Intervention de Christiane Kammermann

Réunion du 31 mars 2011 à 15h00
Régime des astreintes et système de forfaits en jours — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Christiane KammermannChristiane Kammermann :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de résolution conteste le bien-fondé de notre législation concernant deux domaines importants du droit du travail : le forfait annuel en jours et le régime des astreintes.

La convention de forfait permet au cadre ou au salarié autonome d’organiser lui-même son temps de travail, celui-ci étant déterminé pour le mois en incluant les heures supplémentaires. La gestion administrative de la paie s’en trouve simplifiée.

L’astreinte, quant à elle, permet à l’employeur de recourir, si besoin, à un salarié qui reste joignable en dehors de son temps de travail effectif.

Pour appuyer sa thèse de non-conformité de notre droit à la Charte sociale européenne, Mme David évoque plusieurs décisions du Comité européen des droits sociaux. Je tiens à rappeler qu’il s’agit de déclarations de principe qui, si elles appellent à la réflexion, n’engagent pas la France.

Dans l’état actuel de notre droit, les deux dispositifs ont en commun d’être assortis de solides garanties afin de protéger le salarié. C’est pourquoi j’estime la présente proposition infondée.

En ce qui concerne le système du forfait en jours, Mme David cite comme contraires à la Charte sociale européenne les différentes lois sur le forfait en jours, y compris la loi l’ayant créé. Je rappelle pourtant que le forfait en jours a été créé par Martine Aubry dans la loi de 2000 généralisant les 35 heures : au départ, c’est donc une idée de la gauche ! §

Les gouvernements de notre majorité ont ensuite apporté de la souplesse et, au contraire de ce qui est allégué, des garanties qui n’existaient pas.

Ainsi, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail prévoit, comme pour tout forfait, que le salarié doit avoir donné son accord, formalisé par un écrit.

Elle organise un entretien annuel individuel entre l’employeur et ses salariés, entretien qui permettra d’assurer un suivi de la charge de travail et de veiller à l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle. Le comité d’entreprise sera également consulté chaque année sur la charge de travail des salariés soumis à une convention de forfait sur l’année.

La loi Aubry 2 avait fixé une limite à la durée annuelle du travail : 218 jours. Si le salarié travaillait plus, il devait récupérer les jours travaillés supplémentaires dans les trois premiers mois de l’année suivante. Mais, dans les faits, c’était loin d’être le cas : le dépassement chaque année pouvait être indéfiniment reporté d’une année sur l’autre, et ce sans majoration de salaire.

La loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat a représenté une première avancée : elle a permis au salarié de bénéficier d’une majoration de 10 % pour les jours travaillés en plus, pour l’année 2009.

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a étendu cette majoration au-delà de la seule année 2009. Le salarié en bénéficie désormais de manière durable.

En tout état de cause, le nombre de jours travaillés dans l’année ne peut excéder un maximum fixé par l’accord collectif qui prévoit le forfait en jours. Ce sont les partenaires sociaux qui sont décideurs. Ce plafond doit être compatible avec les dispositions du code du travail relatives aux repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés chômés dans l’entreprise et aux congés payés. La limite absolue est donc de 282 jours. Lorsque l’accord ne précise rien, la limite est fixée à 235 jours.

Je précise que la majoration dont bénéficiera le salarié qui travaillera au-delà de 218 jours ne sera pas imposable et ne sera pas soumise à charges sociales salariales.

La loi du 20 août 2008 a introduit de la souplesse, permettant aux employeurs de sortir du carcan des 35 heures et aux salariés qui le souhaitent d’augmenter leur pouvoir d’achat. Contrairement à ce qu’affirme Mme David, elle n’enfreint pas le principe de « durée de travail raisonnable » : les limites ont été clairement posées. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2008, qui n’a pas invalidé les dispositions visées.

En ce qui concerne maintenant le régime des astreintes, Mme David fait valoir que, selon le Comité européen des droits sociaux, l’astreinte ne peut être assimilée à une période de repos et, de plus, ne devrait pas pouvoir avoir lieu le dimanche.

Outre les réserves que je viens de formuler sur la portée des avis du Comité, je tiens à souligner que la mise en place des astreintes s’accompagne de garanties : elles doivent être prévues par des accords collectifs étendus ou des accords d’entreprise ou d’établissement, qui en fixent le mode d’organisation, notamment leur rythme ou le nombre maximal d’astreintes au cours d’une même période... À défaut d’accord collectif, les conditions de mise en place sont fixées par l’employeur, mais il devra consulter et informer le comité d’entreprise ou les délégués du personnel, ainsi que l’inspecteur du travail.

De plus, l’astreinte étant une sujétion pour le salarié, celui-ci reçoit obligatoirement une contrepartie : elle pourra prendre la forme d’une compensation pécuniaire ou d’un repos.

Un document de suivi doit être remis à chaque salarié en fin de mois, sous peine d’une amende de 750 euros.

Ainsi, que ce soit sur le sujet des forfaits en jours ou sur celui des astreintes, notre droit est particulièrement protecteur des intérêts du salarié. Le groupe UMP votera donc contre la proposition de résolution. Il ne partage pas la vision alarmiste de Mme David et du groupe CRC-SPG, qui retiennent surtout de la souplesse de nos dispositifs une atteinte au sacro-saint principe des 35 heures.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion