Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 2 décembre 2004 à 12h00
Loi de finances pour 2005 — Sécurité

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappellerai tout d'abord que, afin de répondre aux aspirations de nos concitoyens, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, la LOPSI, a défini les orientations d'une nouvelle politique de sécurité devant s'accompagner d'un effort budgétaire de grande ampleur.

Le volet financier de la LOPSI prévoit ainsi sur la période 2003-2007 la création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie nationales et l'allocation à ces deux forces d'une enveloppe financière de 5, 6 milliards d'euros.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2005 est primordial à deux égards.

D'une part, la troisième année d'exécution d'une loi de programmation quinquennale est souvent délicate, le respect des engagements ayant fréquemment tendance à fléchir. Or le projet de loi de finances pour 2005 maintient le cap fixé. En termes de crédits ouverts pour la police nationale, les mesures prévues dans le présent projet de loi de finances correspondent à la réalisation de 68 % de la programmation financière totale pour la période 2003-2007. Le taux d'exécution est donc légèrement en avance sur le tableau de marche, en dépit de quelques mesures de régulation budgétaire en 2003 et en 2004 sur les crédits immobiliers. En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le taux de réalisation en fin d'année 2005 devrait être proche de 61 %.

D'autre part, le projet de loi de finances pour 2005 sera le dernier budget à être examiné et voté selon les règles classiques. La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 s'appliquera complètement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Le projet de budget pour 2005 esquisse la réforme budgétaire et prépare la transition. Représentant 55 % du budget du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, l'agrégat « police nationale » s'établit à 5, 88 milliards d'euros, soit une progression de 2, 1 % par rapport à l'année 2004. Il prévoit la création de 500 emplois actifs et de 500 emplois administratifs. Le budget de la gendarmerie nationale, qui relève du ministère de la défense, atteint, quant à lui, 4, 84 milliards d'euros, soit une augmentation de 3, 4 % par rapport à 2004, montrant un rattrapage bienvenu.

Dans un contexte de progression du budget de l'Etat de 1, 8 % à périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 et d'une réduction nette des effectifs de la fonction publique de 7 188 emplois, les projets de budget de la police et de la gendarmerie nationales traduisent donc, cette année encore, la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.

Tous les syndicats de police que j'ai reçus ont d'ailleurs, quelles que soient leurs sensibilités et leurs interrogations sur certains choix dans l'affectation des moyens, considéré qu'il s'agissait d'un bon budget.

Mais il y a plus important encore que la hausse des moyens alloués à la sécurité. La pertinence et l'efficacité des choix opérés doivent en effet être saluées. Rien ne sert d'augmenter les moyens s'ils ne vont pas là où ils sont les plus utiles.

La baisse de la délinquance observée depuis plus de deux années, avant même que la mise en oeuvre de la LOPSI n'atteigne sa pleine efficacité, démontre que de meilleurs résultats dans la lutte contre la délinquance peuvent être obtenus rapidement si une volonté politique existe et si les bons choix sont faits. L'année 2003 a connu une baisse de 3, 38 % du nombre des crimes et des délits. La délinquance est ainsi repassée sous la barre symbolique des quatre millions de crimes et délits constatés franchie en 2001. Sur les dix premiers mois de l'année 2004, la baisse atteint même 4, 52 %.

Ces résultats d'ensemble sont imputables à l'efficacité accrue des forces de sécurité intérieure pour mettre fin à une relative impunité.

Le taux d'élucidation des crimes et délits est un bon indice de l'efficacité des services de sécurité. En 2001, le taux d'élucidation pour la police nationale était tombé à 24, 92 %. Toutefois, en 2002, ce taux s'est redressé, pour s'établir finalement en 2003 à 28, 83 %. Au premier semestre de l'année 2004, il atteint même 31, 52 %. Ces résultats valident a posteriori la pertinence des grandes réformes décidées et menées à bien depuis deux ans.

A cet égard, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2003, trois fonctionnaires de police sont décédés et 3 754 d'entre eux ont été blessés au cours d'opérations de police. Qu'il me soit permis, en mon nom personnel et au nom des membres de la commission des lois et de l'ensemble du Sénat, de leur rendre un hommage particulier.

Je ne détaillerai pas les chiffres de la délinquance qui, partout, sont à la baisse. Je ne développerai pas non plus l'ensemble des réformes engagées, tant elles sont nombreuses et importantes. Toutes s'inscrivent dans le cadre fixé par la LOPSI et sont donc menées dans la transparence démocratique. Elles ont été débattues et approuvées ; elles sont désormais mises en oeuvre. Je n'évoquerai que la réforme des corps et carrières, car elle me semble représentative de l'esprit qui anime la politique de sécurité intérieure.

Les discussions ont été engagées simultanément au sein de la police et de la gendarmerie. Elles ont abouti à deux projets de réforme convergents qui rapprochent les pyramides hiérarchiques, le management, les régimes indiciaires et les règles d'avancement des deux principales composantes des forces de sécurité intérieure. Pour la police nationale, le ministre et la quasi-totalité des organisations syndicales ont signé le protocole d'accord sur les corps et carrières du 17 juin 2004.

Plus qu'une simple réorganisation administrative, il s'agit d'introduire une gestion moderne des ressources humaines adaptée à une police de plus en plus qualifiée. Cette réforme modifie l'organisation des tâches afin de responsabiliser l'ensemble des fonctionnaires et de rapprocher le commandement du terrain. Il en résulte une élévation du niveau des qualifications exigées.

La réforme des corps et carrières offre également de nouvelles possibilités pour motiver les personnels en reconnaissant mieux le professionnalisme, les mérites et en leur redonnant des perspectives de carrière. Elle place le ministère de l'intérieur et la police à l'avant-garde de la réforme de l'Etat.

Ayant rencontré les syndicats, je peux vous affirmer que cette réforme suscite de nombreux espoirs et une très grande attente. Les premiers décrets ont déjà été publiés et les crédits ouverts en 2004 et pour 2005 donnent les moyens de la mettre en oeuvre. Je vous félicite, monsieur le ministre, pour cette diligence dans la mise en oeuvre de l'ensemble de ces textes. Cet effort devra se poursuivre avec constance jusqu'en 2012, afin que cette grande réforme indispensable soit menée à son terme.

Je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur quatre points qui mériteraient des précisions afin d'éclairer le Sénat.

Ma première question portera sur la création de l'Institut national de police scientifique, qui doit regrouper les services de la police scientifique et technique, afin notamment de mutualiser les moyens. Le décret portant création de cet institut, qui était attendu depuis trois ans, est enfin paru le 9 novembre dernier. Je vous en remercie. Toutefois, dans le projet de loi de finances pour 2005, une ligne budgétaire a bien été prévue, mais elle n'est pas abondée. De quels moyens cet organisme disposera-t-il, monsieur le ministre ? Par ailleurs, ne conviendrait-il pas également de regrouper au sein de cet institut les moyens de la police scientifique et de la gendarmerie nationale ?

Ma seconde question porte sur l'application de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, dont je fus le rapporteur. Cette loi offre la possibilité de délocaliser dans des salles d'audience situées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative les audiences devant le juge des libertés et de la détention des étrangers maintenus en rétention ou placés en zone d'attente. Or, cette faculté n'a pas encore été utilisée, alors même que les travaux parlementaires ont apporté de nombreuses garanties quant aux conditions de jugement et ont démontré les avantages de cette solution, qui permettrait de faire l'économie de nombreux fonctionnaires actifs actuellement affectés au transfèrement des étrangers et d'améliorer les conditions de vie des étrangers eux-mêmes. Quand de telles salles d'audience, notamment à Roissy, seront-elles enfin utilisées, monsieur le ministre ?

Ma troisième question sera plus générale. Le présent projet de loi de finances annonce la création nette de 1 000 emplois supplémentaires dans la police, qui s'inscrivent dans le déroulement normal de la LOPSI, après les créations de 1 900 emplois en 2003 et 1 000 en 2004. Toutefois, ces hausses d'effectifs ne sont pas toujours ressenties sur le terrain. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser l'affectation de ces effectifs supplémentaires et nous donner les raisons expliquant ce décalage entre les chiffres annoncés et la façon dont ils sont perçus ?

Ma quatrième et dernière question portera sur les personnels administratifs, techniques et scientifiques. Déjà l'année dernière, je m'étais permis d'attirer l'attention de votre prédécesseur sur le manque de considération de ces personnels, qui n'est pas sans effet sur l'attractivité de ces emplois. J'ajouterai que l'exercice d'un emploi administratif dans la police comporte certaines spécificités par rapport à un emploi équivalent dans une autre administration : les permanences et les astreintes sont en effet le lot de ces personnels administratifs et techniques qui épousent le rythme de travail des policiers.

Au cours de mes auditions, il m'est apparu que le sentiment d'abandon de ces personnels n'avait pas disparu, bien au contraire. Le projet de fusion des corps des personnels administratifs relevant de votre ministère, qui s'inscrit dans la démarche générale de rénovation de la gestion des ressources humaines au sein de l'Etat, suscite de nombreuses inquiétudes parmi ces personnels. Sans contester cette fusion, qui vise à remédier à l'émiettement dommageable de la fonction publique, je vous demande, monsieur le ministre, les mesures que vous proposez pour revaloriser ces emplois et tenir compte de leurs contraintes particulières par rapport à d'autres emplois dits administratifs. La réforme des corps et carrières ne pourra être menée à bien sans une ossature administrative forte, motivée et qualifiée.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a estimé que les crédits inscrits au titre de la police nationale dans le projet de loi de finances pour 2005 permettraient d'accompagner efficacement votre politique déterminée de lutte contre toutes les formes de délinquance. Il s'agit d'un bon budget, monsieur le ministre, je le souligne à titre personnel. La commission a donc émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits.

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