Avant toute chose, je vous indique que la chaire que je dirige depuis 2008 a été financée par le groupe Vivendi, puis par le groupe Lagardère. J'ai également obtenu des financements de TF1 et de France Télévisions. Actuellement, cette chaire est financée par Vivendi et par la société de conseil Ekimetrics, spécialisée dans la mesure de l'efficacité des investissements publicitaires.
Par ailleurs, je préside une société de production que j'ai fondée avec ma femme il y a une trentaine d'années et que j'ai reprise il y a deux ans.
Enfin, je tiens à dire que personne ne m'a demandé de faire une déclaration liminaire, je m'attendais de la part de la commission d'enquête à des questions, je suis donc embarrassé.
À mon sens, et de façon très générale, peut être considéré comme un média tout ce qui publie, par opposition à la correspondance qui a vocation à rester privée, voire secrète, c'est-à-dire toute information qui circule d'un émetteur vers des récepteurs pour fabriquer du sens. Il est important de garder cette idée à l'esprit.
Dans l'Ancien régime, la publication n'était pas soumise aux mêmes règles que dans les systèmes institutionnels ultérieurs. Le dispositif institutionnel actuel correspond à ce que les économistes appellent un ordre d'accès ouvert, c'est-à-dire un dispositif dans lequel l'économie de marché permet la libre concurrence et l'apparition de groupes d'intérêt sans cesse différents. Les médias servent à faire fonctionner à la fois les marchés et la démocratie représentative, à tout le moins les organisations qui concourent aux compétitions électorales.
À ce titre, l'évolution des médias est très étroitement articulée à l'évolution des ordres sociaux, singulièrement dans le régime de l'ordre d'accès ouvert dans lequel nous vivons en France depuis 1881, c'est-à-dire depuis la loi qui autorise la liberté de la presse et la liberté d'organisation.
La grande originalité de l'époque est l'apparition de dispositifs qui sont à la fois des dispositifs de correspondance et de publication. Les réseaux sociaux, appelés maintenant médias sociaux, contrairement à ce qui se pratiquait dans le monde « analogique », n'ont plus besoin de système dédié pour séparer correspondance et publication. La publication a toujours été associée à des systèmes techniques très identifiés : l'imprimerie, la presse, ainsi que les outils de radiodiffusion et l'affichage. La correspondance, quant à elle, se faisait grâce au courrier, au télégramme, au télex, etc.
Les réseaux sociaux ont ceci de particulier qu'ils permettent à la fois la création d'organisations absolument essentielles au bon fonctionnement de la démocratie représentative, puisque des groupes d'intérêt vont se former qui auront vocation à être représentés dans le système politique, et une représentation sociale desdits groupes à travers des outils de publication, ce que l'ordonnance de 1945 sur la presse prévoyait de manière beaucoup plus rigide, en associant à chaque fois un organe de presse à une organisation politique et en mutualisant la distribution des journaux par un système collectif de messagerie.
Aujourd'hui, en raison de la concurrence mondiale, l'économie bouge beaucoup plus rapidement. Les groupes d'intérêt apparaissent aussi de manière beaucoup plus rapide que dans l'ancien monde. Les réseaux sociaux sont le reflet de cette situation et concourent, selon moi, à son insertion dans la démocratie représentative.
Que deviennent les anciens médias dans ce dispositif ? Comment sont-ils contournés, voire siphonnés, par les nouveaux médias ? En quoi bénéficient-ils d'externalités positives sur leur audience ? Ces interrogations demeurent entières.
Comme l'a souligné Nathalie Sonnac, les acteurs dominants au niveau mondial dans les nouveaux médias sont américains, excepté en Chine. De ce point de vue, la question du soft power ou de la structuration d'une représentation de la culture et de l'expression française, voire européenne, pose une série de problèmes.