Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 16 octobre 2010 à 15h15
Réforme des retraites — Article 25

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre est aujourd’hui de sept ans. Nous ne sommes pas égaux face au vieillissement. Il faut en tirer les conséquences en légiférant sur la pénibilité au travail.

Ce projet de loi est cependant l’occasion, pour le Gouvernement, de montrer par quel biais il aborde la question de la pénibilité au travail qu’inaugure cet article 25. Il faut noter en effet qu’on entame cette discussion par le thème : « Dossier médical en santé au travail ».

Faut-il en conclure qu’un travail pénible handicape, dès lors que la prise en compte de la pénibilité, c’est arrêter de travailler quand, de toute façon, on n’est plus apte à rien ? Faut-il rappeler que la retraite est le droit à la vie et non à la survie ?

Le document contenant les fiches d’exposition lui-même va dans le sens du risque et non de la pénibilité : exposition aux agents chimiques, aux poussières d’amiantes, aux rayons ionisants, aux agents bactériologiques pathogènes.

On voit, dans la rédaction de cet article, la volonté très nette de ne pas reconnaître la compensation d’un vécu pénible, qui disparaît au profit de la réparation d’un dommage. La reconnaissance de la pénibilité est nécessaire même si elle n’est pas aisée.

Dans cet article, elle découle de la traçabilité de carrière des travailleurs en s’appuyant sur le dossier médical en santé au travail du médecin du travail et le document de l’exposition des risques. Mais rien ne laisse préjuger de l’objectivité de l’employeur à partir du moment où le médecin du travail sera sous sa tutelle.

Pendant que nous discutons de la théorie de la pénibilité, d’autres sont en train de la vivre au quotidien. Je pense en particulier aux ouvriers du bâtiment, aux travailleurs à la chaîne, aux ouvriers de l’agroalimentaire, aux agriculteurs, à ceux qui travaillent sur les revêtements routiers, et à tous ceux qui ont des emplois de nuit.

Comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Godefroy, les partenaires sociaux définissent la pénibilité comme résultant de « sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d’activités professionnelles qui laissent des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé des salariés, et qui sont susceptibles d’influer sur l’espérance de vie ».

Plus l’exposition est forte, plus les risques d’altération de l’état de santé augmentent.

Si le patronat défend un modèle de réparation individualisée, reposant sur l’avis médical, les syndicats, eux, défendent un modèle de réparation collective.

Le patronat juge que le modèle de réparation collective ignore les facteurs personnels entraînant une réduction de l’espérance de vie. Il faut d’ailleurs constater que le texte du Gouvernement va dans le sens du patronat.

Concernant la prise en charge de la pénibilité, le patronat considère qu’il revient à l’État et à la sécurité sociale d’assurer la majorité de son financement. Les syndicats, au contraire, estiment que cet effort doit être consenti par les entreprises, car ce sont elles qui sont les responsables des situations de travail pénible.

C’est cette approche qui permettrait une véritable prise de conscience des entreprises sur la qualité des conditions de travail et sur leurs initiatives pour les améliorer. Il y va de la santé d’une grande partie de nos concitoyens.

La position qui est la nôtre est de bon sens, puisqu’il revient aux entreprises d’indemniser ce dont elles sont responsables.

Le Gouvernement quant à lui peut, s’il le souhaite, suivre le point de vue du patronat et prendre à sa charge les dépenses encourues, mais, étant donné la situation actuelle des finances publiques, je doute qu’il choisisse cette option.

Monsieur le ministre, vous allez sans doute évoquer un poids fiscal de plus en plus lourd sur les entreprises. Mais, vous ne l’avez pas oublié, celles-ci ont déjà eu quelques avantages avec la suppression de la taxe professionnelle.

Si l’on parle en termes strictement budgétaires, la reconnaissance de la pénibilité, c’est de l’argent économisé par la suite pour la sécurité sociale ; ce sont des assurés qui n’iront pas consulter pour des pathologies graves et coûteuses ; ce sont également des gens qui vivront plus longtemps, et qui resteront donc consommateurs.

On peut toujours espérer, monsieur le ministre, que l’argument de la relance budgétaire par la prise en compte de la pénibilité vous séduira.

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