Intervention de Michel Billout

Réunion du 16 octobre 2010 à 15h15
Réforme des retraites — Article 25

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’article 25 n’aborde que l’aspect préventif de la pénibilité, renvoyant au chapitre II « Compensation de la pénibilité » la discussion des modalités de compensations, qui sont majoritairement décrites comme catastrophiques par les acteurs sociaux.

Si l’on suit votre plan, on trouve, au nombre des moyens de prévention de la pénibilité, des outils nouveaux et des outils rénovés : le dossier médical en santé au travail, le DMST, le document sur l’exposition aux facteurs de risques professionnels, les services de santé au travail, les obligations de conclure des plans d’action ou des accords en faveur de la prévention de la pénibilité, la création d’un observatoire de la pénibilité.

Ces outils permettront-ils de mieux lutter contre l’altération de la santé des travailleurs et de prendre en compte la pénibilité du travail pour permettre un départ anticipé à la retraite ? Nous ne le pensons pas.

Pourtant, l’introduction dans le projet de loi de la thématique de la pénibilité, qui ne figure aujourd’hui que dans les accords professionnels de branche, aurait pu être une avancée. Malheureusement, il n’en est rien, car pour cela il aurait fallu lui reconnaître de vrais effets, dans un texte autonome. Or tel n’est pas le cas. La pénibilité est simplement le pont qui vous permet, dans la foulée, de remettre en cause la médecine du travail.

Le système que vous nous proposez n’est pas dénué de cohérence interne, mais vous suivez une mauvaise démarche. Votre approche de la prévention et de la compensation de la pénibilité est uniquement fondée sur l’individualisation. Mes collègues ont déjà amplement développé tout le mal que nous pensons de cette dérive.

L’article 25 comporte deux aspects et concerne deux documents distincts. Il vise à mettre en place un suivi professionnel et post-professionnel de chaque travailleur sur la base de deux documents, l’un relevant de l’employeur, l’autre du médecin du travail. De ce point de vue, il apporte, je le reconnais, quelques avancées.

La traçabilité des facteurs de risques professionnels auxquels les travailleurs sont exposés est en effet nécessaire. Dans un rapport sur le bilan de la réforme de la médecine du travail, publié en octobre 2007, l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dressait le constat suivant : « La traçabilité des expositions aux risques et le suivi longitudinal des salariés ne peuvent aujourd’hui être assurés correctement, faute d’outils adaptés. Le développement de tels outils constitue une priorité, dans un contexte marqué par le développement des risques à effets différés, d’une part, et de l’accroissement de la mobilité professionnelle, d’autre part ». Tout ce qui peut améliorer cette traçabilité est une avancée.

Vous donnez une valeur législative au dossier médical, c’est bien. La traduction dans la loi de la jurisprudence prévoyant que le dossier médical en santé au travail est constitué par le médecin du travail dans le respect du secret médical est aussi une avancée.

Malheureusement, nous sommes contraints de faire les constats suivants.

Comme vous le savez, il existe à ce jour de nombreux documents sur ce sujet : les fiches d’exposition à différents risques, l’attestation d’exposition aux agents chimiques, les notices de poste, les fiches d’entreprise, le document unique de prévention des risques et le plan de prévention des risques. Mais l’on constate que ces règles sont en général ignorées. Et lorsque l’on s’y réfère, elles sont souvent mal appliquées. C’est toute la différence qui sépare l’existence et l’effectivité d’une obligation.

Nous pourrions être favorables à la création d’un nouveau document, mais ne faudrait-il pas commencer par mieux appliquer les dispositions existantes, en prononçant des sanctions en cas de violation de ces obligations ?

La fiche d’exposition aux facteurs de risques professionnels est certes nécessaire, mais elle pose problème, car elle ne concerne que les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques. Or, qui décide ? C’est l’employeur ! De plus, la fiche ne s’impose pas à tous les employeurs. Nous proposerons donc des amendements visant à remédier à cette situation.

Au-delà de tout ce que je viens d’évoquer, le véritable problème tient au rôle que vous entendez faire jouer à la pénibilité que vous pensez tracer ainsi. Vous entendez créer un dispositif de compensation de la pénibilité au travail totalement individualisé. Vous ne reconnaissez aucun métier pénible en soi. Vous campez sur cette position qui contredit de très nombreux rapports. C’est cette approche individuelle et médicalisée de la pénibilité, en réalité de l’incapacité permanente partielle, qui est insupportable. Mais nous y reviendrons en temps voulu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion