Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après plusieurs reports, nous sommes amenés à examiner la proposition de loi visant à réformer l’urbanisme commercial.
Je souhaite, en préambule à cette intervention, dire notre adhésion à l’effort porté par cette proposition de loi pour intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun en organisant la disparition à terme du phénomène de double autorisation pour les implantations de surface commerciale.
Il s’agit d’une orientation que nous pouvons partager, car elle permet notamment de renforcer la cohérence entre développement des territoires et intervention des élus locaux.
Nous constatons avec satisfaction que nous sommes maintenant nombreux, au sein de notre assemblée, à reconnaître l’échec de la LME : à l’époque de la discussion de cette dernière, les sénateurs de mon groupe n’avaient eu de cesse de dénoncer les dangers et les écueils du projet de loi.
En matière d’urbanisme commercial, la LME a ainsi relevé de 300 à 1 000 mètres carrés le seuil au-delà duquel une autorisation spécifique est obligatoire pour tout agrandissement ou création de surface commerciale.
Le Gouvernement posait comme postulat que, grâce à la limitation des contraintes administratives, nous assisterions à une multiplication du nombre de centres commerciaux qui stimulerait par-là même la concurrence, ce qui ne manquerait pas de renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs.
Deux ans plus tard, force est de constater que le pouvoir d’achat de nos concitoyens est en berne et que les conséquences de la LME en matière d’urbanisme ont été désastreuses !
La LME a ainsi accéléré la désaffection des centres-villes et, à l’inverse, favorisé la création de 4 millions de mètres carrés en zone périphérique.
Nous regrettons que le présent texte ne prévoie pas un rabaissement des seuils de saisine, rabaissement que nous proposerons donc par voie d’amendement.
Par ailleurs, la LME a eu des effets absolument contestables du fait de la suppression des critères de « test économique » au sein des CDAC, et donc de la possibilité d’apprécier l’opportunité des constructions.
Cette suppression s’est faite au nom des traités européens et de la liberté d’installation ; nous trouvons là un nouvel exemple de l’absurdité du dogme de la concurrence libre et non faussée comme seul outil de régulation et d’aménagement des territoires.
Il me semble que les collectivités, si elles investissent en faveur des aménagements commerciaux, le font pour que les citoyens consommateurs trouvent une offre diversifiée de services au sein de ces zones, et que l’argent qu’elles investissent devrait donc leur donner un droit de regard sur le développement de celles-ci.
Ainsi, la notion de régulation par une étude de marché était importante et permettait notamment d’empêcher des installations projetées en dépit du bon sens. Nous déplorons le maintien, dans la présente proposition de loi, de la suppression de cette notion, même si nous reconnaissons l’effort fait par M. le rapporteur pour contourner la difficulté, notamment en intégrant la notion de typologie des commerces.
Il nous semble cependant que ce constat relatif à l’aberration des règles économiques européennes devrait nous amener à nous interroger à nouveau sur la pertinence du socle libéral qui est aujourd’hui le leur. Il est dommage qu’il n’en soit pas question aujourd’hui.
Nous déplorons également que le Gouvernement revienne par voie d’amendement sur les améliorations apportées par M. le rapporteur à ce texte.
Plus largement, nous avons quelques doutes sur la visée du présent texte et sur sa capacité à répondre aux défis posés, notamment en termes de régulation des implantations commerciales et de revitalisation des centres-villes.
Le développement croissant de zones commerciales en périphérie recouvre nombre de problèmes qui ne sont pas traités ici, comme celui du prix du foncier, celui de la vente par les agriculteurs de terres agricoles, ou encore celui de l’accessibilité et donc du développement des transports collectifs, qui présuppose que les collectivités aient les moyens d’investir en ce sens.
On le voit, la question est complexe et il n’est pas certain que cette proposition de loi sera un outil efficace.
Ce texte a pour clef de voûte le rôle prépondérant donné aux SCOT et au document d’aménagement commercial dont l’autorité est renforcée par rapport aux documents inférieurs.
Premièrement, remarquons que SCOT et DAC existent déjà. Il ne s’agit donc pas là d’une innovation majeure.
L’article 1er reprend ainsi pour partie, notamment pour ce qui est des critères à retenir pour l’élaboration du DAC, l’article L. 122-1-9 du code de l’urbanisme tel qu’il a été adopté dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».
La seule nouveauté réside dans l’ajout au sein du DAC de règles de localisations particulières basées sur la typologie des commerces. Nous restons pourtant dubitatifs, et, comme le faisait le rapporteur, nous nous interrogeons : ce seul ajout permettra-t-il d’éviter que le remède proposé dans le présent texte ne soit pis que le mal ?
Par ailleurs, nous éprouvons en partie les réticences de la Fédération nationale des SCOT à l’égard de la faculté donnée aux structures porteuses de SCOT de programmer dans leur document une sorte de PLU supracommunal concernant les implantations commerciales : comme la fédération, nous estimons qu’il s’agit d’une perversion du rôle et des missions de ces structures de coopération intercommunale.
Ainsi, il est préconisé que les SCOT délimitent les secteurs où pourront s’implanter des installations commerciales de plus de 1 000 mètres carrés. Nous pensons pour notre part qu’une telle définition parcellaire relève non pas du SCOT mais toujours d’un PLU, qu’il soit communal ou intercommunal, conformément aux règles de compétences relatives aux droits des sols.
Rappelons une nouvelle fois que les investissements réalisés pour la création de telles surfaces sont financés par les communes et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.
N’oublions pas l’essentiel : le SCOT est un outil de cohérence territoriale et non un outil prescriptif. Ainsi, les documents le composant sont fondamentalement des outils prospectifs de planification, fixant notamment les politiques en matière de transport, d’habitat, d’économie, d’environnement et de commerce par des objectifs et des orientations. Le rôle du SCOT est donc bien d’indiquer une direction et non de formuler des prescriptions très localisées s’imposant aux communes.
À cela s’ajoute la difficulté d’élaborer un tel document, notamment au sein des SCOT qui recouvrent plus de soixante-dix communes.
En effet, donner une telle compétence au SCOT dénature la règle de compatibilité qui prévalait jusqu’alors pour indiquer les relations entre celui-ci et les documents d’urbanisme de rang inférieur. Au regard de la précision qui sera celle du DAC, les PLU devront être non plus simplement compatibles mais bien conformes aux délimitations opérées au sein du DAC.
À ce titre, le mécanisme d’opposabilité directe préconisé dans la proposition de loi entre le permis de construire et le DAC illustre parfaitement ce détournement du principe de compatibilité vers un strict principe de conformité.
Pourtant, s’il appartient ensuite aux documents inférieurs de ne pas remettre en cause les objectifs définis par les SCOT et de concourir à la mise en œuvre de ces derniers en déclinant localement leur orientation, l’adoption d’une telle mesure nous semble trop contraignante. Pour cette raison, nous proposerons de remplacer le terme « délimitation » par celui de « localisation », qui correspond mieux au rôle des SCOT.
Ainsi, pour respecter cette hiérarchie au sein des documents locaux d’urbanisme, nous estimons que la présence d’un DAC au sein d’un SCOT n’empêche pas les établissements publics de coopération intercommunale d’avoir leurs propres documents d’aménagement commercial, plus précis.
Il appartient pour finir aux PLU communaux ou intercommunaux de réaliser cet exercice de localisation précise des parcelles.
Sur le fond, la volonté de renforcer la portée prescriptive des documents d’urbanisme intercommunaux, et donc d’encadrer plus strictement les documents communaux, coïncide parfaitement avec la démarche actuelle qui tend à faire du PLU intercommunal le PLU de droit commun, cela avec le succès que l’on connaît. Notre rapporteur ne renonce jamais…