Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 16 octobre 2010 à 15h15
Réforme des retraites — Article 25

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le ministre, avec le titre IV nous abordons l’une des parties les plus inacceptables de votre projet de loi.

Les dispositions que vous proposez en matière de pénibilité comportent en effet, je le redis, des aspects profondément humiliants.

En fait, il y a deux conceptions de la pénibilité.

Ou bien l’on considère, comme l’a fait Jean-Pierre Godefroy tout à l’heure, qu’il y a des facteurs objectifs de pénibilité et que ces facteurs, qu’il faut définir, ouvrent des droits.

Ou bien l’on considère, comme vous le faites, et c’est précisément ce qui est humiliant, qu’il revient au travailleur de prouver devant le médecin qu’il est à bout de force, qu’il est atteint dans sa chair, malade, « cassé », pour avoir accès aux mesures qui sont prévues dans votre dispositif.

Cette conception n’est pas la bonne, car elle revient à confondre pénibilité et invalidité. Or, il faut distinguer les droits qui sont liés à l’invalidité de ceux qui devraient être accordés au titre de la pénibilité.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours, j’ai évoqué les salariés du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui exercent un travail manuel, parfois très dur, durant toute leur carrière. J’ai cité le cas de salariés qui commencent à travailler à 16 ans, qui achèvent leur parcours professionnel à 60 ans, mais qui devront demain aller jusqu’à 62 ans. Vous m’avez répondu, à juste raison, que ces salariés étaient couverts par le dispositif des carrières longues.

Mais un couvreur, un carreleur ou un maçon qui commence à travailler à dix-huit ans n’est pas couvert par le dispositif des carrières longues. Demandez à leur employeur, à leur famille, à leurs compagnons si, après quarante-deux ans d’activité, ils peuvent vraiment continuer à exercer leur métier !

Un couvreur qui commence à travailler à dix-huit ans atteint 60 ans après quarante-deux ans d’activité. Mais pour atteindre 62 ans, il lui faudra quarante-quatre ans d’activité. Et pour bénéficier des dispositions prévues au titre IV du présent projet de loi, il devra alors démontrer à son médecin qu’il est en état d’invalidité. Tout le monde comprend ce qu’il y a de choquant dans cette situation.

Monsieur le ministre, pourquoi êtes-vous défavorable à ce qu’on définisse la pénibilité sur la base de facteurs objectifs ? Pourquoi tant d’acharnement à vous battre contre les facteurs objectifs de pénibilité ?

Nous aurons, lors de la discussion des prochains articles, l’occasion de revenir sur la médecine du travail qui est gravement mise à mal par les dispositions qui ont été adoptées à l’Assemblée nationale.

L’article 25 dispose que l’employeur consigne dans une fiche les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé. Il dispose également que : « En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie. » Je vois là une grande sollicitude, monsieur le ministre…

Mais enfin – je reprends ce qui a été dit par plusieurs de nos collègues –, pourquoi cette fameuse fiche est-elle établie du seul fait et sous la seule responsabilité de l’employeur ? Toute la logique des CHSCT devrait au contraire conduire – il y a de nombreux précédents – à un dialogue au sein de l’entreprise et à la saisine des partenaires sociaux sur cette question.

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