Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de rendre un hommage particulier à notre collègue Jean-Pierre Schosteck, mon prédécesseur dans cet exercice, qui a facilité ma tâche en me laissant un dossier très complet.
J'aurai également une pensée, en votre nom à tous, pour les sauveteurs décédés cette année, ainsi que pour les victimes du séisme qui a récemment frappé la Guadeloupe.
Le projet de budget de la sécurité civile pour l'année 2005 est une avancée à double titre.
D'une part, dans un contexte budgétaire difficile, il vient consacrer un soutien financier sans ambiguïté aux acteurs de la sécurité civile qui nous protègent quotidiennement.
D'autre part, il s'inscrit dans la lignée de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui a posé les principes fondamentaux d'une sécurité civile adaptée à son temps.
Sur le plan financier, tout d'abord, il s'agit de ce que l'on appelle un excellent budget, dans la mesure où il progresse de plus de 20 % par rapport à 2004, pour s'élever à 406 millions d'euros. Cette augmentation constitue un effort remarquable répondant à la croissance rapide de l'activité des services de secours et témoigne - est-il besoin de le préciser ? - du caractère prioritaire des missions de défense et de sécurité civiles pour notre pays.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions de ce bon budget. J'insisterai particulièrement sur le renforcement des capacités opérationnelles de la sécurité civile avec la création de 47 nouveaux emplois, notamment au profit des états-majors de zone et du groupement des moyens aériens. Ce dernier bénéficiera de l'augmentation des crédits consacrés aux investissements de l'Etat - plus 50% -, qui atteindront 115 millions d'euros en 2005, soit le quart du budget de la sécurité civile. Ces montants permettront en particulier l'acquisition de deux bombardiers d'eau et d'équipements favorisant la polyvalence des hélicoptères.
Par ailleurs, les 65 millions d'euros prévus pour le Fonds d'aide à l'investissement des services d'incendie et de secours - soit une hausse de 42 % - sont un gage de la volonté de l'Etat à la fois de rattraper le retard accumulé en la matière et de pérenniser l'aide aux collectivités locales pour compléter leurs efforts en direction des SDIS. J'ai bien noté que vous aviez le souci qu'il s'agisse d'une mise à disposition effective de crédits en 2005, et je serai vigilant sur ce point.
Au-delà de ces chiffres, dont je souhaite de nouveau souligner le caractère volontaire et l'importance, j'insisterai maintenant sur l'incidence de la loi du 13 août 2004, qui était attendue depuis des années par les acteurs des secours, sur le présent projet de budget et les suivants, mais aussi sur notre organisation et notre conception des secours.
La loi de 2004 vient d'abord corriger les lois de 1996 et de 2002, en clarifiant l'organisation de la sécurité civile comme son articulation financière, dont il nous appartient d'appréhender les nouveaux contours. En effet, elle stabilise le statut des SDIS en affirmant le rôle de pilotage des départements dans leur gestion tout en confirmant leur nature d'établissements publics autonomes. Le financement des SDIS est désormais surtout assuré par les départements, les contingents communaux étant gelés jusqu'au 1er janvier 2008, date à laquelle ils seront supprimés.
Cette prise en charge par les départements doit être favorisée par la substitution d'une nouvelle ressource dynamique, soit une part de la taxe sur les conventions d'assurance - 900 millions d'euros -, en lieu et place d'une part de leur dotation globale de fonctionnement - 880 millions d'euros.
La différence entre les deux doit financer la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, à part égale avec l'Etat.
Cette réforme met en oeuvre un système à géométrie variable, dont il va falloir évaluer et gérer les phases intermédiaires sur le plan financier.
Par exemple, l'Etat n'ayant contribué au financement de la nouvelle prestation en faveur des sapeurs-pompiers volontaires qu'à hauteur de 20 millions d'euros, il apparaît que des rapports d'étape seront nécessaires pour effectuer des corrections.
Je note toutefois avec satisfaction que vous avez confirmé, monsieur le ministre, que l'Etat élèverait sa participation au financement du dispositif à hauteur de 30 millions d'euros en 2006.
Il faut aussi rappeler que les SDIS prendront désormais en charge les dépenses résultant des opérations de secours.
Toutefois, monsieur le ministre, qu'en est-il du remboursement de leurs interventions en cas de carence des transporteurs sanitaires et de l'articulation de leurs missions respectives, questions qui ne semblent pas réglées ?
Sur le plan des investissements et des équipements, il est également évident que les inégalités existant entre les SDIS quant à leurs moyens ou aux risques encourus dans leurs zones d'intervention doivent être prises en considération, exigeant des réunions à niveaux périodiques et une pérennisation du FAI, le fonds d'aide à l'investissement des SDIS.
A ce titre, monsieur le ministre, pour dissiper la légitime inquiétude des collectivités locales, quel mécanisme prévoyez-vous pour réguler ces disparités ? Pourriez-vous nous indiquer vos intentions en vue de renforcer le lien de confiance et la prise en compte des inquiétudes des élus locaux quant à l'avenir des services départementaux d'incendie et de secours, qui constituent la colonne vertébrale de la sécurité civile dans notre pays ?
L'instance de ce nouveau partenariat ne pourrait-elle pas être la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, dont on pourrait en outre développer les missions d'évaluation ?
La loi du 13 août 2004 tend aussi à affirmer la reconnaissance de la nation envers ses sapeurs-pompiers ainsi que la dangerosité de leurs missions. Elle a logiquement tiré les conséquences de cette reconnaissance en améliorant les protections et la fin de carrière des sapeurs-pompiers professionnels et en instituant la prestation précitée en faveur des volontaires, afin de fidéliser leur engagement. Cela était bienvenu, mais cette reconnaissance n'implique-t-elle pas des changements dans l'organisation du service et des interventions, comme le préconise le rapport Pourny ?
Je voudrais aussi souligner que la loi du 13 août 2004 vise à modifier profondément les comportements.
Elle a tout d'abord pour objet d'améliorer les modalités de prévention et la gestion des crises en clarifiant les missions de chacun. L'institution des plans communaux et intercommunaux, ainsi que le développement et l'harmonisation des moyens de communications doivent venir limiter les risques encourus.
La prévention des risques doit être améliorée par la réforme de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, par la consolidation du dispositif français de défense civile avec la création du pôle de Cambrai, ainsi que par la création d'un conseil national de la sécurité civile, chargé de recenser les menaces.
La loi du 13 août 2004 traduit surtout la ferme volonté de faire de la sécurité civile « l'affaire de tous » en développant une véritable culture de sécurité civile. En effet, la France excelle dans le curatif, envoyant régulièrement ses équipes de secours à l'étranger, mais elle est en retard sur la prévention.
La réforme vise donc à diffuser cette culture dans l'ensemble de notre société par une formation scolaire ou la création des réserves communales, largement inspirée de nos travaux, en intégrant le bénévolat.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que tous les décrets d'application de la loi du 13 août 2004 seraient publiés dans le délai d'un an et il faut s'en féliciter.
Il reste maintenant à ouvrir un chantier important pour la sécurité civile, celui du développement d'une culture de gestion et d'évaluation.
Cette nouvelle culture aura aussi un impact important sur le fonctionnement des SDIS par sa prise en compte dans la formation des officiers sapeurs-pompiers, en cours de réforme.
De plus, le développement, déjà évoqué, du rôle d'évaluation de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours pourrait permettre la mise en place d'une banque de données facilitant la diffusion des bonnes pratiques.
Cette nouvelle gouvernance doit aboutir à la recherche permanente d'une meilleure adéquation entre les moyens mis en oeuvre et les besoins en cause compte tenu des exigences opérationnelles.
Pour conclure, monsieur le ministre, je tiens à vous faire part de mon adhésion à votre démarche ambitieuse de refondation de la sécurité civile, bien illustrée par cet excellent projet de budget.
La commission des lois a logiquement donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la sécurité civile. Sachez, monsieur le ministre, que vous pouvez compter sur notre concours et sur notre vigilance pour le succès de cette réforme essentielle de la modernisation de la sécurité civile dans le cadre d'un partenariat rétabli entre l'Etat et les collectivités territoriales, pour que la sécurité civile, mes chers collègues, soit effectivement et en permanence l'affaire de tous.