Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous étions le jeudi 13 janvier, il était quatorze heures et nous avions tous, quelle que soit notre appartenance politique, la très ferme intention de faire en sorte que la commission mixte paritaire soit conclusive, dans un esprit de responsabilité et d’ouverture. Pendant quatre heures de réunion et de suspension, nous avons cherché à rapprocher nos points de vue de ceux de la majorité présidentielle.
Malheureusement, malgré nos efforts et malgré la qualité du dialogue qui s’était instauré, la réaction quelque peu disproportionnée de nos collègues députés à un événement extérieur a mis fin à nos espoirs d’aboutir à un consensus, alors qu’un équilibre était en train d’être trouvé sur l’ensemble des dispositions en débat ; seuls quelques éléments rédactionnels restaient en débat, M. le rapporteur l’a rappelé.
Je ne peux croire un seul instant que ce tweet ait servi de prétexte à la majorité présidentielle pour faire échouer nos négociations et ainsi monopoliser le débat médiatique pendant encore quelques jours sur la thématique du passe vaccinal.
Cela est d’autant plus regrettable que le Sénat, après un débat que l’on peut qualifier de respectueux, d’approfondi et de serein, avait adopté à une écrasante majorité en première lecture le passe vaccinal, même s’il avait pleinement conscience que celui-ci ne constituait pas l’élément déterminant de la lutte contre la flambée épidémique que nous subissons aujourd’hui.
Nous avions donc validé le principe du passe vaccinal, mais nous l’avions assorti d’un certain nombre de conditions relatives aux modalités de sa mise en œuvre, que nous jugions tout à fait raisonnables. Au vu de l’avancée de nos discussions en commission mixte paritaire, nous avions bon espoir que l’Assemblée nationale reprendrait à son compte la plupart des points d’accord, certes informels, qui semblaient se dégager lors de la réunion de cette commission.
Malheureusement, force est de constater que ce ne fut que partiellement le cas. Il reste, selon nous, deux points saillants de désaccord entre nos deux institutions.
En premier lieu, nous réaffirmons notre refus de toute vérification d’identité en cas de doute, dans les cafés, les restaurants, les cinémas, bref, dans les lieux où le passe vaccinal sera exigé. Nous considérons qu’il ne faut pas ajouter à l’exigence de présenter le passe celle de prouver d’une manière ou d’une autre son identité.
Soyons honnêtes, madame la ministre : ce type de faculté ne sera pratiquement jamais exercé par le gérant du cinéma, l’hôtelier ou le restaurateur, car, d’une part, il n’y sera pas contraint et, d’autre part, il s’acquitte déjà d’un devoir assez pénible et chronophage, à savoir la vérification du passe sanitaire, qui deviendra passe vaccinal. Permettez-moi donc de douter du caractère opérationnel du dispositif de vérification facultative d’identité, même dans la version de la commission des lois du Sénat, habilement réintroduite dans le texte par l’Assemblée nationale la nuit dernière.
Nous vous proposerons de supprimer cette disposition, mes chers collègues, pour permettre au Gouvernement de sortir de cette voie sans issue et d’éviter le conflit majeur qui est en train de naître avec les professionnels du secteur, lesquels, ne l’oublions pas, sont chaque jour au contact de millions de personnes.
En second lieu, nous avons de nouveau considéré que l’amendement présenté en première lecture par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, de manière assez précipitée – il n’avait pas été soumis au Conseil d’État et ne faisait pas partie des arbitrages initiaux rendus dans le cadre de la rédaction du texte –, paraissait très litigieux.
Cet amendement vise à permettre à l’inspection du travail d’intervenir dans une entreprise pour apprécier l’organisation et le fonctionnement de celle-ci. Une telle modalité a été supprimée en 1987, en même temps que l’autorisation administrative de licenciement pour motif économique…
Comme le disait, avec un certain humour, M. le rapporteur lors de la réunion de la commission mixte paritaire, cette mesure marquerait le grand retour de l’inspecteur du travail dans le monde de l’entreprise en vue de substituer son appréciation à celle de l’employeur.
Nous avons considéré que cette disposition avait un caractère totalement improvisé et qu’elle reposait sur une conception du rapport entre l’inspection du travail et l’entreprise risquant d’être extrêmement conflictuelle et contentieuse. Nous vous proposerons donc de la supprimer purement et simplement.
Malgré ces points saillants de désaccord, il y a aussi eu des avancées significatives.
Nous sommes ainsi parvenus à un accord concernant les personnes qui recevront leur première injection au cours des prochains jours : ces futurs primo-vaccinés pourront avoir accès aux activités de loisirs – je pense aux restaurants, aux bars, aux cinémas –, à condition de présenter un test négatif pendant le laps de temps qui sépare leur première dose de la seconde. Il s’agit là en quelque sorte d’une marque de respect pour nos concitoyens qui auront accepté de s’inscrire dans cette démarche de vaccination.
Il reste deux derniers points à évoquer.
L’Assemblée nationale a accepté le système proposé par le Sénat pour les mineurs, qui consiste en un régime unique : il n’y aura pas de passe vaccinal pour les mineurs de 16 ans. Il est vrai que, en première lecture, le Sénat avait souhaité appliquer cette mesure aux moins de 18 ans, mais nous avions considéré en commission mixte paritaire que cette différence d’appréciation sur l’âge pour l’application du passe vaccinal ne constituait pas un point de désaccord insurmontable. L’argument avancé par l’Assemblée nationale, selon lequel le mineur ayant entre 16 et 18 ans peut décider seul de se faire vacciner sans autorisation parentale, est frappé d’une certaine cohérence.
Dernier point et non des moindres : nous n’avons pas pu nous entendre sur la clause d’extinction automatique du passe vaccinal en fonction de critères sanitaires combinés et définis par la loi, clause à laquelle le Sénat était pourtant très attaché.