des données consignées dans le dossier médical personnel des salariés.
Ce que nous voulons éviter très concrètement, c’est toute utilisation frauduleuse des éléments constitutifs du dossier, notamment dans des entreprises qui risquent fort, pour un certain nombre, de subir avant peu les offres alléchantes des organismes de retraite par capitalisation.
Nous souhaitons également éviter que toute instrumentalisation de la situation de santé d’un travailleur puisse être mise en œuvre pour le contraindre dans la relation qu’il peut entretenir avec l’entreprise.
Nous connaissons suffisamment de cas de salariés, de militants syndicaux ou politiques dans les entreprises qui ont été victimes d’une mise au placard sous forme d’affectation sur un poste de travail spécifiquement pénible pour vouloir nous prémunir de toute publicité sur le dossier médical personnel.
De même, puisque les formes du stress et de la pénibilité sont évolutives, comme le disait si bien François Fillon en 2003, on ne peut oublier que le fait de confiner un salarié à un poste de travail ne correspondant ni à sa formation ni à son approche professionnelle peut fort bien conduire à des situations de stress dommageables pour l’intégrité morale et psychologique de l’individu et qu’il est essentiel que la révélation de ces situations de stress et de pénibilité psychologique soit l’affaire d’un échange en toute confidentialité entre le salarié et le médecin du travail.
Voilà donc quelques raisons supplémentaires de voter en faveur de cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article 25.
Depuis le début de cette discussion, de nombreuses interventions sur les travées de la gauche, mais aussi celles de M. le ministre et de M. Fourcade, ont mêlé les sujets de la médecine du travail et de la pénibilité, ce qui est assez naturel.
Je remercie d’ailleurs notre collègue Fourcade d’avoir bien posé le problème au fond. Je ne sais pas, monsieur le ministre, s’il relève de l’idéologie, mais je suis sûre qu’un débat d’idée sépare la droite de la gauche : je veux parler de l’articulation entre l’individuel et le collectif.
Ce débat est important, notre collègue Jean-Pierre Sueur y est d’ailleurs revenu, mais il va courir tout au long des articles que nous allons maintenant examiner et des amendements que nous allons défendre de ce côté-ci de l’hémicycle.
Il y a vraiment, sur ce point, une différence de fond entre la gauche et la droite : nous, nous défendons, aux côtés des organisations syndicales, l’idée de la réparation collective de la pénibilité ; vous, vous défendez l’idée d’une réparation individualisée, fondée sur un avis médical.
Ce débat sur la place de l’individuel et celle du collectif est d’autant plus noble, monsieur Fourcade, qu’il a été, il y a une petite dizaine d’années, au cœur des échanges entre nous, socialistes français, et nos amis travaillistes anglais du New Labour. Nous avons toujours défendu l’idée qu’il fallait être capable, dans les temps modernes, d’articuler l’individuel et le collectif.
J’en veux pour preuve que le groupe socialiste du Sénat, suivi en cela par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, puis par le parti socialiste, a pris l’initiative de défendre l’action de groupe en matière de responsabilité civile. En effet, nous reconnaissons aux individus le droit de se regrouper pour défendre ce qu’ils estiment être leurs droits. Face à nous, le Gouvernement a toujours refusé cette possibilité – alors qu’il prétend défendre les droits de l’individu – parce que, comme cela a été dit encore aujourd’hui, le MEDEF n’en veut pas !
Une autre différence nous sépare, précisément au sujet des retraites. Nous établissons, nous, un lien entre la retraite et la pénibilité, alors que vous, vous vous interrogez encore sur l’interaction entre la pénibilité et l’avenir des retraites, car vous ne prenez pas vraiment en compte l’espérance de vie.
Vous prenez une mesure d’âge, mais vous ne prenez absolument pas en compte le fait qu’un ouvrier vit moins longtemps qu’un cadre !
À partir de là, il est évident qu’un désaccord de fond nous oppose sur ce projet de loi, et je ne crois pas qu’il tienne à une idéologie quelconque : il tient à la réalité, aux faits, qui sont têtus, à l’objectivité des situations. Vous avez refusé, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, d’entendre la voix des travailleurs, aussi bien au Parlement que dans la rue : ils vous disent pourtant que certains vivent moins longtemps que d’autres et qu’il faut en tenir compte pour la retraite !
Il existe évidemment un lien entre la manière dont on vit le travail, la pénibilité révélée par des maladies bien identifiées – elles le sont du reste, tout le monde le sait – et l’espérance de vie. Mais vous ne voulez pas l’entendre !
Comprenez que nous ayons pris le temps de défendre des amendements, et nous continuerons de le faire lorsque nous entamerons l’examen des articles suivants.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mon propos sera très bref, puisque je veux simplement indiquer le sens du vote de notre groupe : de même que nous sommes abstenus sur les amendements de suppression, nous nous abstiendrons sur l’article.
Nous avons essayé d’établir un dialogue pour que ce texte soit amélioré. Certaines de nos propositions ont été retenues, nous vous en remercions, mais l’ensemble n’est pas suffisamment significatif pour nous amener à voter cet article et mes collègues vous ont exposé toutes les raisons pour lesquelles un tel vote n’est pas possible.
Puisque je dispose de quelques instants, je voudrais revenir sur la question de savoir si la réparation doit être individuelle ou collective. Je défendrai toujours l’idée que les deux possibilités doivent être envisagées et je ne veux pas me laisser enfermer dans un débat entre individuel et collectif. Il faut évidemment qu’une réparation collective soit possible, mais une réparation individuelle doit aussi pouvoir être obtenue. Pourquoi ?
Je reprendrai le cas de l’amiante, que je connais un peu. La justice a reconnu la responsabilité de l’employeur, sur le terrain de la faute inexcusable, et estimé que, dans le cas de la Direction des constructions navales, par exemple, l’entreprise en tant que telle était concernée. Certains contestent parfois ce dernier choix ; je ne le conteste pas, quant à moi, parce que je connais les conditions de travail et je sais que tout le monde était exposé à l’amiante.
En revanche, puisque seule l’entreprise a été retenue comme responsable, tous les salariés des entreprises sous-traitantes qui venaient y travailler n’arrivent pas à faire valoir leurs droits et ne sont pas reconnus comme ayant été exposés à l’amiante. C’est pourquoi l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, demande une procédure d’indemnisation individuelle depuis longtemps. Mais, chaque fois, elle se fait « retoquer ».
Comment les choses se passaient-elles ? Dans ces ateliers, travaillaient non seulement les salariés des sous-traitants, mais aussi des femmes de ménage. Elles sont souvent dans l’incapacité de reconstituer leur carrière, parce que les entreprises qui les employaient ont disparu. Quand bien même elles arriveraient à obtenir cette reconstitution, elles ne pourraient pas faire valoir qu’elles ont été exposées à l’amiante parce que les entreprises qui les employaient ne figurent pas parmi celles qui sont reconnues comme ayant exposé leurs salariés.
J’ai donc la conviction profonde qu’il ne faut pas opposer les deux modes de réparation. Dans certains cas, c’est peut-être une branche professionnelle dans son ensemble qui devra être reconnue comme ayant exposé ses salariés à un risque, dans d’autres cas, il faudra ouvrir la possibilité d’engager des procédures individuelles.
Il serait bon de remettre ces questions à l’étude, afin que, lors de la rédaction des décrets et en fonction de l’évolution de cette loi, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, on réfléchisse bien à « mixer » ces deux possibilités pour ouvrir des droits à la retraite anticipée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Cet article 25, qui entame la discussion sur la question de la pénibilité du travail et de son éventuelle prise en compte dans le calcul du droit à la retraite, ne peut décemment être présenté comme une avancée sociale fondamentale pour les salariés.
Le texte de cet article constitue une nouvelle régression et, pour cette raison, nous voterons contre.
La discussion déjà entreprise a largement montré que les attendus de la réforme de 2003, tels que nous les avons rappelés dans une autre intervention, n’ont pas conduit à autre chose qu’à constater un « surplace » remarquable de la négociation collective sur la question des conditions de travail. On sait que les entreprises ont poussé jusqu’au bout pour que cette négociation n’aboutisse pas et qu’il s’agit, pour elles, d’un point fondamental.
Ainsi, la position initiale du ministre des affaires sociales de l’époque, François Fillon, appelé depuis à d’autres fonctions, s’est traduite dans les faits par une négociation inachevée dans la plus grande partie des branches professionnelles. Dire que c’est avec la « carotte » de la pénibilité et l’inextricable dispositif des « carrières longues », dont la portée a été largement réduite par le décret du 30 octobre 2003, que le gouvernement de l’époque avait gagné, grâce à la division du front syndical !
La pénibilité, dans la loi Fillon, était cantonnée au domaine de la négociation collective et l’on devait, pour rester dans l’esprit de la réforme, ouvrir un round de négociations, mais sans la moindre obligation de résultats, ce qui nous a valu d’assister au pénible spectacle des parties patronales repoussant sans cesse toute conclusion d’accord convenable du point de vue des objectifs fixés.
Ce qui va être mis en place avec l’article 25 et les suivants, notamment l’article 25 quater, va-t-il suffire à améliorer la situation ? En partie, peut-être. Mais, sur le fond, permettez-moi d’en douter puisque tout est fait, dans le texte, pour individualiser – voilà le problème ! – le plus possible la question de la réparation et entretenir une confusion entre pénibilité et handicap, dont la motivation profonde est de placer un nombre croissant de salariés en situation de devoir prolonger plus que de raison leur activité professionnelle, et au seul motif que ni leur dossier médical personnel ni les services de santé au travail n’auront validé la prise en compte d’une telle situation.
À l’absence de négociations porteuses de résultat, nous allons désormais ajouter l’arbitraire du suivi personnalisé.
Nous avions un socle : un pacte social que personne ne remettait en cause parce qu’il affirmait les garanties collectives : il y avait une prise en compte collective de la pénibilité par branche et une véritable volonté de globaliser les problèmes.
Eh bien, avec cet article 25, vous supprimez la prise en compte de la pénibilité d’un point de vue collectif, vous supprimez aussi la possibilité de rechercher la responsabilité collective des entreprises. Il n’y a pas de doute ! Aujourd’hui, en fait, vous abaissez le seuil des garanties collectives. C’est le « détricotage » qu’annonçait M. Kessler !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article 25.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
C’est avec cet article que s’ouvre le titre IV du projet de loi, consacré à la pénibilité, et dont le premier chapitre est intitulé « Prévention de la pénibilité ». Au regard des dispositions qu’il contient, je ne saurais dire s’il s’agit d’une formulation particulièrement optimiste ou tout à fait provocatrice, mais je ne m’étendrai pas sur le sujet pour l’instant, car nous aurons l’occasion d’y revenir.
Concernant l’article 25, deux mesures sont prévues et toutes deux nous semblent problématiques.
Première mesure : la création d’un carnet de santé au travail devenu, grâce à M. le rapporteur, un « dossier médical en santé au travail ». Soyons honnêtes : l’idée est intéressante, d’autant que la rédaction de ce dossier est confiée précisément à un médecin du travail.
Jusque-là, monsieur le ministre, rien à redire… À ceci près que, pour remplir ce dossier, encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de médecins du travail ! Pour qui connaît l’état déplorable de cette profession, en manque de reconnaissance, de moyens et surtout d’effectifs, vos dossiers médicaux risquent de rester dans leurs cartons ! Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’aujourd’hui chaque médecin du travail suit 3 000 salariés ?
Seconde mesure prévue par cet article : les fiches d’exposition. Il s’agit de l’exposition « à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur [la] santé »... Pourquoi tant de critères si précis et, de fait, trop restrictifs ?
Quand vous précisez que ces fiches seront non seulement rédigées par l’employeur, mais qu’en outre elles ne seront pas transmises au médecin du travail, qui en a été explicitement écarté, toute hésitation est levée : on sait qui a passé commande de cette disposition et on sait, du même coup, pourquoi les critères sont si restrictifs. La patronne des patrons pourrait bien ne pas être seulement la patronne des patrons !
Nous nous inquiétons également de la confidentialité de ces fiches qu’aucune disposition ne garantit. Au moment où, par exemple, l’avidité des assurances atteint des sommets pour connaître, par tous les moyens, chaque recoin de nos dossiers médicaux, afin de pouvoir mieux rejeter nos demandes ou les surtaxer, on peut craindre que cette absence totale de confidentialité ne soit, pour elles, pain bénit !
Fait bien plus grave encore, ces fiches peuvent être prétextes à refuser des embauches ultérieures, ce que M. Philippe Dominati, je crois, a appelé la « pénibilité portable ».
En réalité, nous avons présenté des amendements garantissant plus d’efficacité à la fois sur la traçabilité et sur la confidentialité. Il s’agissait vraiment d’amendements a minima, qui auraient pu lever nos craintes et nos suspicions.
Vous les avez rejetés, chers collègues de la majorité. Nous restons donc avec nos interrogations, nos craintes et nos suspicions et nous nous abstiendrons sur cet article 25.
À travers ces quelques interventions, monsieur le ministre, nous sommes revenus sur l’ensemble du débat et sur les questions essentielles que soulèvent vos propositions sur le sujet qui nous occupe.
On peut être beau joueur et, parce qu’on préfère être toujours positif, considérer certaines dispositions comme étant des bonnes idées. Mais, bizarrement, la bonne idée s’agissant de médecine du travail – avec, notamment, ce suivi médical – surgit non pas dans le cadre d’un texte de loi sur le travail ou sur la médecine du travail, mais à un moment où elle pourra servir d’outil essentiel pour remplacer, pour ce qui est de la pénibilité, le critère collectif par l’individualisation des critères.
Il y a bien entendu entre nous une grande différence politique. Vous pouvez dire « idéologique », ce terme entraînant immédiatement, à l’heure actuelle, une belle criminalisation des propos. Mais, de l’idéologie, vous en faites toute la journée ! En tous les cas, nous avons un désaccord politique et d’approche.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Certains ont parlé pendant longtemps de la question de la pénibilité, notamment à partir d’un élément : en 2003, la proposition d’allongement de la durée de cotisation de François Fillon a pu emporter l’adhésion, y compris celle d’un syndicat important, sur la base de l’engagement majeur d’une contrepartie en termes de pénibilité, conçue comme une négociation collective avec des critères collectifs.
D’ailleurs, les quelques discussions entamées à l’époque visaient à essayer de définir des critères collectifs ; elles n’étaient pas orientées vers le choix d’un suivi personnel ou l’observation des dégâts commis sur la santé de tel ou tel individu salarié.
Mes chers collègues, je vous demande un peu d’attention, car je vais vous lire un extrait des propos d’un membre du MEDEF, le PDG de Spie Batignolles, François-Xavier Clédat.
Arrêtez un peu d’aboyer !
« Un système de départ automatique, outre un coût trop élevé, […] reviendrait à créer des régimes spéciaux par profession ».
L’accusation est la suivante : en définissant, dans le cas d’une négociation collective, des critères liés, notamment, à la durée de vie en vue d’une possibilité de départ anticipé à la retraite – un an de moins, deux ans de moins ou encore des trimestres en moins –, on créerait un régime spécial par profession.
C’est exactement la position de fond du MEDEF !
M. Clédat ajoute : « Il ne doit pas suffire d’avoir exercé un métier pénible pour avoir le droit de partir en retraite plus tôt ». Il dit bien que la pénibilité n’est pas le critère ! « Il faut aussi des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés. » Les trois cumulés !
En gros, le salarié doit être à l’article de la mort pour qu’on lui dise : « Tu vas pouvoir partir un peu plus tôt. » C’est exactement ce qui est écrit et c’est un PDG qui parle !
M. David Assouline. Je ne caricature pas, je lis des propos qui sont retranscrits entre guillemets ! Je ne peux pas faire mieux !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
À ce stade de notre débat au Sénat, je veux rappeler qu’une fois passée la borne des 62 ans, le Gouvernement s’est mis à parler de pénibilité au pays. Il a même mené des campagnes de communication à la télévision, montrant par exemple une femme fatiguée à 60 ans et expliquant que, elle, elle pourrait partir. Du coup, certains ont cru qu’ils échapperaient au système des 62 ans et des 67 ans. Mais, on le voit dans ce débat, personne ne peut considérer aujourd’hui que la pénibilité de son travail lui vaudra des années en moins.
Vous avez beau dire, monsieur Woerth, le temps d’une interview pour laquelle vous êtes juste sorti de cet hémicycle avant d’y revenir, qu’il y avait sensiblement moins de monde aux manifestations, mais qu’il y avait tout de même suffisamment de monde et que, donc, il fallait expliquer plus… Sur cette question, il n’y a pas seulement des explications à donner : il y a des ouvertures à faire ! Eh bien, ces ouvertures, vous pouvez les faire, ici, au Sénat, pour montrer que, effectivement, vous prenez en compte la pénibilité.
Mais vous ne voulez pas ! Vous préférez vous en remettre, demain, à quelques décrets et à un dispositif qui tracera l’individu, plutôt que d’établir des droits collectifs.
Nous arrivons au terme de ce débat sur l’article 25, qui est effectivement un article particulièrement important dans ce projet de loi.
Il est vrai que le ministre a effectué un certain nombre d’avancées, notamment sur l’alinéa 4 et sur un point qui était extrêmement important pour nous : non seulement l’accès du travailleur à la fiche individuelle sur son exposition, mais également son droit, défendu par Jean-Pierre Godefroy, à la contester et à la faire rectifier.
Cela étant dit, nous sommes très déçus du rejet des amendements que nous avions présentés sur le début de cet article, notamment sur l’alinéa 2 tendant à définir le dossier médical. Nous avions demandé un certain nombre de précisions sur ce dossier et, très franchement, nous ne comprenons toujours pas pourquoi elles n’ont pas été acceptées par le Gouvernement.
De ce fait, le texte sur le dossier médical est particulièrement flou et n’offre pas de véritables garanties pour les salariés en matière de pénibilité du travail.
Sur le fond, je voudrais m’inscrire dans la lignée des interventions précédentes, notamment celles de Nicole Bricq et de Jean-Pierre Godefroy.
Bourdonnement sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Pierre Caffet. Si je vous dérange, madame Procaccia, vous pouvez toujours faire comme nous : sortir. Je vous réexpliquerai après !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Mme Catherine Procaccia. Mais je vous écoute avec beaucoup d’intérêt, mon cher collègue !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
La grande ligne de partage qui existe entre vous, membres de la majorité, et nous, membres de l’opposition, c’est la reconnaissance collective d’un certain nombre de facteurs de pénibilité du travail.
Tout simplement parce que le MEDEF n’a pas voulu aboutir sur des accords collectifs avec les organisations syndicales, vous épousez sa thèse et restez sur des facteurs individuels.
D’ailleurs, quand on examine l’amendement de notre collègue Philippe Dominati, sur lequel le Gouvernement a émis un avis favorable, …
Les bavardages se poursuivent sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, je vous demande encore quelques minutes de patience…
Je disais donc que cet amendement de notre collègue Philippe Dominati pousse cette logique jusqu’à l’absurde.
Je comprends son souci de faire en sorte que cette fiche ne soit pas à charge pour l’employeur. Mais il nous dit aussi que l’employeur va expliquer, dans ce document, ce qu’il a mis en œuvre pour réduire la pénibilité.
Mes chers collègues, nous avons tous visité, par exemple, des chantiers de construction ou de travaux publics. Il est clair qu’il y a, sur chaque chantier, des dizaines d’ouvriers qui font exactement le même métier et accomplissent les mêmes tâches. Selon la logique qui nous est proposée, le patron de l’entreprise de BTP concernée va donc devoir expliquer ce qu’il a fait, pour chaque salarié pris individuellement, afin de remédier à ses conditions de travail, alors que celles-ci sont rigoureusement identiques pour tous les salariés.
On voit bien que cet article 25 débouche sur une logique d’individualisation à outrance et on démontre, par là même, l’absurdité de pousser cette logique jusqu’à l’extrême, jusqu’à un système complètement...
Voilà !
Tel est donc le clivage qui existe entre vous et nous.
Je suis intimement convaincu que ce débat n’est pas clos et qu’il se poursuivra. Monsieur le ministre, la société française ne pourra pas rester sur la logique que vous avez imposée dans ce texte, une logique totalement individuelle. Un jour ou l’autre – très prochainement, je l’espère –, nous pourrons déboucher sur des mécanismes collectifs de reconnaissance de la pénibilité du travail, sur ce que Jean-Pierre Sueur appelait, au début de la discussion de cet article, des « facteurs objectifs ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mes chers collègues, il ne faut jamais séparer un concept du contexte dans lequel il peut évoluer.
On pourrait donc dire, au départ, que le dossier médical personnel est une bonne chose, en ce sens qu’il prend en considération les difficultés de la personne et son parcours professionnel. Mais nous avons assisté à une dérive de la fiche.
Celle-ci, au départ, devait être un élément collectif objectif, un document d’analyse. Est alors intervenu M. Philippe Dominati, qui est toujours en charge de la défense des dirigeants d’entreprise.
Il l’assume d’ailleurs… Vous pouvez lui poser la question, il ne prend pas du tout cela pour une insulte !
Il a fait en sorte que cette fiche n’ait plus maintenant de réalité. C’est simplement une appréciation… D’autant que – M. Dominati ne l’a peut-être pas précisé – il y a les sous-traitants. Comment un sous-traitant, une petite boîte, pourrait tenir à jour une telle fiche ? Il y a aussi les règles de sécurité qui ne sont pas toujours respectées. Et puis, il y a la fierté ouvrière. On a souvent vu des personnes, plutôt des jeunes, dire : « Ce n’est pas grave, je peux le faire. Je n’ai pas peur de m’exposer. Je n’ai pas peur de prendre des risques. Je n’ai pas peur de me confronter à des travaux pénibles ! »
Tout cela fait que cette fiche ne va pas exister.
De la même façon, on a refusé – M. Fourcade a été assez clair sur ce point – d’avoir une vision globale. Quels seraient les pesticides qui posent problèmes pour l’ensemble de la profession agricole ? Quels seraient les produits toxiques utilisés dans la chimie ?
Dès lors que nous ne disposons pas de cette vision collective globale, il est évident que le dossier personnalisé pâtira de cette absence d’appréciation générale des conditions de travail. Il devient alors un dossier à charge de la personne et se transforme en « boulet » pour elle.
Si l’on ne replace pas la pénibilité dans l’ensemble d’une profession, certains salariés n’oseront pas parler de leurs difficultés, car elles apparaîtront dans leur dossier, dans leur parcours professionnel. Nous aboutirons ainsi à un outil qui se retournera contre le salarié, alors que la volonté première était de l’aider.
Sans vision collective, sans reconnaissance du travail dans sa dimension sociologique – notamment au travers des branches professionnelles –, on a une vision médicale du social. Ce n’est pas ma vision ; ma vision du social, c’est garantir l’égalité de tous et, donc, reconnaître la pénibilité globalement, par branches professionnelles.
Par conséquent, je voterai contre cet article 25.
Depuis cet après-midi, nous tentons de légiférer par rapport au fait que, dans notre pays, des femmes et des hommes assument une activité professionnelle difficile, qu’ils n’ont pas choisie. Ils l’assument et, parfois, la subissent, parce que leurs origines, qu’elles soient sociales ou géographiques, leur manque de qualification professionnelle initiale, leur absence de cursus universitaire, voire un parcours scolaire erratique les cantonnent dans des métiers aux conditions d’exercice éprouvantes, sachant que, dans le même temps, souvent, leur rémunération ne leur permet aucun excès de dépense dans leur vie quotidienne. C’st aussi cela la réalité d’une partie de notre pays !
Ces travailleurs composent d’ailleurs paradoxalement cette France dont on dit qu’elle leur appartient puisque, souvent, en plus, ils se lèvent tôt !
Mais, pour eux, peu d’espoir de voir leur situation prospérer ou de s’épanouir dans l’acte de travail. Leur seule motivation, c’est leur fin de mois et, à plus ou moins longue échéance, la perspective d’une retraite dès que possible, pour ne plus subir un quotidien éreintant qui ne leur apporte aucune reconnaissance.
Par les services qu’ils assument, ces femmes et ces hommes nous permettent de vivre comme nous l’entendons ou le désirons.
Monsieur le ministre, essayez, de vous les représenter !
Ce sont les rippeurs, qui, au petit matin, par tous les temps, débarrassent nos rues.
Ce sont les agents d’entretien, qui nettoient les escaliers des immeubles des grandes cités où plus personne ne veut aller.
Ce sont les pêcheurs qui jettent leurs filets dans le froid tranchant.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
C’est insupportable pour vous, n’est-ce pas, d’entendre parler de ces réalités ?
Les pêcheurs sont surtout heureux quand ils peuvent les jeter, leurs filets !
Ce sont les ouvriers en travail posté, qui produisent de la valeur pour notre pays, en effectuant des gestes répétitifs, tandis que nous vaquons, cher collègue Sido, à nos occupations.
Ce sont aussi les métiers du bâtiment ou des grands chantiers que seules les grandes intempéries protègent d’une exposition à des conditions de travail trop pénibles.
Ce sont tous ces visages de femmes et d’hommes que nous croisons trop souvent sans les voir, alors même qu’ils nous ont gratifiés d’un service, dans une station-service, une administration surchargée – faute de moyens – ou une grande surface commerciale, généralement avant même les horaires d’ouverture
Et bien d’autres mériteraient d’être cités.
En légiférant sur le report de l’âge de la retraite et les conditions d’obtention du droit à pension, nous devrions toujours avoir à l’esprit la portée de nos décisions pour celles et ceux qui subissent un emploi pénible sans que cela se traduise par un certificat d’invalidité ou de handicap. Pour autant, monsieur le ministre, ces travailleurs seront usés physiquement et je ne peux croire que vous souhaitiez leur infliger deux ans de plus !
Pour contourner la réalité de ce recul social, vous inventez, aux articles 25 et suivants, des dispositions qui masquent l’agression physique supplémentaire que vous proposez au Parlement d’adopter à l’encontre de ces salariés.
Nous allons continuer de débattre du contenu du dossier médical et des fiches d’exposition, mais je tenais à vous dire que nous ne sommes pas dupes et que nous n’oublions pas l’essentiel de ce texte.
Sans doute, ces salariés ne vous interpelleront-ils pas vertement lorsque vous les rencontrerez dans votre commune, monsieur le ministre. Mais quand vous les croiserez sur le marché ou bien à l’occasion d’une inauguration, d’une fête d’école, et que vous leur direz : « Comment allez-vous ? », n’oubliez pas que, grâce à vous, ils en auront « repris » pour au moins deux ans de plus, parce que vous n’aurez pas voulu accepter une réalité qui n’est pas contestable, celle de la pénibilité, de l’usure du corps soumis à des travaux, des horaires et des lieux d’exercice d’une profession ayant des caractères spécifiques !
Refuser cette réalité, c’est leur refuser aussi une reconnaissance que nous leur devons tous. En leur disant : « Comment allez-vous ? », vous leur témoignerez localement un intérêt que, en tant que ministre, vous leur refusez dans un texte de portée nationale.
C’est à toutes ces femmes et ces hommes, qui vivront, monsieur le ministre, moins longtemps et beaucoup moins bien que vous-même, que nous penserons au moment de nous prononcer sur l’ensemble de ce texte et c’est déjà à elles et à eux que nous pensons en abstenant sur l’article 25.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Le groupe de l’Union centriste approuve la création du dossier médical en santé au travail et de la fiche d’exposition aux risques professionnels. Chacun, ici, estime d’ailleurs qu’il s’agit de mesures intéressantes.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Au-delà des postures ou des discours un peu excessifs, tout le monde, dans le fond, approuve ces dispositions, qui permettront, vous l’avez tous souligné, mes chers collègues, de réaliser des avancées.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ces mesures sont non seulement intéressantes, mais aussi incontournables, essentielles. Ayant travaillé dans le bâtiment et l’industrie chimique, je peux vous dire que nous aurions aimé, à l’époque, disposer du suivi médical que nous inscrivons aujourd’hui dans la loi.
De même, dans le cadre de l’enquête que nous avons menée sur les victimes de l’amiante, nous avons pu mesurer combien ces dossiers manquaient – et ce n’est pas Jean-Pierre Godefroy qui me contredira – pour indemniser tous ces travailleurs cassés et dont l’espérance de vie est parfois très diminuée. Cet article était donc vraiment indispensable.
Les dispositions prévues à l’article 25 s’avèrent d’autant plus utiles à nos yeux que notre groupe a déposé un amendement sur la pénibilité à effet différé et sur l’exposition aux risques professionnels entraînant une baisse de l’espérance de vie – nous l’examinerons un peu plus tard : je ne peux être plus précis !
Sourires.
J’entends bien qu’on oppose l’individuel au collectif. Pour ma part, je ne serai pas aussi formel. En effet, le suivi individuel personnalisé est indispensable pour ce qui concerne une affection qui reste après tout, quand il s’agit d’espérance de vie, très personnelle. Toutefois, c’est vrai, certaines personnes ayant suivi un parcours professionnel identique peuvent être concernées par un même problème.
Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, le développement de la jurisprudence permettra d’étendre, au fil du temps, les mesures prises précédemment. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour les victimes de l’amiante, et nous nous en réjouissons. C’est comme cela que, depuis un siècle, en matière de droit du travail, des progrès ont été réalisés.
En conclusion, notre groupe se félicite de la rédaction de l’article 25, fort justement amendé par notre ami Jean-Pierre Godefroy et le groupe socialiste. Il convenait en effet de préserver la confidentialité de ces documents, pour pouvoir, à l’avenir, progresser encore en matière de pénibilité.
Nous voterons donc cet article.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Je ne pensais pas intervenir, mais je ne résiste pas à l’envie de répondre à M. Repentin, qui décrit la pénibilité avec tant de lyrisme !
Toutefois, notre collègue a oublié de citer certaines catégories, la pénibilité n’étant reconnue qu’aux seuls salariés. Il aurait fallu évoquer également les agriculteurs
M. Thierry Repentin acquiesce.
Or, comme les agriculteurs, aux côtés desquels ils vivent, les vétérinaires de campagne connaissent – n’est-ce pas, cher Jean Bizet ? – des conditions d’exercice pénibles. Ils méritent également notre respect.
Je n’oppose pas la pénibilité des uns à celles des autres, je veux simplement que le tableau soit complet.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Chers collègues, je crois que l’on est en train de s’égarer.
Que les choses soient claires : qui n’est pas pour un suivi médical individualisé ? Le problème, c’est le contexte !
Vous êtes en train d’essayer de nous faire croire, ou plutôt de faire croire à ceux qui lisent nos débats – car c’est sans doute votre souci principal –, que le dossier médical individualisé constitue un très grand progrès et qu’il faut supprimer la notion de pénibilité par branche.
Disons-le tout net : le suivi individuel des salariés, prévu par le projet de loi, n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais encore faudrait-il que la médecine du travail soit suffisamment développée en France ! En effet, à l’heure actuelle, elle ne parvient pas à réaliser un quelconque suivi des salariés faute de moyens et, comme je l’ai déjà dit, parce que le patronat dresse des obstacles incommensurables contre son libre exercice auprès des salariés.
En fait, vous plaidez pour la reconnaissance de l’invalidité survenue chez les salariés les plus âgés ou les plus exposés. Soit. Mais cela ne saurait suffire !
Clameurs impatientes sur les travées de l’UMP.
La « pénibilité par branche », c’est tout à fait autre chose : c’est une garantie collective pour ceux qui, exerçant des métiers intrinsèquement pénibles, ont le droit de partir à la retraite avant les autres !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je mets aux voix l'article 25, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 53 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
Vous le savez, mon cher collègue, la conférence des présidents, a prévu que cette séance se poursuivrait « éventuellement la nuit ».
Eh bien, jusqu’au lever du soleil, me semble-t-il. (Nouveaux sourires.)
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.