Le secteur audiovisuel est une création de l'État, construit en allouant le spectre hertzien à des concessionnaires, avec un cahier des charges strict. Il fallait notamment acheter à des producteurs indépendants des programmes de télévision, limitant ainsi l'intégration verticale des concessionnaires de fréquences dont les actifs étaient concentrés sur les fréquences distribuées, lesquelles faisaient alors l'objet d'un monopole.
Canal Plus, à sa création, était la seule chaîne privée dépositaire d'une fréquence dont le service de télévision pouvait être vendu. Seule dans sa catégorie, elle a donc pu convaincre en moins de deux ans deux millions de clients. Ceux-ci ont financé une industrie du cinéma qui a connu un renouveau très spectaculaire. L'État a donc concédé une ressource et créé un marché dans lequel il a obligé le concessionnaire à rester concentré sur l'actif concédé et à sous-traiter à des tiers les programmes. Ce dispositif, étendu lors de la privatisation de TF1, a dévié la rente issue des marchés de la télévision vers des officiers de premier rang, les concessionnaires des chaînes, et des producteurs indépendants, qui se sont constitués en corporation. Résultat : au fur et à mesure que de nouvelles chaînes ont été créées, ce dispositif s'est étendu sans jamais pouvoir être réformé. On a ainsi assisté à une première vague de concentration après l'arrivée de la TNT. Des concessionnaires ont été choisis selon la même méthode qu'à l'époque des fréquences hertziennes et on les a laissés revendre leurs fréquences, ce qui a abouti à la situation antérieure à la fusion TF1-M6.
Ce qui est original en France, c'est que l'on a interdit aux chaînes d'être propriétaires des programmes qu'elles finançaient et que l'on a constitué un écosystème industriel dépositaire de la rente. Le secteur est ainsi devenu politiquement impossible à réformer.