Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen de ce texte est l’occasion pour nous d’évoquer à nouveau la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME. Une fois encore, j’affirmerai que c’est une grande loi qui a eu toute sa place dans nos débats.
Et si l’on doit reconnaître la difficulté d’application de certaines dispositions de la LME, notamment celles qui sont relatives à l’urbanisme commercial, le Sénat peut se féliciter de son apport à ce texte, en particulier concernant les seuils d’autorisation d’installation des commerces. Nos débats avaient cependant eu lieu en attendant le projet de loi qui avait été promis dans un délai de six mois... Le délai d’attente réel montre combien il est difficile de traduire dans une loi le principe suivant : c’est l’urbanisme qui doit définir la place du commerce, et non le commerce qui doit dicter sa loi à l’urbanisme.
Avec le texte qui nous est proposé, nous pouvons travailler à la fois sur les centres-villes, dont nous voulons qu’ils restent les cœurs du commerce, et sur les entrées de villes, qui sont devenues des zones disgracieuses où l’expression esthétique est pour le moins désolante.
Notre collègue Ambroise Dupont fut le premier à s’être véritablement penché sur ce problème en 1994, en remettant, à la demande des ministres de l’environnement et de l’équipement, des transports et du tourisme, un rapport très intéressant mais déjà alarmant dans lequel il constatait que les entrées de ville étaient transformées en véritables couloirs de chalandise en concurrence directe avec le centre-ville.
Il dénonçait un laisser-faire dominant, des surfaces commerciales et des bâtiments industriels sans aucune prescription urbanistique ou architecturale, des zones faussement créatrices d’emplois, une dévitalisation des centres-villes, un excès d’affichage publicitaire et une dégradation des paysages.
Il est donc temps de rebâtir, sur de nouvelles bases, notre politique de régulation des implantations commerciales ; nous en avons tous pris conscience.
Comme rapporteur du groupe de travail constitué par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et ayant été chargée de faire le point dix-huit mois après l’application de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, j’avais fait un premier bilan, que j’avais voulu réaliste et objectif, de l’application de la réforme de l’urbanisme commercial, qui nous intéresse aujourd’hui.
Ma première observation portait sur le rôle des CDAC, les commissions départementales d’aménagement commercial, dont les missions ne me paraissaient pas claires, et sur les critères de décision, qui, de même, ne me paraissaient pas suffisamment définis, ce qui pouvait laisser perdurer un certain laxisme.
J’avais donc fait part de mes interrogations.
En outre, avant la publication du décret sur les nouvelles dispositions que nous avions adoptées, une période transitoire avait été aménagée avec des règles applicables aux extensions de magasins et d’ensembles commerciaux, mais l’interprétation plus que contestable de ces règles a occasionné une période de flottement dont les opérateurs ont abondamment profité, au mépris de l’objectif de la LME.
Ma deuxième observation portait sur l’absence d’outil statistique permettant d’évaluer l’impact de la libéralisation des implantations commerciales. On ne sait pas comment évolue la carte commerciale, ce qui donne lieu à des rumeurs alarmistes quant à une multiplication des installations d’équipements dont il est impossible de vérifier la réalité.
Enfin – et c’était ma troisième observation –, l’intégration de l’urbanisme commercial à l’urbanisme restait inachevée, puisque la réforme de l’urbanisme commercial par la LME était, je le rappelle, transitoire.
J’avais formulé, en conséquence, deux recommandations : d’une part, mettre en place un outil d’observation des équipements commerciaux permettant d’établir un bilan objectif de la LME ; d’autre part, élaborer un texte sur l’urbanisme commercial, c’est-à-dire non pas un texte sur le commerce, mais bien un texte sur l’urbanisme.
À ce sujet, je me référais aux éléments extrêmement intéressants contenus dans les travaux de notre regretté collègue député Jean-Paul Charié ou dans la contribution du Club des SCOT, dont j’avais retenu trois suggestions très simples : préciser et renforcer le pouvoir d’encadrement de l’activité commerciale par le SCOT, le schéma de cohérence territorial, et le PLU, le plan local d’urbanisme ; donner aux élus locaux la capacité de contrôler les changements d’activité commerciale ; faire du permis de construire le seul instrument d’autorisation de construction de nouveaux commerces.
Les permis de construire seraient délivrés, bien sûr, après contrôle de leur conformité aux règles d’urbanisme des PLU, eux-mêmes conformes aux SCOT, lesquels intègrent les DAC, les documents d’aménagement commercial.
Je me réjouis donc de l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de la proposition de loi de MM. Michel Piron et Patrick Ollier sur l’urbanisme commercial puisque ce texte tend à répondre aux différentes observations que j’avais formulées au nom du groupe de travail.
Ainsi, la proposition de loi, dans sa logique d’intégration de l’urbanisme commercial au reste de l’urbanisme, prévoit la disparition des CDAC. À l’avenir, les implantations commerciales seront autorisées par une décision de conformité du permis de construire avec le DAC.
Les nouvelles dispositions prévoient que le DAC sera le document maître en matière d’urbanisme commercial. C’est clairement dire que, désormais, le code de l’urbanisme prendra le pas sur le code de commerce.
Le SCOT pourra déterminer des zones de centre-ville où seul le PLU réglementera l’urbanisme commercial.
En dehors des centres-villes, le texte prévoit que le SCOT délimitera des zones où les implantations commerciales de plus de 1 000 mètres carrés devront faire l’objet d’une autorisation.
Plus précisément, ce sera le document d’aménagement commercial des SCOT qui déterminera les localisations préférentielles des commerces, en répondant aux exigences d’aménagement du territoire en matière de revitalisation des centres-villes, de diversité commerciale, de maintien du commerce de proximité, de desserte en transports.
À ce sujet, j’avais déposé, comme l’avaient d’ailleurs aussi fait nombre de nos collègues appartenant à différents groupes, un amendement à l’article 1er pour bien préciser que le DAC localise et non pas délimite dans les SCOT les zones d’implantations commerciales, le soin de délimiter celles-ci étant ainsi laissé au PLU, puisque le SCOT, en raison de sa nature stratégique et de son horizon à vingt ans, n’est pas l’outil adapté pour effectuer des délimitations.
Cette demande a été intégrée, et je tiens à exprimer ici ma satisfaction à notre excellent et déterminé rapporteur, Dominique Braye. Sur son initiative, la commission de l’économie a ainsi complété et amélioré, de manière tout à fait opportune, le texte de la proposition de loi.
Mes collègues du groupe de l’UMP et moi-même voterons donc cette proposition de loi complétée par la commission, texte qui, d’une part, tend à intégrer l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme pour que soit enfin prise en compte la notion d’aménagement du territoire et, d’autre part, vise à moraliser les règles d’installations ou d’extensions des surfaces commerciales face au développement désordonné des grandes surfaces depuis de trop nombreuses années !